Une économie “Nouss-Nouss” ou l'art de l'entre-deux

Une lecture des chiffres du HCP pour les neuf premiers mois de l'année, montre une situation mitigée, mi ombre mi lumière, où alterne l'excellent, le bon et le moins bon. Le futur proche dépend en grande partie de la reprise en Europe.

Une économie “Nouss-Nouss” ou l'art de l'entre-deux

Le 8 décembre 2013 à 8h44

Modifié 8 décembre 2013 à 8h44

Une lecture des chiffres du HCP pour les neuf premiers mois de l'année, montre une situation mitigée, mi ombre mi lumière, où alterne l'excellent, le bon et le moins bon. Le futur proche dépend en grande partie de la reprise en Europe.

Hallelujah! Selon les estimations du HCP, le Maroc a affiché une croissance de 4,5% YoY au 3ème trimestre 2013.

Ce résultat semble à première vue très honorable surtout eu égard au 2,9% réalisé une année auparavant. Ce chiffre en satisfait plus d'un et offre une lecture de surface très favorable de la santé économique du pays.

Sur la seule et unique base de ce résultat pour le moins flatteur, le Maroc se distingue du lot des pays importateurs nets de pétrole, en principe lestés par leurs factures d'or noir. Mais c'est là une lecture naïve et simpliste de l'économie. L'œil aguerri aurait plus d'un tour dans son sac pour prouver le contraire.

Une croissance économique reste un agrégat regroupant des réalités économiques aussi diverses les unes que les autres, qu'il conviendrait d'analyser séparément.

A-t-on vraiment pris du poil de la bête ou sommes-nous toujours embourbés dans nos démons de 2012? Revue d'une économie mi-figue mi-raisin devenue un art de l'entre-deux.

Si la croissance agricole a connu un boom de +18,9% au 3ème trimestre de 2013, induisant un effet positif sur la consommation privée, il n'en est pas de même pour les activités non-agricoles.

La fébrilité du secteur du BTP (-1,9% YoY à fin septembre 2013) combinée à la faible croissance de l'accumulation du capital (+1,9% YoY à fin septembre 2013), l'unique résultat d'un effet de rattrapage, sont les témoins d'une conjoncture encore faiblarde.

Les données du secteur bancaire viennent aussi confirmer ce constat. Les prêts accordés n'ont cru que de 2% YoY à fin septembre 2013, le plus bas sur les 10 dernières années, et les crédits au secteur privé de 2,9% YoY à fin septembre 2013. Seul point positif les dépôts en croissance de 5,6% YoY sur les 8 premiers mois de 2013.

Cependant, le ratio emprunts sur dépôts reste quant à lui élevé, 110% contre 100% il y a 5 ans, suggérant que le ralentissement aura encore de beaux jours devant lui. Ce point est particulièrement critique au regard du poids économique du secteur bancaire dont la valeur des actifs représente plus de 120% du PIB.

Ces effets commencent déjà à se faire ressentir sur le secteur immobilier, ainsi les prix du segment commercial ont baissé de 4% YoY à fin septembre 2013 et ceux du résidentiel sont restés au même niveau.

Le pays a entamé en septembre dernier une refonte des subventions accordées à l'endroit de certains produits. Ce vent réformateur s'est déjà fait ressentir durant les 6 premiers mois de l'année avec une faible augmentation d'un peu moins de 2% des dépenses publiques.

Une politique budgétaire moins volontariste accompagnée du resserrement des conditions de crédit annoncent un nouveau paradigme et risquent de peser lourd sur les perspectives de croissance du pays. Fini donc les politiques budgétaire expansionnistes des 5 dernières années.

Cependant, malgré les efforts consentis par le gouvernement, il est difficile d'imaginer comment il pourra réduire le déficit budgétaire à 5,5% du PIB en 2013 contre 7,7% en 2012, c'est une simple question de logique : les dépenses d'investissement ont augmenté de 13% YoY sur 6 premiers mois de 2013 alors que les recettes n'ont cru que de 1% YoY. Au mieux, le déficit baissera à un niveau de 6,5-7% en 2013.

Le Maroc est aussi fortement exposé à la conjoncture de son principal partenaire à savoir l'Europe dont les déboires sont pour beaucoup derrière la morosité des activités non-agricoles.

Pour rappel, le bilan du commerce extérieur a été mitigé sur les dernières années : le déficit commercial est passé de 1,4% du PIB entre 2004 et 2010 à plus de 11% en 2011, du jamais vu, pour enfin atterrir à un peu moins de 10% en 2012 avec une prévision de 9,1% pour 2013. En parallèle, les réserves en devises sont passées de 23,6 Mds USD en décembre 2010 à 16,1 Mds en novembre 2012, ne couvrant plus que 4 mois d’importations.

Ainsi, seule une reprise économique de l'Europe permettrait de redresser cette situation pour le moins inquiétante, et rien ne montre à date que c'est le cas: les recettes des exportations ont baissé de 1,7% YoY sur les 9 premiers mois de 2013 et celles provenant du tourisme ont augmenté d'à peine 1,7% YoY.

Mais encore faut-il que la croissance européenne vienne des principaux partenaires commerciaux du Maroc que sont l'Espagne et la France. Or toute reprise en Europe sera très certainement drivée par les pays nordiques et l'Allemagne, et non pas par nos principaux partenaires.

Mais Dieu merci qu'un vent d'instabilité souffle sur nos principaux concurrents régionaux: le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les IDE ont ainsi affiché une croissance de 19% YoY sur les 9 premiers mois de l'année avec des investissements conséquents dans le secteur industriel de la part de la France et de l'Espagne. Résultat des courses, une augmentation des réserves en devises à 17,5 Mds USD en octobre 2013. A noter qu'avec 3,5 Mds USD d'IDE, le Maroc est le pays qui bénéficie de la plus grande enveloppe d'IDE en Afrique du Nord.

Dans ce sens, il est clair que ces turbulences sont plus d'ordre conjoncturel que structurel. Le programme de réduction du déficit continuera son petit bonhomme de chemin, encouragé par la ligne de précaution et de liquidité de 6,2 Mds USD décroché il y a un peu plus d'un an auprès du FMI et par la nécessité du Maroc de maintenir son rating de crédit  (BBB- par S&P et Fitch, et Ba1 par Moody's) pour pouvoir se financer auprès des investisseurs étrangers.

Aux dernières nouvelles, le Maroc s'apprête à émettre pour 1 Mds EUR d'Eurobond 10 ans dans les semaines qui viennent à un taux relativement bon marché (autour de 4,75% selon des sources dignes de foi).

En dépit des mauvais résultats affichés par les secteurs non-agricoles, le pays est dans une bonne posture pour procéder à cette opération. Ainsi le CDS 5 ans du Maroc est de 2,15% contre 3,95% pour la Tunisie et 6,85% pour l'Égypte.

Pour rappel, les émissions obligataires réalisées en novembre 2012 avaient été bien accueillies par les investisseurs.

Au delà de la fébrilité cyclique de la croissance, le Maroc a plusieurs cordes à son arc et dispose d'avantages structurels qui augurent d'une bonne santé économique sur le long terme.

Le royaume dispose d'une stabilité politique inégalée et d'un système des plus démocratiques sur le plan régional, qui lui a permis de naviguer sereinement sur les eaux du printemps arabe. L'indexation du Dirham à un panier de devises, avec une pondération de 80% en faveur de l'Euro, permet au Maroc d'être protégé contre les chocs financiers externes. Cette indexation serait éventuellement salvatrice dans le cas où la FED ouvre le robinet des programmes de Quantitative Easing.

Par ailleurs, le faible niveau d'inflation, 1,5% sur les 5 dernières années, montre bien que le Dirham est correctement évalué.

Malgré un déficit budgétaire de plus en plus important, ce trend semble être plus conjoncturel que structurel. A titre d'exemple, le déficit budgétaire ne représentait en moyenne que -2,3% du PIB entre 2004 et 2010, contre -9,9% pour la Jordanie et -8,1% pour l'Egypte.

Par ailleurs, un rapport intitulé "Energy Subsidies on the Middle East and North Africa : Lessons for Reform" publié par le FMI a identifié le Maroc comme étant le pays qui dépense le moins en termes de subventions énergétiques en pourcentage du PIB sur la région MENA (à l'exclusion de Djibouti). La facture énergétique a certes augmenté sur les dernières années mais c'est le cas aussi pour nos voisins, et le Maroc est le seul pays importateur net de pétrole dans la région MENA qui a entamé une réforme de sa caisse de compensation. Alors figue ou raisin notre économie? une chose est sûre: c'est l'art de l'entre-deux, une économie nouss-nouss !


 

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