A Casablanca, dénonciations et délits de faciès pour combattre l’insécurité

Les services de police de Casablanca exposent les interpellés et des objets trouvés en leur possession, sous l’accusation d’appartenance au mouvement “Tcharmil“. Les médias marocains sont invités à couvrir les arrestations. Des images circulent. Aucune enquête n’est menée à proprement parler.

A Casablanca, dénonciations et délits de faciès pour combattre l’insécurité

Le 4 avril 2014 à 9h09

Modifié 4 avril 2014 à 9h09

Les services de police de Casablanca exposent les interpellés et des objets trouvés en leur possession, sous l’accusation d’appartenance au mouvement “Tcharmil“. Les médias marocains sont invités à couvrir les arrestations. Des images circulent. Aucune enquête n’est menée à proprement parler.

Jeudi 3 avril, point de presse dans les locaux de police de la très réputée Dar Hamra, arrondissement de Hay Hassani, à Casablanca. Objet : arrestation d’une bande soupçonnée d’appartenir au mouvement “Tcharmil“.

Il s’agit de 7 interpellés, dont 2 mineurs, identifiés sur la base des photos publiées sur les réseaux sociaux et d’informations émanant d’indics. Sur une table, sont exposés des articles de contrefaçon : baskets «Nike requins», montres jaune or mi bling bling mi bas de gamme, téléphones portables. Aucune trace d’une quelconque arme blanche, du moins exposée. Rien n’indique que ces objets ont été volés par l’un de ces interpellés. Ils ont juste été trouvés en leur possession.

Encore plus, de source policière, les casiers des membres de cette présumée bande sont vierges. Pas d’antécédents judiciaires ou une quelconque interpellation. En clair, dans le jargon «R.A.S», rien à signaler.  Qu’est-ce qui a motivé ces arrestations?

Nos experts expliquent : «ils ont publié leurs photos sur des pages facebook dédiées au tcharmil. Ils adoptent le même style vestimentaire, une coupe de cheveux particulière, portent des accessoires distinctifs. L’ensemble de ces éléments nous permettent de les identifier comme délinquants». On est en plein délit de faciès !

«Le droit à l’image est un principe de droit. Leurs photos leur appartiennent, personne n’a le droit de les utiliser», s’indigne Youssef Chehbi, avocat inscrit au barreau de Casablanca, ayant une certaine expérience dans la défense des délinquants mineurs. Il fait allusion à la diffusion de leurs photos par les médias et la police. Et précise: «même en prison, le détenu signe une décharge autorisant la prise de photo anthropométrique ! »

C’est plus qu’il n’en faut pour la police pour déférer, dès ce vendredi 4 avril, les 7 présumés coupables  devant le procureur du Roi.  Chose confirmée par Abdellah Rami, commissaire divisionnaire à l’arrondissement de Hay Hassani : «cela n’empêchera pas la justice de s’appliquer. Les dossiers seront présentés demain au procureur du Roi, sous motifs de constitution d’une bande criminelle, d’utilisation de force, de menaces et de destruction de biens publics ».

Les interrogatoires apportent-ils des détails, des confirmations? «Il s’est avéré que le comportement de ces jeunes ne se fonde que sur un besoin de s’afficher, de manifester leur existence», dixit la même source. « A travers les réseaux sociaux, ces jeunes manifestent un besoin, ils investissent un espace d’expression identitaire», explique Aziz Chahir, politologue, professeur à l’université internationale de Rabat.

Il poursuit son raisonnement: «au lieu de demeurer dans les lieux classiques d’expression, représentés par l’école, la famille, les partis politiques, ils effectuent un déplacement vers le virtuel, qui prend une ampleur considérable». Et de résumer : «ils lancent un SOS».

Pour notre juriste, Me Youssef Chehbi, «ils sont exposés comme des prises de guerre. Ce qui inexorablement les met encore plus en colère. Leur dignité est bafouée. Ils revendiquent de la reconnaissance et du respect».

Ces derniers jours, il semble que le principal souci des autorités est de lutter contre le sentiment d’insécurité des populations. Différents modes d’intervention sont utilisés: descentes dans des cafés et lieux de rassemblement dans les quartiers populaires, interpellations, rafles et contrôles d’identité qui finissent dans les commissariats. Comme cette opération à Tiznit, aujourd’hui en fin de journée,  où la police locale a procédé à l’arrestation d’une bande présumée criminelle du mouvement «Tcharmil».

Sommes-nous face à une stratégie de grand ratissage? «De stratégie sécuritaire ? Je n’en vois pas. Avant d’en adopter une, il est nécessaire de mener des études. Actuellement, il n’existe que des approximations analytiques, qu’il faut corroborer par des éléments de terrain», souligne le professeur Chahir. Et d’insister: «il n’existe aucun diagnostic du phénomène. Il devient urgent de lancer un débat public puisque les partis politiques et la société civile sont démissionnaires, au lieu de stigmatiser ces délinquants en marge du système éducatif».


 

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