Chine: la fiabilité des statistiques mise en doute

Les marchés financiers mondiaux sont suspendus à la publication des statistiques économiques chinoises, mais les experts s’interrogent sur la fiabilité des chiffres officiels, à teneur hautement politique, et soupçonnent des manipulations en bataille.  

Chine: la fiabilité des statistiques mise en doute

Le 15 août 2013 à 8h51

Modifié 15 août 2013 à 8h51

Les marchés financiers mondiaux sont suspendus à la publication des statistiques économiques chinoises, mais les experts s’interrogent sur la fiabilité des chiffres officiels, à teneur hautement politique, et soupçonnent des manipulations en bataille.  

Une perplexité croissante entoure l’annonce d’indicateurs chinois aussi importants que le produit intérieur brut (PIB), alors que se multiplient les écarts entre certaines mesures officielles (les données du commerce extérieur, notamment) et les estimations des experts.

En juillet, l’indice PMI (mesurant l’activité manufacturière) publié par le gouvernement chinois montrait même une évolution diamétralement contraire au même indicateur calculé par la banque HSBC.

«S’il y avait un indice de suspicion sur les statistiques officielles chinoises, il atteindrait des niveaux records», ironise dans une note Stephen Green, économiste chez Standard Chartered.

Le Premier ministre chinois Li Keqiang avait lui-même reconnu il y a quelques années prendre avec des pincettes certains indicateurs officiels.

A l’époque à la tête de la province du Liaoning (nord-est), il avait confié en 2007 à l’ambassadeur américain en poste à Pékin que certains chiffres chinois étaient «fabriqués artisanalement» et donc peu dignes de confiance, selon un câble diplomatique publié par Wikileaks.

Li avait précisé que lui-même, pour évaluer la véritable santé économique de sa province, se concentrait sur seulement trois chiffres: la consommation d’électricité, le niveau du fret ferroviaire et le volume de crédits émis.

«Tous les autres chiffres, en particulier les statistiques sur le PIB, peuvent être seulement consultés à titre informatif», avait-il conclu avec un sourire, selon le mémo diplomatique américain.

«Un des nombreux problèmes en Chine est que les statistiques sont perçues comme recelant en elles-mêmes des connotations politiques», observe Michael Pettis, professeur de finances à l’Université de Pékin.

La Chine calcule et publie ses chiffres mensuels et annuels bien plus rapidement que la France, qui est pourtant une économie bien plus petite et dont les statistiques sont réputées de meilleure qualité, a-t-il indiqué à l’AFP.

«Cela amène à se demander comment les Chinois arrivent à être plus rapides que les Français. Cela pose question», note-t-il.

Des responsables locaux puissants

Les experts doutent depuis longtemps de la vraisemblance des chiffres fournis par les cadres locaux, dont la carrière dépend principalement des performances économiques de leur région -ce qui peut les encourager à «embellir» la réalité.

Pour Toshiya Tsugami, directeur d’un cabinet de conseil et ancien conseiller économique à l’ambassade japonaise à Pékin, la faute en revient à la structure politique chinoise, qui accorde de larges pouvoirs administratifs à l’échelon local tandis que nominations et promotions dépendent des autorités centrales.

«Les dirigeants locaux sont engagés dans une concurrence acérée pour afficher la plus forte croissance du PIB de leur région afin de s’assurer une promotion. Comme ils sont aussi responsables de la publication des statistiques, la tentation est forte de redresser les données», a expliqué M. Tsugami.

De fait, la moyenne des taux de croissance publiés par l’ensemble des provinces chinoises est bien supérieure au chiffre national, «ce qui est bien entendu logiquement impossible», souligne M. Pettis.

«On peut donc se dire que le Bureau national des statistiques (BNS) fait un travail plutôt raisonnable dans un environnement très difficile, et que les autorités des statistiques aux niveaux provincial et local font beaucoup moins d’efforts», poursuit-il.

L’étude réalisée par Stephen Green, de Standard Chartered, compare les différentes mesures de l’inflation et estime que la croissance économique chinoise était de 7,2% en 2011 et de 5,5% en 2012 -très en-deçà des chiffres gouvernementaux (+9,3% et +7,8% respectivement).

Qualifiant ses calculs de «jeu de devinettes», M. Green ne cache pas les difficultés rencontrées: «pour remettre en question les chiffres officiels, il faut utiliser (d’autres) chiffres officiels», dont la crédibilité est tout aussi sujette à caution.

Dans une étude parue la semaine dernière, Christopher Balding, professeur à la HSBC Business School de l’Université de Pékin, avance que des chiffres biaisés de l’inflation, notamment les prix immobiliers, tendent à surévaluer fortement la taille de l’économie chinoise, devenue la deuxième du monde après les Etats-Unis.

«Si l’on réajuste de façon plus conservatrice les prix de l’immobilier (officiels), cela grossit d’environ un point de pourcentage le niveau d’inflation sur un an des prix à la consommation en Chine -ce qui amène à réduire le PIB réel du pays de plus de 1.000 milliards de dollars» (environ 12%), a-t-il détaillé dans un mémoire communiqué à l’AFP.

Pour les experts, les autorités pourraient être cependant poussées à corriger la situation, afin de disposer de chiffres de confiance pour élaborer des politiques publiques efficaces.

«Faute de statistiques fiables, toutes les mesures politiques et réformes seront faussées», prévient Wang Qinwei, analyste du cabinet Capital Economics.

(Par AFP)

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