L’étonnante entrée en politique de Mohamed Darif

ENTRETIEN. Le 12 et le 13 septembre aura lieu le congrès constitutif du Parti des néo-démocrates. Son fondateur, le politologue Mohamed Darif, revient sur les assises théoriques du parti, sa genèse et ses aspirations. Il n’est pas courant qu’un universitaire effectue le grand saut pour créer son parti.  

L’étonnante entrée en politique de Mohamed Darif

Le 9 septembre 2014 à 11h57

Modifié 9 septembre 2014 à 11h57

ENTRETIEN. Le 12 et le 13 septembre aura lieu le congrès constitutif du Parti des néo-démocrates. Son fondateur, le politologue Mohamed Darif, revient sur les assises théoriques du parti, sa genèse et ses aspirations. Il n’est pas courant qu’un universitaire effectue le grand saut pour créer son parti.  

M24 : Commençons par la genèse: quand avez-vous eu l'idée de créer un parti politique?

Mohamed Darif : L'idée de créer un parti politique est ancienne. Je peux dire qu'elle date de 14 ans, directement après l'arrivée de Mohammed VI sur le Trône.

On se disait que le Maroc entrait dans une nouvelle ère. On avait donc une idée: maintenant qu'un nouveau Maroc prend forme, les cadres devaient accompagner la naissance de ce nouveau Maroc. Bien sûr, pour transposer une idée sur la réalité, il faut que plusieurs critères soient remplis, et ces critères sont financiers, matériels et immatériels.

Donc, directement après les élections législatives de 2007, et l'annonce du haut taux d'abstention électorale, l'idée de créer un parti a refait surface. Nous nous disions qu'il est de notre devoir de donner naissance à une nouvelle pratique politique, qui réconcilie les marocains avec les urnes.

Les événements nous ont devancés, puisque le Mouvement de tous les démocrates (NDLR: matrice du PAM) avait vu le jour, et il y a eu des annonces de création d'un parti issu de ce mouvement, ce qui a effectivement eu lieu en août 2008 quand le PAM a été fondé.

Nous n'étions pas prêts, à l'époque, à concurrencer ce parti, puisque nous n'avions pas les moyens logistiques, et nous avions la conviction qu'il serait inutile de créer un autre parti.

Nous croyions que le PAM allait avoir l'occasion de réaliser ce qu'il a promis.

En 2011, le monde arabe a connu des mouvements sociaux, suite à laquelle le Roi a prononcé le discours du 9 mars, qui a permis au Maroc de passer de la première monarchie à la seconde monarchie.

Une nouvelle constitution a vu le jour, dans l'esprit de ce discours. L'article 7 de la nouvelle constitution définit clairement les missions des partis politiques, ainsi que leurs mécanismes de fonctionnement.

Malgré cela, nous avons attendu un peu: tous les espoirs reposaient sur le PJD. Après deux ou trois ans, il y a eu un sentiment de déception, aggravé par les justificatifs présentés par le chef du gouvernement, qui se déresponsabilisait en parlant de crocodiles et de démons.

Donc, en janvier 2014, nous nous sommes dits qu'il nous faudra prendre nos responsabilités, afin de donner du sens à la nouvelle constitution, et aux transformations que connaît le Maroc. Nous avons voulu être le premier parti qui voie le jour durant la seconde monarchie.

-Comment vous y prendrez-vous, pour réconcilier les marocains avec les urnes ?

-C'était notre but en 2007. Notre but actuel est d'inscrire la bonne gouvernance, que ce soit dans la gestion interne des partis politiques, ou dans la gestion des affaires publiques.

Nous souhaitons donc arriver à une autre forme de réconciliation, qui se jouera entre la politique et le savoir. Parce que l'un des problèmes que le Maroc a affrontés, c'est cette conception dans beaucoup de partis politiques te selon laquelle le siège passe avant le mérite.

En d'autres termes, lorsqu'un parti politique a, pendant les élections, le choix entre mettre en avant des cadres et des gens compétents, ou des personnes qui ne disposent pas de compétences, mais de popularité, réelle ou fictive, les partis choisissent les seconds.

Nous voulons convaincre les Marocains que la capacité à servir l'intérêt public passe avant la popularité. Et qu'un député doit être capable de légiférer, capable de contrôler le travail gouvernemental, capable d'exercer de la diplomatie parallèle.

-En cela, vous avez des points communs avec le PAM. Vous avez également dit qu'en 2007, vous n'aviez pas la possibilité de concurrencer ce parti. Qu'en est-il maintenant ?

-Nous devons distinguer entre le discours d'un parti, et la manière dont il l'applique.

Tout parti politique peut prétendre mettre en avant des gens compétents, des cadres, etc. Mais nous devons voir quel est le rôle réel de ces cadres au sein du parti, car parfois, ce n'est qu'un décor, et le cadre partisan un simple ameublement dont dispose une personne possédant des ressources financières, ou une quelconque sorte de pouvoir.

Il m'arrive parfois de me demander, avec beaucoup d'étonnement: pourquoi notre parti est constamment comparé au PAM? Notre expérience est différente. Notre base est différente. Nous avons tenté de mobiliser des cadres appartenant aux classes moyennes. Ces cadres sont le produit d'un investissement de familles défavorisées. Nous tous, au sein du parti, sommes des fils de familles défavorisées ayant tout sacrifié pour que leurs enfants poursuivent leurs études.

Notre parti a vu le jour dans un café du Bd Moulay Youssef à Casablanca, en face de la maison où j'habitais. Notre parti est financé par ses membres, et notre congrès constitutif verra le jour avec un budget de 400.000 DH. Je ne crois pas que le PAM s'est créé dans des circonstances similaires (rires).

-Pour revenir au sujet des cadres et des compétences: nous constatons qu'actuellement, le discours populiste rencontre un certain succès. Vous souhaitez créer un parti avec des cadres, et avec un discours différent. Pensez-vous que l'électorat marocain choisira ses représentants non pour la proximité du discours, et la démarche politique, ou leur charisme, mais pour leurs compétences?

-Nous ne sommes pas un parti élitiste. Notre analyse de la situation est qu'il y a une domination du populisme dans le discours, et de l'amateurisme dans la pratique politique.

Nous considérons que ceux qui veulent gérer les affaires publiques doivent disposer d'une vision, qui les aide à dégager une stratégie globale. Pour cela, tout parti politique se voulant fort doit pouvoir anticiper les événements et définir les scénarios possibles, pour contenir les crises que pourra traverser le pays.

Lorsque nous écoutons un homme politique dire qu'il n'avait pas connaissance de beaucoup de réalités, et qu'il a découvert que la situation est différente de ce qu'il pensait auparavant, je pense que c'est de l'amateurisme politique.

Notre discours sera un discours réaliste, éloigné du populisme. Ce dernier intervient lorsqu'un parti devient prisonnier de l'idéologie. Nous ne voulons pas tomber dans l'idéologie, avec ce qu'elle implique comme classification des citoyens, création d'ennemis fictifs ou désignés, etc. Pour nous, tout ce qui se rapporte aux croyances des gens devra être laissé de côté. Je crois que le moment est propice, pour qu'un nouveau discours émerge, et je crois que les électeurs sont plus prudents vis-à-vis du discours des partis. Bien sûr, nous ne nous faisons pas d'illusions, et nous savons que nous ne raflerons pas les voix dès notre première année.

-Quel est votre projet de société ?

-L'une des plus grandes erreurs du travail politique au Maroc est que les partis se considèrent porteurs de projets de société. Le parti ne porte pas de projet de société, ce sont généralement des mouvements sociaux de nature révolutionnaire qui le portent, dans le but de renverser le système en place, ainsi que son projet de société, pour le remplacer par un autre.

Les partis travaillent dans la légitimité, donc dans le système en place, qui a son projet de société. Tout ce qu'un parti peut posséder, c'est un programme politique. Sa fonction est de localiser les failles et les dysfonctionnements dans le pays, et de les résoudre.

-Dans la scène politique actuelle, y-a-t-il des partis avec lesquels vous n'excluez pas la possibilité d'un rapprochement?

-C'est une question anticipée. Nous ne nous considérons pas comme un parti venu pour exclure les autres partis. Nous respectons tous les partis politiques, même si nous avons des reproches concernant certaines pratiques, et des observations sur la situation à laquelle sont arrivés certains partis historiques. Nous croyons que la logique de l'éloignement ou du rapprochement avec tel ou tel parti n'est pas posée actuellement.

Nous participerons à la vie politique. Nous descendrons dans la rue pour présenter nos candidats, et pour expliquer aux gens nos conceptions et nos programmes. Si nous bénéficions d'un certain nombre de voix, et faisons partie d'une majorité qui pourrait se constituer dans l'avenir, nous n'avons pas de lignes rouges.

Si nous devons former une coalition, nous le ferons avec le parti dont nous considérons le programme comme le plus proche du nôtre, et non le parti aux référentiels les plus proches des nôtres.

-En parlant de descendre dans la rue, les partis possédant des structures parallèles tels qu'un bras associatif, un bras syndical ou une organisation de jeunesse y réussissent plus aisément. Pensez-vous qu'il est nécessaire pour un parti politique de posséder des prolongements pour réussir ?

-Nous sommes un parti en cours de création. Directement après la clôture de notre congrès constitutif, qui aura lieu vendredi et samedi, nous entamerons deux chantiers essentiels: le premier est la création des organisations parallèles au parti, et là, nous travaillerons sur la création d'une branche féminine, et une autre pour la jeunesse. Puis nous créerons des branches pour les corps de métier.

Le deuxième chantier sera de construire les structures régionales et communales du parti. Nous essayerons aussi de créer une organisation estudiantine, pour renforcer notre présence. Créer un parti fort demande des années. Mais il y a des signes qui, dès le début, disent si l'on est sur le bon chemin ou pas.

Aujourd'hui, nous avons beaucoup de demandes d'inscription: alors que nous avions réservé une salle d'une capacité maximale de 1.200 personnes, ce sont 2.000 congressistes qui veulent y venir.

-Comptez-vous participer aux élections communales?

-Nous y participerons. A partir de novembre ou octobre, nous désignerons les coordinateurs régionaux. Et en parallèle, nous nous préparerons pour participer aux communales de juin 2015, et aux législatives de 2016.

-Votre avis sur l'avant-projet de loi sur les communes ?

-Nous nous sommes réunis pour étudier certains avant-projets de loi, aussi bien celui sur les régions ou celui relatif aux communes. Nous avons quelques observations, que nous exprimerons lorsque le moment viendra. Ce qui nous importe maintenant, c'est le congrès constitutif. Après, nous pourrons émettre des communiqués explicitant notre prise de position. De toute façon, nous serons concernés par ces avant-projets.

-Certains quotidiens ont affirmé que des chiites marocains ont demandé à rejoindre le Parti des néo-démocrates. Est-ce vrai ?

-Des dignitaires de la Ligne Rissali (NDLR: mouvement chiite marocain) nous ont rendu visite la semaine dernière. Ils avaient plusieurs questions sur les orientations du parti, et ses positions sur certaines questions.

Nous en avons discuté, et le lendemain, l'un de leurs envoyés m'a rendu visite pour m'exprimer leur vœu d'assister au congrès constitutif comme congressistes, donc comme adhérents au parti. Je leur ai expliqué que nous avons fermé les listes d'inscription une semaine auparavant. Ils ont donc décidé de venir au congrès comme invités.

-Dernière question: votre avis sur l'abrogation de l'article 28 de la charte communale, qui imposait aux présidents de commune d'obtenir au moins un certificat d'études primaires?

-Je pense que la gestion des affaires publiques est une responsabilité. Donc, s'il est interdit de conduire une voiture ou de piloter avion sans permis, j'estime que le pilotage d'une collectivité territoriale est encore plus dangereux et difficile.

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