J.-F. Bayart : “Le rôle des réseaux sociaux dans le printemps arabe est exagéré”

En marge d’une conférence organisée à l’Ecole de gouvernance et d’économie de Rabat, Médias 24 a posé 3 questions à Jean-François Bayart, directeur de recherche de classe exceptionnelle au CNRS.

J.-F. Bayart : “Le rôle des réseaux sociaux dans le printemps arabe est exagéré”

Le 17 décembre 2013 à 15h13

Modifié 17 décembre 2013 à 15h13

En marge d’une conférence organisée à l’Ecole de gouvernance et d’économie de Rabat, Médias 24 a posé 3 questions à Jean-François Bayart, directeur de recherche de classe exceptionnelle au CNRS.

Il apporte un regard critique sur l’importance des réseaux sociaux dans le déclenchement des révoltes du printemps arabe.

Vous estimez que le rôle des réseaux sociaux dans le déclenchement du printemps arabe est à revoir. Qu’en est-il vraiment ?

Le rôle des réseaux sociaux a été exagéré. Tout d’abord, nous ne savons pas à quoi fait référence le terme «réseau social». Est-ce une technique de communication comme le journal ou le téléphone ? Donc, en soi, les réseaux sociaux n’existent pas véritablement. On retrouve sur ces sites des islamistes, des ouvriers, des syndicalistes…etc. on ne peut pas transformer le support en acteur. Il s’agit d’un premier contresens.

Deuxièmement, le rôle de ces «réseaux sociaux» a éclipsé le rôle des acteurs (syndicats et politiques) qui militaient depuis longtemps contre les régimes autoritaire. Le cas tunisien en est la parfaite illustration; le printemps arabe n’aurait jamais été ce qu’il est, s’il n’y avait pas eu le travail de préparation et de maturation. En janvier 2011 en Tunisie, on voit bien comment la fraction dissidente des syndicalistes de l’UGTT ont canalisé et encadré la jeunesse et les manifestants.

Donc, sans cette tradition et ces cadres militants, il n’y aurait pas eu de printemps arabe, quelle que fut la mobilisation sur les dits réseaux sociaux.

 

Ne pensez-vous pas que cet outil a permis de rassembler des groupes de personnes, de convictions et de courants différents, autour d’une certaine forme de consensus qui a permis le déclenchement des révoltes populaires ?

Je pense que ce compromis ou cette rencontre entre des militants d’inspiration islamique et des militants d’inspiration sécularisée, s’est effectué dans la chaleur des manifestations. C’est dans la pratique de la manifestation, notamment celle du 20 février ou à la Kasbah à Tunis, ont permis au fond à des islamistes et à des sécularistes de se reconnaitre et de mieux se comprendre, il y a eu là des accommodements.

En revanche, je ne suis pas certain qu’en soi, facebook ait joué ce rôle de rapprochement.

Par contre, facebook a élargi la sphère publique, c’est indéniable! Au même titre que la presse à une certaine époque; facebook a joué le rôle qu’a pu jouer la presse nationaliste dans la lutte anticolonialiste par le passé.

 

Dans ce cas, pourrait-on considérer que facebook est un canal alternatif de transmission de l’information qui vient court-circuiter les médias officiels ?

Je ne crois pas un instant en la dimension salvatrice de facebook. Il peut être autant un vecteur d’assujettissement, y compris autoritaire, qu’un vecteur de libération et de résistance.

D’ailleurs, n’oublions pas que facebook et toutes les ressources internet sont massivement investies par des régimes autoritaires ou conservateurs; il ne faut pas penser par exemple que les pétromonarchies n’utilisent par facebook.

De la même manière, le parti communiste chinois est omniprésent, pas simplement pour réprimer, mais aussi pour produire du virtuel. Donc, facebook, dans son ensemble, c’est un nouveau site de la lutte sociale, mais il n’est pas orienté dans un sens ou dans l’autre. C’est simplement un nouveau site de construction ou de formation de l’hégémonie, sur un mode conflictuel.
 

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