L’affaire CGI à Al-Hoceima, quatre enquêtes en cours

Depuis la révélation du scandale du projet de Madinat Badis à Al-Hoceima en août dernier, la Compagnie générale immobilière (CGI) se mure dans le silence invoquant  "une enquête de l’Intérieur et des Finances qui suit son cours". Les enjeux pour l’entreprise cotée en bourse et ayant l’Etat comme actionnaire sont importants.  

L’affaire CGI à Al-Hoceima, quatre enquêtes en cours

Le 13 octobre 2014 à 15h29

Modifié 11 avril 2021 à 2h36

Depuis la révélation du scandale du projet de Madinat Badis à Al-Hoceima en août dernier, la Compagnie générale immobilière (CGI) se mure dans le silence invoquant  "une enquête de l’Intérieur et des Finances qui suit son cours". Les enjeux pour l’entreprise cotée en bourse et ayant l’Etat comme actionnaire sont importants.  

Selon les informations de Médias 24, ce sont la commission mixte Intérieur-Finances, la BNPJ (Brigade nationale de la police judiciaire), l’IGF (Inspection générale des finances) et l’IGAT (Inspection générale de l’administration territoriale) qui enquêtent sur le dossier de Badis à Al-Hoceima mais également sur d’autres projets de la CGI à Nador et à Tanger.

Les uns enquêtent plus profondément sur les conflits entre le promoteur et les clients lésés par les retards de livraison et les défauts de construction. L’IGF se concentre sur les usages de l’argent public, la CGI étant une filiale de la CDG, un des principaux bras financiers de l’Etat, investisseur dans l’immobilier, la finance, l’industrie et les infrastructures.

L’IGAT est principalement entrée en jeu à Tanger où la CGI à travers son projet touristique Ghandouri a vu la quasi-totalité de ses dossiers passer par le Centre d’investissement régional, le CRI, qui dépend directement du wali.

Des surcoûts et de l’opacité

Le projet Ghandouri fait intervenir différents partenaires comme le Fonds maroco-koweitien CMKD ou les groupes Chaâbi, El Alami et Iddou parmi les investisseurs. Le projet a été lancé par le Souverain en 2006. Là aussi, les surcoûts de l’aménagement sont importants pour la CGI, estimés à des dizaines de millions de dirhams: Le terrain et les routes s’affaissent, la mer grignote la colline.

Annoncé en 2003, le projet Badis d’Al-Hoceima n’est toujours pas achevé, 11 ans plus tard. Lancé au plus fort du boom immobilier il a ensuite été victime de la crise financière, du ralentissement du crédit … puis de ses promoteurs.

Le prix moyen des appartements au mètre carré à Madinat Badis est de 9.300 DH. Le projet est constitué de trois tranches dont une première de 122 appartements est quasi-achevée. La deuxième tranche doit compter 84 appartements. Le projet comporte des équipements publics et il est qualifié par ses promoteurs de "ville nouvelle".

Le projet a été conçu au départ sur une emprise foncière de 54 ha. La CGI ne parle plus aujourd’hui que d’un projet sur 16 ha. Jusqu’à la dénonciation des clients de Madinat Badis, ni la CGI ni son principal actionnaire la CDG (Caisse de dépôt et de gestion) n’avaient décelé le moindre problème.

Un autre projet de la CGI inauguré en juillet 2008, Al-Hoceima Souani, n’a lui pas encore démarré même si le site internet de la CGI affiche la mention "en cours de commercialisation". Souani doit occuper le site de l’ancien Club Med d’Al Hoceima.

Des acquéreurs mécontents

Cet été, des clients de la CGI à Al-Hoceima avaient directement saisi le cabinet royal, amenant le Souverain à ordonner la constitution d’une commission d’enquête. Lassés de l’absence de réponses, ces clients RME ont refusé d’accepter le fait accompli et les propositions d’indemnisations faites par la CGI.

Au siège de la CGI, la réponse donnée aux demandes d’information sur ce dossier est courte. Pour Anouar Samir du département de la communication, "en ce moment, on ne peut rien vous dire tant que l’audit est en cours".

La rigueur avec laquelle cette ligne de discrétion est appliquée va jusqu’à l’absence prolongée de la directrice de la communication, Asmae Ouâline.

Au téléphone, le directeur commercial Talal Sidi Hida, à l’écoute de la question de savoir "ce que les clients de Madinat Badis reprochent concrètement à la CGI" renvoie sur … le département de la communication. Classique du genre, diverses sources citent de nombreux défauts de construction: carrelage mal posé et menuiserie de mauvaise qualité, en plus d’importants retards de livraison.

Sur le site web commercial  et de communication de la CGI, plusieurs rubriques importantes n’ont pas été renouvelées depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Pour certaines activités, la vie semble s’être arrêtée en 2009, pour d’autres en 2013. L’année 2014 n’a pas encore commencé.

"Une enquête déstabilisatrice"

Certains observateurs et professionnels jugent qu’il y a "beaucoup d’ingratitude dans cette affaire".  On n’hésite pas ainsi à indiquer que "les anomalies de chantier font partie de la vie du bâtiment et que des garanties existent". "Cette enquête est déstabilisatrice", souligne-t-on.  "C’est un message aux promoteurs et à l’opinion publique".

Une réaction qui pousse à se demander si le meilleur moyen d’envoyer un message de "ressaisissement" aux promoteurs immobiliers et d’écoute de l’opinion publique n’aurait pas été de faire jouer les instruments de la gouvernance interne à la CGI et à son patron, la CDG?

Une première reconnaissance par la CGI de ses torts est intervenue, discrètement il y a 15 jours, fin septembre.

A l’issue de son conseil d’administration de validation des comptes du premier semestre 2014, la CGI indique en tête de liste de ses «faits marquants» l’engagement suivant: "Afi­n de renforcer l’écoute et le niveau de satisfaction de ses clients sur tous ses projets à travers le Royaume, la CGI, outre le suivi rigoureux des logements livrés, a renforcé son service après-vente pour lever rapidement les réserves qui pourraient apparaître lors de la livraison des logements aux clients". Le conseil d’administration de la CGI est présidé par le DG de la CDG Anass Alami.

La CGI, pierre et finances

Depuis son entrée en bourse en 2007, une mauvaise date au vu de l’évolution du marché, la CGI est très présente sur l’axe Casa-Rabat (Marina, Park Anfa, Bouskoura et Hay Riad), au Nord à Al-Hoceima, Tanger et Nador, dans l’Oriental à Oujda et à Agadir.  

La CGI regroupe une trentaine de filiales immobilières et financières dont Dyar Mansour ou Immolog (avec Addoha) et le fonds Madaef.

Des proches du DG Ali Ghannam n’hésitent pas à dire que celui-ci "est partant depuis plusieurs mois". Quelques semaines avant l’éclosion du scandale de Madinat Badis, il accordait une interview à la presse économique hebdomadaire dans laquelle il annonçait nouveaux projets, nouvelles filiales et emprunt obligataire.

 Il y a une année, en novembre 2013, la presse était invitée à un voyage de presse à Nador et Al Hoceima. Le voyage était supervisé par le directeur des opérations Othmane Hannaoui. A l’époque, des journaux titraient "Al-Hoceima réanimée par la CGI".

La CGI, cotée en bourse et importante filiale de la CDG reste une entreprise aux besoins financiers importants. Le chiffre d’affaires 2013 a été de  3,75 MMDH et  l’objectif est de passer à un chiffre d’affaires de 6 MMDH en 2017. Une croissance supérieure à 50% en trois ans. Optimiste par les temps qui courent.

Depuis trois mois, l’action de la CGI sur la place de Casablanca a perdu près de 9%, s’affichant à 715 DH. Depuis janvier 2012, la baisse du cours a atteint près de 70%, le cours flirtait à l’époque avec les 1.300 DH. La CGI est détenue à 76% par la CDG Développement, à 8% par RMA-Watanya et 15% de divers.

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