Amnistie des changes, c’est l’attentisme

Les opérateurs restent dans l’expectative malgré la publication des circulaires et guides des administrations concernées: Office des changes et administration fiscale. Après l'engouement des premières semaines, on s'observe les uns les autres.

Amnistie des changes, c’est l’attentisme

Le 19 mai 2014 à 9h46

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Les opérateurs restent dans l’expectative malgré la publication des circulaires et guides des administrations concernées: Office des changes et administration fiscale. Après l'engouement des premières semaines, on s'observe les uns les autres.

Je sais ce que je gagne, mais je me pose la question sur ce que je risque“. L’amnistie des changes instituée par l’article 4 ter de la Loi de Finances 2014 est en train de buter sur cet obstacle. Après l’engouement des premières semaines, il est clair que l’attentisme s’est installé.

La décision de lancer cette disposition a été manifestement prise dans une certaine hâte. L’on se souvient qu’il s’agissait d’un amendement déposé par le gouvernement et non pas d’une mesure proposée dans le projet de loi de Finances. Et l’on a bien constaté qu’il a fallu plusieurs semaines pour que les circulaires soient publiées. Après les circulaires, il a encore fallu attendre de longues semaines pour que les guides de l’Office des changes et celui de la Direction des impôts soient à leur tour rendus publics.

Au final, on a bien compris que la disposition concerne les biens et avoirs détenus à l’étranger d’une manière illégale. Illégale signifie ici :

-au regard de la règlementation des changes.

-au regard de l’administration fiscale.

Pour le premier point, il s’agit d’une exportation frauduleuse de devises, ou de devises non rapatriées. Pour le second point, il s’agit de défaut de déclarations couplé au défaut de paiement au titre des ces avoirs, par exemple dans le cas des plus-values, des revenus ou des produits de placement.

A Médias 24, nous utilisons l’expression amnistie des changes qui nous semble la plus adéquate. C’est une amnistie des changes et, dans une certaine mesure seulement, d’une amnistie fiscale. En tous cas, il s’agit d’une amnistie. L’administration utilise l’expression contribution libératoire qui non seulement est vague, mais de plus est impropre dans le cas d’espèce, la contribution libératoire étant la somme versée par le souscripteur et non pas la disposition elle-même. L’administration le fait parce que des députés de l’opposition ont contesté le terme amnistie qui aurait selon eux nécessité une loi spécifique.

Cela étant dit, les interrogations les plus importantes reviennent toutes à un seul point d’inquiétude : qu’est-ce que je risque si je souscris?

Autrement dit, dans quelle mesure l’anonymat est-il garanti?

Et dans quelle mesure pourrait-on me poursuivre pour des faits découlant de ma souscription?

Exemple: j’ai sous-facturé à l’export et gardé la différence à l’étranger. Est-ce que mon entreprise ne risque-t-elle pas d’être redressée au titre des années antérieures par exemple pour dissimulation de chiffre d’affaires?

Et à supposer que ce gouvernement tienne parole, ne suis-je pas à la merci d’un changement de gouvernement?

Le guide publié la fin de la semaine écoulée par la direction des impôts au sujet du traitement fiscal de l’amnistie des changes clarifie plusieurs points mais reste prudent sur l’étendue de l’amnistie fiscale. Et d’ailleurs, il ne pouvait en être autrement.

Que dit la Direction générale des impôts?

>En matière de secret professionnel: “Les personnes concernées ayant souscrit à la contribution disposent de la garantie de l’anonymat couvrant l’ensemble des opérations effectuées au titre de cette contribution. A cet effet, les opérations de déclaration bénéficient des dispositions relatives au secret professionnel prévues par l’article 79 de la loi n°34-03 précitée relative aux établissements de crédit et organismes assimilés“.

Autrement dit, l’anonymat est protégé par le secret bancaire. Personne, hormis votre banque, ne saura combien d’argent vous aurez rapatrié. Il en va autrement pour les placements et les biens immobiliers à l’étranger: l’anonymat ne sera plus de mise dès le 1er janvier 2015, car vous serez dans l’obligation de faire des déclarations et de payer des impôts au Maroc. L’anonymat ne couvrira que les années antérieures au 1er janvier 2014.

Plus loin, la DGI précise :

“L’anonymat est institué par la loi pour les besoins de la souscription à l’opération de la régularisation de la situation des avoirs détenus à l’étrange. Une fois cette situation régularisée, c’est le droit commun qui s’applique tant sur le plan de la réglementation de change que sur le plan de la législation fiscale en ce qui concerne la période postérieure à l’année 2013. L’anonymat reste acquis de doit pour toute la période antérieure à l’année 2014“.

Traduction : vos opérations sont anonymes, ainsi que les avoirs et biens déclarés. Mais à partir du 1er janvier 2015, vous serez obligé de sortir de l’anonymat si vous tenez à rester dans la légalité nouvellement acquise :

- Pour les avoirs liquides, la question ne se posera plus. Ces avoirs sont censés avoir été rapatriés en 2014 à l’occasion de la souscription. L’anonymat est garanti et le reste.

-La question se pose pour les biens immeubles et les placements. A compter du 1er janvier 2015, vous passez dans le régime commun et vous êtes censé déclarer vos biens et bénéfices une fois par an, comme l’explique d’ailleurs la circulaire. Vous serez obligé de sortir du bois en quelque sorte.

 

>En matière de poursuite administrative et judiciaire.

“Après paiement du montant de la contribution, il ne peut y avoir aucune poursuite administrative ou judiciaire à l’encontre des personnes concernées en matière de législation fiscale. Ainsi, les personnes qui ont acquitté la contribution sont libérées du paiement du principal de l’impôt et des pénalités et des majorités y afférentes pour infraction aux obligations de déclaration et de paiement des impôts“. C’est clair et d’ailleurs, il ne pouvait en être autrement: l’amnistie ne concerne que les infractions aux obligations de déclaration et de paiement des impôts.

>Que se passe-t-il le 1er janvier 2015?

-Pour ce qui concerne les avoirs liquides rapatriés : le régime du droit commun s’applique, ces avoirs étant désormais logés dans des banques marocaines et officiellement gérés.

-pour ce qui concerne les biens immobiliers et les placements à l’étranger, par définition ils restent à l’étranger. Le propriétaire est soumis au paiement des impôts au titre des revenus et profits générés par ces biens et placements. Dans le cas des biens immobiliers, une déclaration annuelle est exigée.

-L’administration marocaine s’appuie sur deux atouts pour faire valoir l’intérêt des Marocains à souscrire à l’amnistie des changes :

1. Il devient difficile, en Europe, de gérer des avoirs liquides et d’effectuer des mouvements importants.

2. La collaboration entre l’administration marocaine et les administrations des principaux pays d’accueil des investissements marocains illicites, avec un système d’échange d’informations.

Après la publication des deux guides, de l’Office des changes et de l’administration fiscale, parions que l’attentisme va se poursuivre.

Notons enfin que le produit de la contribution est affecté au fonds d’appui à la cohésion sociale. En souscrivant, vous ferez en quelque sorte un acte citoyen.

 

Pour se faire sa propre opinion :

Texte de la Loi de Finances 2014 (lire l’article 4 ter).

Le guide de la Direction générale des impôts.

Le guide de l’Office des changes et du GPBM.

La première circulaire de l’Office des changes.

Les articles de Médias 24 :

-Les bénéficiaires autorisés à maintenir des comptes à l’étranger pour gérer leurs biens et actifs.

-Nouvelles réponses de l’administration fiscale.

-Amnistie des changes : piège ou opportunité ?

-Comptes en devises pour tous, comment ça fonctionne.

-Amnistie des changes : tous les détails.


 

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