Santé publique: 20 ans et toujours pas de cadre réglementaire contre les mycotoxines

Les pluies tardives du mois de mai ont faciliter la contamination des récoltes par les mycotoxines avec des risques de santé publique.  

Santé publique: 20 ans et toujours pas de cadre réglementaire contre les mycotoxines

Le 3 juin 2013 à 14h15

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Les pluies tardives du mois de mai ont faciliter la contamination des récoltes par les mycotoxines avec des risques de santé publique.  

Les pluies tardives du mois de mai ont eu pour effet mécanique de faciliter la contamination des récoltes marocaines par les mycotoxines. Les mycotoxines ? C’est un champignon présent à l’état endémique dans une partie importante de la production alimentaire sur nos marchés et qui constitue une menace pour la santé publique. Le comble, c’est qu’on le sait, et depuis plus de 20 ans, mais rien n’a été fait pour atténuer ou éradiquer ce fléau.

Le comité interministériel pour le contrôle alimentaire et la répression des fraudes (CIPCARF) avait mis en place un cadre réglementaire pour délimiter les teneures en mycotoxines dans l’alimentation humaine et animale. Ce projet est resté sans suite alors que les scientifiques marocains déplorent inlassablement un faible contrôle des normes et une atteinte à la santé publique.

Ces substances sécrétées par des champignons toxinogènes, sont retrouvées dans des produits à grande consommation tels que le lait, les céréales, les olives noires de table, les épices et les fruits secs.

Centre anti poison : pas de cas enregistrés au centre, par les mycotoxines

A l’heure où nous écrivons ces lignes, les questions que nous avons posées à l’ONSSA sont demeurées sans réponses. De son côté, le Centre anti-poison nous a déclaré qu’aucun cas d’intoxication ne figure dans ses registres.

L’étude menée par le laboratoire de toxicologie alimentaire de l’INH (Institut national d’hygiène) en Novembre-Décembre 2007 nous a permis déjà de dresser un état sur les réformes urgentes à faire et de contacter le président de la Société marocaine de mycotoxicologie (Moroccan Society of Mycotoxicolgy), Professeur Abdelrhafour Tantaoui Elaraki pour de plus amples explications.

Entretien avec Pr Abdelrhafour Tantaoui Elaraki, Président de la Société Marocaine de Mycotoxicologie.

Pourquoi les mycotoxines sont-elles aussi présentes dans les produits alimentaires de base tels que les céréales, le lait et ses dérivés, les fruits secs...?

Il y a beaucoup d’aliments qui peuvent être touchés par les mycotoxines, comme les céréales, les légumineuses, les fruits secs (amandes, noix, noix de muscade,…). Cela est dû au fait que les moisissures qui produisent ces mycotoxines trouvent les conditions favorables dans ces milieux. D’autres produits touchés par les mycotoxines et destinés à l’alimentation animale, tels que le maïs, contaminent in fine dans la chaîne alimentaire principalement dans le lait, les œufs, un peu moins les viandes mais aussi dans les abats. 

Y a-t-il une réglementation clairement définie par les autorités compétentes, dont le ministère de l’Agriculture, pour lutter contre ce fléau ?

 

Malheureusement, le projet de réglementation traîne depuis une vingtaine d’années. Celui-ci devrait être renouvelé et restitué avant d’être adopté. A aujourd’hui, nous n’avons pas de réglementation marocaine proprement dite. Les organes de contrôle se référent plutôt aux normes étrangères pour se prononcer sur les produits fortement touchés par les mycotoxines et leur danger.

Comment peut-on expliquer que les autorités compétentes n’aient toujours pas mis en place un cadre réglementaire pour contrer un tel danger sur la santé des citoyens ?

Justement ayant senti ce danger depuis pratiquement un an et demi, nous avons créé une association, la société marocaine de mycotoxicologie, pour sensibiliser les pouvoirs publics et faire adopter au plus tôt un cadre réglementaire à même d’intensifier les opérations de contrôle.

Une étude publiée par l’INH (Institut National d’Hygiène) en 2007 recommandait la révision urgente des normes réglementaires marocaines et leur harmonisation avec les mesures internationales en plus de la mise en place d’un programme de surveillance des mycotoxines pour la protection des consommateurs. Nous pouvons en déduire que rien n’a été fait depuis cette date ?

Effectivement, rien n’a été fait depuis cette date. C’est pourquoi nous essayons à travers notre association de discuter avec les pouvoirs publics pour adopter une réglementation claire et en harmonie avec les standards internationaux.

A titre d’exemple, nous importons du maïs destiné à l’alimentation animale (bétail, volaille,…), ce maïs est souvent touché par des moisissures mais ne subit qu’un faible contrôle notamment dans les ports, puis se retrouve dans les aliments composés à livrer au bétail. Les industriels le confirment d’ailleurs.

Est-ce que la création de l’ONSSA (Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire) en 2009 a permis d’améliorer certains aspects liés à ces normes de contrôles et de réduction de danger des mycotoxines ?

Jusqu’à présent, nous ne sentons pas encore d’impact direct sur le terrain mais nous collaborons toujours avec l’ONSSA pour améliorer ensemble l’état de nos contrôles et discuter des réformes réglementaires nécessaires.

Le problème est-il seulement réglementaire ou aussi technique ? Des agriculteurs se plaignent de pesticides inefficaces dans l’extermination des mycotoxines…

Il faut savoir que les mycotoxines se développent plus facilement en fin de période après des pluies exceptionnelles et donc lorsque les fruits sont pratiquement mûrs, comme c’est le cas en ce moment. Il peut s’agir de cet aspect là.

Autre chose, les mycotoxines se développent encore plus rapidement après les récoltes dans les phases de stockage et de transport où elles sont exposées aux conditions de moisissure favorables à leur multiplication, à savoir l’humidité et la chaleur. Cela dit, il n’y a pas que nos productions locales qui connaissent ce problème, il y a également les produits importés de mauvaise qualité.  Il faut donc s’assurer que les conditions de stockage et de transport sont saines et bonnes pour freiner l’apparition et la propagation de leur danger.

En conclusion, quels conseils pouvez-vous donner aux consommateurs pour se protéger contre ce danger en attendant de renforcer les contrôles et instituer le cadre réglementaire requis ?

Il n’est pas évident pour un consommateur de contrôler la présence des mycotoxines dans les aliments.

Toutefois, deux grandes recommandations sont à faire auprès de toute la population :

- Premièrement : ne pas consommer tout ce qui sent l’odeur du moisi, je souligne ce qui sent et pas seulement qui présente des signes de moisissures.

- Deuxièmement : alerter les ménagères de ne donner sous aucun prétexte le pain moisi aux mendiants qui frappent à leur porte. En réalité, ce sont des personnes qui revendent ce pain comme alimentation au bétail. Celui-ci est donné à des vaches laitières. Il a été prouvé que des mycotoxines présentes dans le lait proviennent de la consommation par les vaches des mycotoxines de ce pain moisi. Un véritable marché est créé dans certaines régions par des trafiquants et est entièrement consacré à la revente du pain moisi.

Pour mieux connaître la Société marocaine de mycotoxicologie, cliquez ici 

Pour lire l’étude de l’INH, cliquez ici 

 

 

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