Bilan en demi-teinte pour les trois ans de révolution tunisienne

C’est ce mardi 14 janvier que les révolutions arabes fêtent leur anniversaire. Quels sont les enseignements de ces trois années? Peut-on déjà tirer un premier bilan?  

Bilan en demi-teinte pour les trois ans de révolution tunisienne

Le 14 janvier 2014 à 12h23

Modifié le 11 avril 2021 à 2h35

C’est ce mardi 14 janvier que les révolutions arabes fêtent leur anniversaire. Quels sont les enseignements de ces trois années? Peut-on déjà tirer un premier bilan?  

1. L’illusion d’optique. La majorité écrasante des populations concernées comme des observateurs extérieurs a été victime d’une illusion d’optique. Celle qui consiste à croire que la révolution allait garder les acquis et corriger les erreurs, abus, crimes, dépassements, lacunes des régimes honnis qui viennent d'être dissous.

Eh bien, pas du tout. La première chose que fait une révolution, c’est de remettre en cause les acquis. Et de libérer des dynamiques parfois contre-révolutionnaires.

Remettre en cause les acquis, cela peut être la sécurité, un certain respect de la loi, une trajectoire économique ou … la condition de la femme (dans le cas tunisien).  La contre-révolution, ce sont les Fréristes et les salafistes, voire les jihadistes, qui ont eu pignon sur rue en Egypte, en Libye, en Tunisie.

 

2. Enjeux internes, enjeux externes. Pourquoi les révolutions ont-elles touché uniquement des républiques à pouvoir autoritaire et tentées par une transmission familiale du pouvoir? Mystère.

Ce qui est sûr toutefois, c’est que là où les enjeux externes dépassaient les enjeux internes, les révolutions n’ont pas abouti à un changement de régime (constat effectué par Gilles Kepel) : cas de la Syrie et du Yémen.

 

3. Dynamiques post révolutionnaires. Dans chaque pays, à l’issue des révolutions, les deux principales forces du pays se retrouvées face à face.

Dans le cas de l’Egypte, l’armée face aux Fréristes.

Dans le cas de la Libye: absence du moindre acteur structuré et organisé. Les Jihadistes se sont donc constitué des milices qui se tirent régulièrement dessus. Tandis qu’un noyau d’armée se met difficilement en place.  L’Etat est absent (Kaddafi a laissé un pays sans administration ou presque, sans conception de l’Etat). Le scénario libyen, c’est soit un chaos armé soit une intervention militaire occidentale, secrète ou discrète.

En Tunisie, l’armée est trop faible. Les deux principales forces sont d’un côté les Fréristes et de l’autre une myriade de défenseurs de la laïcité, d’un Etat civil et d’une vision moderniste de la société (société civile, intellectuels, partis politiques, syndicats, patronat).

 

4. Faire aboutir la révolution tunisienne coûte que coûte. Avec les chaos libyen et syrien, le coup d’Etat égyptien, il restait la Tunisie à sauver que coûte pour bien montrer au monde qu’une révolution peut réussir, que les révolutions arabes n’étaient pas vouées à l’échec et que la démocratie n’est pas un vain mot. Les enjeux extérieurs ont fini par prendre le pas sur les enjeux internes.

Au moment où la confrontation a atteint son paroxysme entre les Fréristes et leurs alliés salafistes d’un côté et les forces démocratiques de l’autre, se sont multipliées les pressions diplomatiques, pas toujours discrètes. Même l’Algérie a joué les médiateurs, sans compter les Etats Unis, la France, l’Allemagne et les organismes financiers internationaux.

 

5. La Constitution tunisienne est le fruit d’un compromis politique entre ces différentes forces, sous la pression de puissants acteurs étrangers. Elle n’est pas issue de la révolution.

Ce compromis consiste à trouver, sur tous les sujets qui fâchent, des formulations suffisamment ambigües et pouvant être interprétées de différentes manières, de sorte que chaque camp puisse crier victoire ou faire la lecture qui satisfait ses propres troupes.

Le Pr Ali Mezghani, grande figure de la vie intellectuelle tunisienne et militant des libertés individuelles, dira à Médias 24, qu’il s’agit d’une constitution “minée“, qui “renvoie la résolution des grands problèmes au moment de l’application des principes qu’elle énonce“.

Les grandes questions, c’est d’abord la femme et la place de l’Islam. L’Islam est-il source de législation? La constitution ne dit pas oui, mais elle ne dit pas non. Les citoyens et les citoyennes sont-ils égaux dans la loi ou devant la loi ? La Constitution dit “devant la loi“. Le mot nation n’apparaît nulle part. L’Islam est religion de la Tunisie ou de l’Etat tunisien, en fonction des interprétations… Etc.

Nombreux sont ceux qui comme les grands médias internationaux voient dans la constitution qui est en train d’être adoptée, des “avancées“. Plusieurs intellectuels tunisiens de renom voient un compromis et un danger pour l’avenir car la résolution des différends est tout simplement reportée. C’est le cas de Faouzia Charfi, de Raja Ben Slama et de Yadh Ben Achour.

Au final, les dites révolutions arabes ont fait avancer certaines causes dans la région : que les peuples veulent prendre leurs destins en main ; qu’il est impossible de s’imposer dans le paysage politique sans passer obligatoirement par le lexique de la démocratie et des droits de l’Homme ; la liberté d’expression a également progressé.

Parmi les échecs, signalons l'incompétence mystérieuse et avérée de tous les Fréristes dans la gestion économique, l'absence de véritable reddition des comptes des caciques des précédents régimes tandis qu'aucun mécanisme de justice de transitionnelle n'a pu être mis en place en trois ans. Les verrous qui restent sont ceux qui concernent le statut des femmes, la place de la religion ou la définition de l’identité.

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