La décomposition de l’Irak vue de Washington

Médias et analystes américains font leurs calculs: qui est avec qui, qui est contre qui et faut-il intervenir? En dehors des éléments de l’actualité sur le terrain, deux faits politiques majeurs marquent les analyses américaines.  

La décomposition de l’Irak vue de Washington

Le 16 juin 2014 à 17h18

Modifié le 11 avril 2021 à 2h35

Médias et analystes américains font leurs calculs: qui est avec qui, qui est contre qui et faut-il intervenir? En dehors des éléments de l’actualité sur le terrain, deux faits politiques majeurs marquent les analyses américaines.  

1/ C’est le vide laissé en Afghanistan en faveur d’Al Qaida avant septembre 2001 qui a mené aux attentats du 11-Septembre. Comprendre : il ne faudrait pas répéter la même erreur aux frontières de la Syrie et de l’Irak ;

 2/ les interventions militaires américaines en Irak et en Afghanistan ont traumatisé de nombreux Américains et leur ont coûté cher. Mais pas tous.

L’éditorialiste Fred Hiatt du Washington Post dans l’édition de ce 16 juin souligne  «la menace du désengagement pour Barack Obama» sur le dossier irakien rappelant les différences au sein du camp présidentiel  entre «les minimalistes» menés par le vice-président Jo Biden et «les engageurs» menés jusqu’à il y a 18 mois par Hillary Clinton et devenus plus minoritaires depuis son départ du département d’Etat. 

Les troupes américaines ont quitté l’Irak en décembre 2011 et au vu de la domination chiite du pouvoir à Baghdad, les Irakiens ne souhaitaient plus de présence U.S. en Irak. De son côté Washington était prête à mettre fin aux aventures militaires ruineuses initiées par George W. Bush en 2003.

«L’EIIL a un plan. Washington le devrait aussi»

Pour Michael Knights qui écrit ce week-end dans le New York Times et sur le site du Washington Institute,  «même si l’administration Obama est déterminée à honorer sa promesse de campagne d’en finir avec les guerres, (…) l’Irak a besoin d’assistance en matière de sécurité, y compris des frappes aériennes».  Depuis samedi, le porte-avions nucléaire USS George W. Bush se trouve au large des côtes du Golfe persique.

Pour Knights, malgré les subtilités et les contradictions de la situation pour Obama et l’Amérique, «Washington ne peut plus se permettre le luxe de traiter l’Irak comme un cas à part. L’EIIL est sur le terrain désormais, et a un plan. Washington le devrait aussi».

Si penser qu’Obama n’est pas le président américain qui enverra des troupes au sol au Moyen-Orient pour des raisons externes et internes à moins de 5 mois des élections législatives U.S. de mi-mandat, quel serait l’impact de frappes aériennes sur les zones contrôlées par  l’EIIL? Au mieux, limité face à une armée irakienne très affaiblie par ses divisions et parce qu’aucun Etat étranger n’enverra de troupes sur le sol irakien.

 En outre, l’impact sur les opinions publiques arabes et musulmanes serait désastreux et  déstabilisant pour un grand nombre de régimes.

Obama ferme envers Baghdad: «nous ne pouvons pas le faire pour eux»

Dans sa déclaration du vendredi 13 juin, Obama a pris ses responsabilités et rappelé celles des autres, remettant en mémoire ce que certains faucons américains et arabes semblent parfois vouloir oublier : «Je tiens  à préciser clairement, a indiqué Obama, qu’il ne s’agit pas uniquement ni même essentiellement d’un problème militaire (…) Trop souvent, les dirigeants irakiens n’ont pas été en mesure de venir à bout de la méfiance et des différences sectaires qui couvent depuis longtemps dans ce pays, et cela a créé des vulnérabilités au sein du gouvernement irakien aussi bien que parmi ses forces de sécurité ».

Mais Obama va plus loin dans son analyse et ses intentions: «Dès lors, indique-t-il,  toute mesure que nous pourrions prendre pour apporter notre concours aux forces irakiennes de sécurité doit s’accompagner d’un effort sérieux et sincère de la part des dirigeants irakiens pour ce qui est de mettre de côté les différences sectaires, de promouvoir la stabilité et de tenir compte des intérêts légitimes de toutes les communautés irakiennes, et de continuer à construire la capacité d’une force de sécurité efficace. Nous ne pouvons pas le faire pour eux. Et en l’absence de ce type d’effort politique, une intervention militaire à court terme, y compris toute assistance que nous pourrions fournir, ne pourra pas aboutir ».

La nouveauté dans le débat américainpar rapport aux années Bush est que les voix américaines qui défendent des politiques inclusives comme l’historien Juan Cole de l’université du Michigan et des options diplomatiques régionales comme Emma Sky de l’université Yale sont plus écoutés aujourd’hui, désastres irakien et afghan, printemps arabes et incapacités politiques arabes à se réformer de manière plus déterminante aidant.

L’ennemi de mon ennemi est-il mon ami?

Les choix américains tout comme ceux des autres pays de la région ne sont pas aisés. Une revue, notamment par le New York Times,  des alliances et des intérêts partagés ou non par les différentes parties fait ressortir des contradictions de situation très importantes.

Ainsi des Etats-Unis et de l’Iran: ils sont ennemis, adversaires, soutiennent des parties adverses dans le conflit syrien, mais sont tous deux opposés l’avancée des milices de l’EIIL en Irak et pour la stabilité (temporairement) du gouvernement du chiite Al Maliki.

S’agissant des pays du Golfe, Arabie saoudite incluse, et des Etats-Unis, s’ils sont alliés, opposés à l’Iran et au régime Assad à Damas, ces pays sont très hostiles au gouvernement chiite de Baghdad et leur argent finance les opposants sunnites au régime de Damas, les mêmes qui occupent Fallouja depuis janvier 2014 et Mossoul depuis une semaine. Au sein de ces mêmes pays pétroliers du Golfe, Doha et Ryad ne jouent pas toujours la même partition.

La Turquie et l’Irak entretiennent «deux lignes de relations parallèles». Avec le Kurdistan riche en pétrole, la coopération commerciale est très développée, en même temps que les Kurdes n’apprécient pas l’interventionnisme turc en Syrie et en Irak.

Ce dernier pays est le 4ème partenaire commercial de la Turquie, avec du pétrole dans un sens et des biens de consommation et des biens manufacturés de l’autre. Face aux sunnites de l’EIIL, les autorités kurdes semblent les seules aujourd’hui à disposer de forces paramilitaires et militaires (les Peshmergas) prêtes au combat. Les kurdes irakiens souhaitent par ailleurs la formation de leur propre Etat indépendant aux confins des frontières iraniennes, turques et syriennes et sont traditionnellement opposés à tout pouvoir central à Bagdad.

Quant aux pays pétroliers du Golfe et les extrémistes sunnites, ils ont les régimes de Damas et deTéhéran pour ennemis communs tandis que ces pays considèrent l’EIIL trop radical et que l’EIIL les considère des régimes corrompus. Ici encore rien n’empêche des financements croisés et parfois contradictoires en provenance des pays pétroliers.

Dans ce schéma, les intérêts israéliens, ceux de l’Egypte, des pays du Maghreb ou encore des Etats européens restent à prendre en considération. La création d’un nouvel Etat islamiste aux frontières de la Turquie, de l’Iran, de l’Irak, de l’Arabie saoudite et d’Israël ne serait que le premier séisme annonciateur d’autres bouleversements politiques avec notamment une partition de l’Irak et de la Syrie et la création de véritables centres de formation djihadistes.

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