Prévue à 13h, la grande conférence de présentation de la nouvelle stratégie industrielle n’a pu démarrer qu’à 15h. C’est que c’est une grande annonce que se préparait à faire le ministre du Commerce, de l’Industrie, de l’Investissement et de l’Economie numérique, en présence du Roi Mohammed VI.

L’ex-patron du groupe Saham a dévoilé les grands axes de la nouvelle stratégie industrielle du gouvernement. Celle-ci se substituera, sur la période 2014-2020, au Pacte national de l’émergence industrielle (PNEI), présenté en 2009 par le ministre Ahmed Reda Chami, prédécesseur d’Elalamy.  

Le chapiteau qui a abrité la conférence rappelle combien Casablanca manque d’espaces d’accueil d’évènements de cette envergure. La capitale de l’industrie, du commerce et des services ne dispose pas, à ce jour, de lieux dédiés à cet effet.

Un revirement dans l’Emergence

Même si les mesures concrètes restent, selon le ministre, “confidentielles” pour le moment, son message est clair : augmenter le PIB industriel de 9 points et ce, en 7 ans, ce qui génèrerait 500.000 emplois. Et comment? le mot magique revient dans toutes les phrases de l’allocution d’Elalamy : écosystème.

Dans une déclaration, le ministre de l’industrie a confié avoir découvert ce concept pas plus tard qu’il n’y a six mois. Sa trouvaille, il a tenu à l’expliquer en des mots simples. “Au lieu de produire des briques, on veut commercialiser des pans de murs”. L’idée est de mettre ensemble plusieurs opérateurs industriels et des services, afin de réaliser une production plus intégrée. La formule du groupement d’intérêt économique (GIE) est revenue récurremment dans le discours de Moulay Hafid.

La nouveauté? On ne se concentrera pas que sur les “métiers mondiaux”, très chers à feu plan Emergence. Il n’est plus question de soutenir exclusivement l’aéronautique, l’offshoring et l’automobile. Il s’agit de capitaliser sur toutes ces “success stories” en les généralisant sur l’ensemble du tissu industriel.

“Toute l’industrie doit être intégrée, je n’exclurai aucun secteur, notre objectif est de parvenir à un tissu économique global solide et résilient.”.

Le style MHE

“J’aime bien les gens qui me parlent le langage du business. Tous ceux qui me parlent de sentiments, je m’en méfie” déclare Moulay Hafid Elalamy lors de la conférence de presse ayant suivi la présentation officielle. Clin d’oeil émis aux adeptes de la diplomatie économique? Pour lui, tout est question d’intérêts croisés, et rien d’autre : “je viens du business, je comprends le capitalisme, et j’aime ce système. Ce que je comprends le plus, c’est le langage de l’intérêt”.

Selon lui, c’est en montrant l’intérêt des grandes entreprises à travailler avec les petites qu’on peut parvenir à une plus grande intégration économique, tout en tirant les PME et les TPE à produire plus de valeur ajoutée.

Cela passe aussi par la sortie d’une partie importante de l’économie marocaine de l’informel. “Nous n’avons pas réussi à mettre fin à l’informel parce que nos solutions avaient été inappropriées,” a-t-il expliqué, et d’ajouter: “c’est en incitant les acteurs de l’informel à faire partie d’un éconsystème où ils trouveraient leur intérêt et produiraient de la valeur ajoutée, qu’on les en sortirait”.  

Que se passe-t-il avec la CGEM?

Agacé par les questions portant sur les similitudes entre les propositions du ministère et celles dévoilées par la CGEM trois jours plus tôt, le ministre s’est montré particulièrement virulent à l’endroit du syndicat des patrons. “Des diagnostics, j’en ai de quoi charger tout un camion” a-t-il déclaré, et d’ajouter, “je n’ai pas eu le temps de me pencher sur la liste de plus de 100 mesures faites par la confédération, qui m’a été présentée, après vous d’ailleurs” a-t-il précisé s’adressant aux journalistes présents dans la salle. Cette liste qualifiée de “liste d’épicier” par le ministre, reprenait les mêmes éléments de langage qu'il a employés.

Ses réactions cachent-elles un bras-de-fer avec Miriem Bensalah Chakroun ? D'ailleurs, les déclarations d’Elalamy sur la fiscalité risquent de jeter de l’huile sur le feu. “Je déteste les rentiers. Je suis au service de l’intérêt de l’Etat, et pas de deux pelés et trois tondus qui veulent maintenir leurs privilèges”.

A ce titre, il a rappelé aux journalistes sa décision de renoncer à la baisse de l’IS de 30% à 25% qui lui a été promise par le gouvernement El Fassi alors qu’il était patron de la CGEM. Le ministre a tenu à être clair. En 2015, il ne réclamera pas à son collègue des Finances des mesures fiscales spécifiques pour accompagner la nouvelle stratégie, au grand dam du patronat, dont la fiscalité reste la bataille annuelle principale.