Maroc : “Gagner le pari de rattraper les pays émergents n’est pas impossible”

Objectif : faire du Maroc un pays émergent. C’est  le thème du discours royal du 20 août dernier qui s’interroge sur les conditions et les moyens pour y parvenir, sans éluder la difficulté d’en définir un sens et un contenu cohérents.  

Maroc : “Gagner le pari de rattraper les pays émergents n’est pas impossible”

Le 26 août 2014 à 16h34

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

Objectif : faire du Maroc un pays émergent. C’est  le thème du discours royal du 20 août dernier qui s’interroge sur les conditions et les moyens pour y parvenir, sans éluder la difficulté d’en définir un sens et un contenu cohérents.  

C’est en 1981 que l’économiste néerlandais Antoine van Agtmael de la Banque mondiale utilise pour la première fois l’expression « marchés émergents » pour parler de « pays en développement offrant des opportunités pour les investisseurs ». Ceux-ci sont caractérisés par, certes un PIB par habitant inférieur à celui des pays développés, mais connaissent une forte croissance de leurs économies et la mise en place d’infrastructures et de structures économiques qui les rapprochent des pays développés. Cela va de la mise en place d’un marché boursier pour le financement des entreprises à la mise en place d’infrastructures énergétiques, routières et ferroviaires. Mise en place d’un Etat de droit, industrialisation et diversifications des productions économiques et des exportations font partie des critères d’une définition inclusive et aussi exhaustive que possible.

Mais près de 20 ans après Antoine van Agtmael, le 15 janvier 2004, l’hebdomadaire londonien The Economist publie un article intitulé « What’s in a name ? » dans lequel il rappelle le lancement de son propre index en 1994 et les difficultés à différencier un pays « développé » d’un pays « émergent ».

A cet égard il est bon de savoir qu’à ce jour, la Turquie, l’Egypte, Israël, l’Arabie saoudite, l’Argentine, le Brésil, le Chili, la Colombie, le Mexique et le Venezuela, l’Afrique du Sud, l’Inde, l’Indonésie ou la Malaisie, la Thaïlande et le Pakistan sont considérés comme des pays émergents, ainsi que la Chine bien sûr, deuxième économie mondiale peuplée d’1,4 milliard de personnes mais dont les revenus par habitant restent relativement bas et extrêmement inégaux dans leur distribution.

Cela amène à s’interroger sur, par exemple, la présence d’un pays aussi instable et violent que le Pakistan ou l’absence de l’Iran, 20ème économie de la planète par son PIB. Les cas de la Roumanie et de la Bulgarie, pays-membres de l’UE mais dont les structures, juridiques notamment, sont fragiles et l’économie peu diversifiée et surtout fortement subventionnée, constituent des cas d’écoles pour les débats d’experts. Malgré leurs tares, ils restent des Etats-membres d’un ensemble européen au système juridique crédible et fiable et ils font pleinement partie d’un vaste réseau de libre-échange commercial.

Rappel donc : Etat de droit, marché boursier, infrastructures énergétiques et de transport, ouverture sur le commerce international sont des conditions sine qua non pour faire partie du lot des pays émergents. Mais ce n’est pas tout. Il faut y ajouter/intégrer trois critères :

-les revenus : un pays émergent devant avoir un revenu en parité de pouvoir d’achat (PPA) entre 10 et 75% de la moyenne de l’Union européenne ;

-un taux de croissance économique qui aura été durant une décennie supérieur à la moyenne mondiale permettant donc un rattrapage et,

-des transformations institutionnelles et une ouverture économique avec adhésion à l’OMC et accords de libre-échange.

Ainsi, pour Vladimir Kvint, de l’université de Harvard, un marché émergent est un marché « en transition d’une dictature à une économie de marché, avec une liberté économique croissante, une intégration progressive dans l’économie globale et avec d’autres membres de l’économie globale émergente, une classe moyenne en croissance, un niveau de vie croissant, de la stabilité sociale et de la tolérance, ainsi qu’une coopération croissante avec les institutions multilatérales.

C’est ainsi qu’en 2001, on vit apparaître l’acronyme BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine) pour ensuite y adjoindre en 2011 un « S » pour South Africa, puis de nouveau depuis 2013, l’apparition des MINTS, pour Mexique, Indonésie, Nigéria, Turquie et Corée du Sud, des pays un  « peu plus émergents que d’autres ». Cependant, par exemple pour The Economist, depuis cette année, les BRIC restent les BRIC sans le « S » de l’Afrique du Sud, et une nouvelle catégorie est mise en place, celle des CIVETS : Colombie, Indonésie, Vietnam, Egypte, Turquie et Afrique du Sud.

Le Maroc est-il un pays émergent ?

A la lumière de ces éléments, que peut-on dire du cas du Maroc ? Tout d’abord qu’une partie des critères est remplie, une autre l’étant moins.

Sur les revenus en PPA, les 5.710 dollars/habitant marocain se situent au-dessus des 10% de la moyenne du revenu PPA européen (70.200 dollars pour la Norvège, 43.220 dollars pour l’Allemagne, 38.430 dollars pour la France, 25.690 dollars pour le Portugal, 14.400 dollars pour la Bulgarie, 14.100 dollars pour la Roumaine (Source : The Economist, The World in 2014).

Pour le taux de croissance, la moyenne de 4 à 5% au cours de la décennie 2000 est un plus, ainsi que l’ouverture commerciale. Le Maroc dispose d’accords de libre-échange avec l’UE, les Etats-Unis, la Turquie, les Emirats arabes unis, les pays de l’accord d’Agadir (Egypte, Tunisie, Jordanie) et plusieurs Etats africains.

Les faiblesses actuelles du Maroc pour accéder à ce statut de pays émergent sont institutionnelles : une réforme du système judiciaire à confirmer, des collectivités locales et une gestion des régions à revoir profondément et le maintien d’un rythme soutenu en matière d’investissements dans les infrastructures d’énergie et de transport. La classe moyenne reste à élargir, notamment à travers à travers une meilleure gestion des ressources humaines des administrations publiques et une politique de l’éducation, notamment qui reste à réformer en profondeur afin de permettre l’acquisition de meilleures compétences et une mobilité sociale.

L’intérêt du discours royal du 20 août est d’avoir mis le doigt sur les déficits de l’économie et de la société notamment en matière d’éducation et de formation, et de compétitivité économique. Ce n’est pas un hasard si les plans Maroc Vert,  Halieutis et Emergence industrielle ont été cités par le Souverain, et si le Plan Azur, un échec, a été passé aux oubliettes.

Le rappel par le Roi Mohammed VI que « les économies émergentes tendent à s’appuyer principalement sur le développement durable et l’exploitation judicieuse des opportunités offertes par l’économie verte »  met également le doigt sur nos manquements : nos mers que l’on souille, parfois du fait d’entreprises publiques ou semi-publiques, l’absence de décharges contrôlées qui entraîne des surcoûts en matière de santé, des nombreuses constructions qui ne sont pas aux normes, nos services municipaux mal gérés, de la propreté aux transports, tout cela entraînant des surcoûts supplémentaires.

« La bonne gouvernance est la clé de réussite de toute réforme » a déclaré le Souverain. Cette phrase vient  en complément de celle qui coiffe cet article : « Gagner le pari de rattraper les pays émergents n’est pas impossible ».


 

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