EXCLUSIF. Asmaa Boujibar nous raconte son aventure scientifique

La nouvelle de son admission à la Nasa résonne sur la toile, comme un écho du «yes we can» marocain. Mais Asmaa Boujibar, qualifiée d’excellente par Denis Andrault, son directeur de thèse, reste humble et se présente à vous dans une interview exclusive signée Médias 24.  

EXCLUSIF. Asmaa Boujibar nous raconte son aventure scientifique

Le 6 mars 2014 à 19h03

Modifié 6 mars 2014 à 19h03

La nouvelle de son admission à la Nasa résonne sur la toile, comme un écho du «yes we can» marocain. Mais Asmaa Boujibar, qualifiée d’excellente par Denis Andrault, son directeur de thèse, reste humble et se présente à vous dans une interview exclusive signée Médias 24.  

Pouvez-vous vous présenter et résumer votre parcours à nos lecteurs ?

Après mon baccalauréat scientifique obtenu au lycée Lyautey, je suis allée à Rennes pour faire mes études où j'ai effectué ma licence en Sciences de la Terre. A l'île de la Réunion, j'ai poursuivi un master 1 sur les magmas et les volcans puis mon master 2 recherche dans le même domaine à Clermont Ferrand.

En ce moment je me prépare à soutenir une thèse de doctorat (fin mai 2014) en planétologie sur la formation et la différenciation des planètes, dirigée par le Professeur Denis Andrault au Laboratoire Magmas et Volcans et l'Université Blaise Pascal.

Durant mon master, j’ai pu faire trois stages de recherche: à l’Ile de la Réunion un stage sur les laves des volcans de la Réunion, un stage à Clermont-Ferrand sur les expériences de haute pression et température et un stage au Japon sur les cinétiques de réaction chimique dans les panaches de points chauds volcaniques.

A la fin de mon master, j’ai obtenu une allocation de recherche ministérielle, donc un contrat de 3 ans au Laboratoire Magmas et Volcans pour effectuer mes recherches en planétologie.

Nos recherches se basent sur des expériences que nous réalisons avec une presse à multi-enclumes qui permet de reproduire des conditions de pression et de température extrêmes (100.000 fois la pression atmosphérique et 3.000°C), caractéristiques de l'intérieur des planètes aux premiers stades de leurs formations.

En comparant les échantillons que l'on obtient avec les météorites et les compositions de la Terre et des autres planètes, on arrive à retracer l'histoire du système solaire et comprendre comment se forment les planètes.

 

Comment vous êtes-vous passionnée pour ce domaine ?

Aux cours de mes études, j’ai eu des difficultés à trouver ma voie. En fait, dès mon plus jeune âge, à l’école et au lycée, j’avais beaucoup plus de facilités dans les sciences et surtout les maths.

J’étais donc très tôt attirée par les sciences, mais une fois arrivée à la faculté, certains cours que l’on peut appeler les «cours catalogues» (où il faut constamment apprendre par cœur) pourtant indispensables m’ont un peu lassée et fait douter.

Voyant que je n’étais pas dans mon élément, j’ai décidé de changer de filière. J’ai donc fait un an en arts plastiques en attendant de rentrer dans une école d’architecture. Je n’ai pas mis beaucoup de temps à me rendre compte que j’étais faite pour les sciences et que je pouvais utiliser mon côté imaginatif en recherche. Ce qui ne peut être découvert que tard à l'école.

J'ai donc décidé de revenir en faculté des sciences pour suivre une première année de physique chimie, puis au fil des années me spécialiser en Sciences de la Terre et de l'Univers.

J’ai commencé à apprécier les sciences de la Terre et de l’Univers durant ma deuxième année de licence en physiques chimie à Rennes lors d’un cours de spécialité. Grâce à cet enseignement, j’ai pu voir cristalliser les fondamentaux acquis en physique chimie à travers des processus naturels.

En voyageant de ville en ville (Rennes puis Ile de la Réunion et Clermont-Ferrand), j’ai pu approfondir au fur et à mesure mes connaissances dans mes domaines de prédilection que sont les processus physico-chimiques affectant l’intérieur de la Terre et des planètes.

 

L'annonce de votre admission au sein de la Nasa a suscité beaucoup de réactions sur les médias marocains et au sein de la communauté marocaine dans les réseaux sociaux. Quel effet cela vous fait ?

Le fait que je sois la première femme marocaine à intégrer la Nasa représenterait peut-être un symbole supplémentaire de l’esprit de combativité des femmes marocaines et de leur résistance au contexte politique et économique difficiles.

Mais j’ai bien peur que tout cet engouement soit quelque peu prématuré. Tout d’abord, je ne suis pas encore docteur. Je le serai probablement à la fin du mois de mai (soutenance prévue fin mai). D’autre part, je n’ai pas encore signé mon contrat d’embauche car il faut que je sois docteur avant de le faire. Enfin, je commence en principe à travailler à Houston en septembre. Donc, j’espère que tout se déroulera comme prévu d’ici là.

 

Est-ce un rêve qui se réalise ?

Mon objectif n’était pas spécialement d’intégrer la Nasa, mais simplement faire de la recherche dans le domaine des sciences de la Terre et de l’Univers et entre autres en planétologie. C’est en lisant les travaux du Dr. Kevin Righter que j’ai fini par postuler à la Nasa, l’automne dernier, pour travailler avec lui et j’ai reçu une réponse positive la semaine dernière.


Sur quoi portera précisément votre travail à la Nasa ?

Je ne peux pas donner trop de détails car il y a beaucoup de concurrence dans mon domaine de recherche. Globalement, je travaillerai à la Nasa sur la différenciation des planètes (différenciation veut dire évolution chimique).

 

Avez-vous eu des échos sur la recherche au Maroc ? Que pensez-vous qu'on puisse faire pour orienter plus de jeunes au pays vers la recherche ?

Oui j’ai la chance d’avoir dans mon entourage quelques chercheurs marocains dont une tante en archéologie et histoire de l’art (Pr Naïma Khatib), une cousine en mathématiques (Pr Noha El Khattabi) et le père d’une très bonne amie en chimie organique (Pr Saïd Sebti).

Au Maroc aussi les laboratoires de recherche sont très compétents et devraient continuer de valoriser leurs découvertes auprès du grand public. D'autre part, nous avons la chance au Maroc d'avoir un terrain propice à l'étude des météorites. En effet, la grande majorité des météorites sont trouvées dans le désert du Sahara.

Le Maroc est devenu une plaque tournante du commerce de météorites en Afrique du Nord. L'université Hassan II se distingue notamment par ses travaux dans le domaine. Plusieurs congrès et workshops internationaux dans ce domaine ont eu lieu au Maroc. La «Meteoritical Society» en collaboration avec l'université Hassan II organise notamment un congrès en septembre 2014 à Casablanca.

Pour encourager les jeunes à effectuer des carrières de scientifiques, je pense qu’il faudrait par exemple développer plus d’échanges entre universitaires et lycéens, à travers des conférences vulgarisées, cela aiderait peut-être certains à trouver leurs vocations.

Sur votre CV on peut lire que vous pratiquez le japonais, c’est peu commun. Avez-vous appris cette langue lors de votre stage là bas ?

Oui, en faisant un stage de 2 mois au Japon, j’ai pris des cours de japonais et j’ai donc appris les bases de la langue japonaise. En rentrant ensuite du Japon, j’ai continué à apprendre toute seule grâce à des sites internet. Mais j’ai dû m’arrêter au cours de ma thèse car je n’avais plus assez de temps à y consacrer.

Je prévois de continuer d’apprendre le japonais car les japonais sont aussi très compétents dans mon domaine de recherche et donc j’aimerais bien collaborer aussi avec eux. J’ai adoré le Japon et j’espère y retourner.

 

A deux jours de la journée de la femme quel message voudriez-vous transmettre à la femme marocaine ?

Grâce à sa combativité, la femme marocaine ne peut que conduire son pays vers le progrès et la démocratie tant qu’elle s'investit dans tout ce qu'elle entreprend. Grâce au long et dur combat associatif pour les droits de la femme, des défis ont été relevés et l'on retrouve aujourd'hui la femme marocaine aux plus hauts postes de décisions aussi bien dans le secteur politique, qu'économique ou social.

Étant donné le contexte politique et économique difficile, les jeunes générations maghrébines doivent faire preuve de résistance et de ténacité pour préserver et consolider les acquis démocratiques hérités des pionnières.

Un dernier mot pour nos lecteurs ?

Ce que j’aimerais dire c’est qu’il faut aussi mettre en valeur les découvertes faites par les laboratoires de recherche marocains, et les vulgariser auprès du grand public. Ça serait très bien pour les jeunes, cela permettrait de les encourager à faire de la science.

 

 

Contacté par Médias 24, Denis Andrault, son directeur de thèse au laboratoire Magmas et Volcans de l'Université Blaise Pascalà Clermont-Ferrand, est élogieux au sujet la chercheure marocaine.

« Asmaa est une excellente étudiante, aussi bien pour l'expérimentation à hautes pressions et hautes températures, que pour les considérations théoriques et l'insertion dans un domaine très spécialisé de recherche.

«Son sujet de thèse de doctorat porte sur la formation des planètes tellurique, et en particulier de la Terre. Pendant son Post-doc à la Nasa, elle étudiera la formation d'autres planètes telluriques, en particulier de Mars. Elle pourra comparer les mécanismes d'accrétion de cette planète par rapport à la Terre et chercher à éclaircir pourquoi le Manteau de Mars est si différent de celui de la Terre.»

 


 

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