Régionalisation, autonomie: jusqu'où ira le Roi Mohammed VI?

Si tous les observateurs se déclarent sûrs de l’annonce de mesures de développement économique et social pour les provinces du Sud, ils s’interrogent sur la teneur politique du discours de ce vendredi 6 novembre. La régionalisation avancée et l'autonomie sont dans tous les esprits.

Régionalisation, autonomie: jusqu'où ira le Roi Mohammed VI?

Le 5 novembre 2015 à 16h09

Modifié 5 novembre 2015 à 16h09

Si tous les observateurs se déclarent sûrs de l’annonce de mesures de développement économique et social pour les provinces du Sud, ils s’interrogent sur la teneur politique du discours de ce vendredi 6 novembre. La régionalisation avancée et l'autonomie sont dans tous les esprits.

C’est ce vendredi 6 novembre que le Maroc célèbre le quarantième anniversaire de la Marche Verte. Cette année, cette fête nationale revêt une connotation particulière.

Le Roi se déplace dans les provinces du sud. Connaissant les traditions politiques de la dynastie alaouite, il s’agit là d’un symbole poitique annonciateur de grandes réformes dans la région.

Il est d’usage que le Souverain adresse un discours le 6 novembre de chaque année. La teneur du discours est étroitement liée à l’état d’avancement du processus onusien, marqué depuis 2007 par la proposition marocaine d’autonomie dans le cadre de la souveraineté nationale. Le message du Souverain annonce souvent des initiatives liées au développement des provinces du sud, tant sur le plan politique et économique que social.

Pour cette année, les attentes sont grandes et le discours le sera également. Le contexte s’y prête bien. La réforme constitutionnelle de 2011 a instauré la régionalisation avancée. La loi organique organisant cette nouvelle intistution décentralisée a été promulguée et les élections régionales du 4 septembre ont eu lieu dans un climat de transparence reconnu.

De même, les conseils régionaux ont été élus sur tout le territoire du Royaume et chaque région se prépare à réaliser sa mue selon les moyens dont elle dispose et ceux qu’elle peut arracher au gouvernement.

Les régions du Sahara en auront aussi et davantage. Les observateurs s’attendent en effet à l’annonce de la mise en exécution d'investissements ambitieux.

Et si, sur ce volet-là, il y a une quasi certitude, sur le plan politique les paris sont assez ouverts quant à l’orientation royale. La régionalisation avancée étant entamée, le Roi ira-t-il jusqu’à promettre un calendrier pour la mise en place du plan d’autonomie pour le Sahara? Ou bien va-t-il accélérer la mise en place de cette régionalisation avancée, dont on sait qu'elle est progressive?

Les préalables à l’autonomie

Le principe de l’autonomie politique est sans aucun doute lié aux ressources financières dont disposera la région. Ce qui laisse présager l’annonce d’une phase préparatoire axée sur la mise à niveau de la région, à tout point de vue.

Le rapport sur le modèle de développement des provinces du sud élaboré par le CESE présente une architecture assez claire pour réaliser cette mise à niveau.

Pour résumer, le plan de développement des provinces du sud insiste sur l’investissement, public et privé, pour créer une dynamique économique locale. Le plan d’engagement de l’Etat est presque prévisible.

Notons, par exemple, que la plupart des plans stratégiques sectoriels incluent le Sahara. Le plan Halieutis, dédié à la pêche maritime, fait du nouveau port de Dakhla un point nodal pour la richesse. Le port, tel que préconisé par le plan, est dimensionné comme port de transbordement avec un linéaire en quai qui avoisine celui de Tanger Med. C’est dire.

L’infratructure sera ainsi au centre du plan de développement avec des engagements financiers, en provenance du budget de l’Etat et d’autres ressources. L’objectif est de préparer le terrain à l’émergence d’une économie diversifiée (énergie propre, pêche, agro-industrie, tourisme, agriculture, offshoring…) qui rompe avec l’économie de rente.

Le secteur privé sera aussi fortement sollicité et le discours royal pourra l'évoquer. N’oublions pas que le patronat a été, en mars 2015, vivement encouragé à s’impliquer dans les régions du sud. Un engagement d’investissement en est sorti: plus de 6 milliards de DH sont programmés dès 2015 pour la réalisation de projets dans différents secteurs.

Le développement humain est aussi une pièce maîtresse du plan de développement des provinces du sud. L’humain doit être au centre des préoccupations. Cela implique une nouvelle gouvernance basée sur la confiance et une répartition des richesses et des politiques qui tient compte de la territorialité et des spécificités sociales et économiques de chaque région du sud.

Gouvernance et autonomie

L’impératif d’une gouvernance efficace, transparente et à l'écoute des populations locales renvoie automatiquement et sans détour au mode de gestion politique: le transfert des pouvoirs et les élites appelées à se substituer aux agents de l’Etat sur le terrain.

L’instauration de la régionalisation avancée est une piste pour atteindre cet objectif de gouvernance. Une élite ayant une légimité électorale, des instances dédiées à la région et des pouvoirs transféres vers les compétences locales sont ainsi les ingrédients qui plaident pour la réussite de la régionalisation avancée. Mais l’architecture de la régionalisation, telle qu'elle ressort de la Constitution et telle qu’elle est déployée actuellement, n’est pas l’autonomie.

L’autonomie proposée par le Royaume pour le Sahara est un concept audacieux pour certains, et traditionnel pour d’autres. Audacieux car il rompt avec les usages de l’Etat unitaire déconcentré que le Maroc a été depuis son indépendance. Le centre décidait et décide toujours pour tous, et délègue par doses quelques prérogatives aux collectivités territoriales. C'est ancré dans l’ADN du système politique marocain. Ce qui explique que dès l’annonce de la régionalisation avancée, des constitutionnalistes et politologues se sont empressés de la qualifier de révolution.

Pour les connaisseurs de l'histoire du Maroc, l'autonomie est une tradition. Les régions et caïdats étaient gérés par des élites locales désignées ou cooptées par les tribus. Le lien avec le pouvoir central s'illustrait dans l'acte d'allégeance, la contribution financière annuelle et la participation à l'effort de guerre. L'autonomie, dans son approche moderne, n'en est pas loin.

Le Maroc propose, dans son plan d’autonomie, le principe de libre administration locale avec des compétences très larges. La région disposera d’un parlement local qui élira le chef du gouvernement local. Le parlement fera office de législateur dans le sens où la région pourra avoir ses propres lois qui seront appliquées par ses propres juridictions. Bien entendu, le tout dans le respect de la Consitution marocaine et sous le contrôle du juge constitutionnel.

La région gèrera tous les secteurs à l’exception de tout ce qui est régalien (la monnaie, le drapeau, l’armée, sécurité natonale et les relations extérieures). Tout le reste sera sous le contrôle de la région à commencer par la police locale.

Côté ressources financières, la région aura sa propre fiscalité. Une économie locale gérée par une autorité politique locale doit générer des ressources locales. Le parlement de la région a toute la latitude de concevoir des impôts et taxes, et des revenus issus du patrimoine et des ressources naturelles locaux pour financer sa politique. Une façon d’en finir avec la franchise d’impôt que vivent les provinces du sud depuis des années et de faire accepter le principe de l’égalité devant l’impôt.

Ainsi définie, l’autonomie est bien loin devant la régionalisation avancée. Mais cette dernière peut en représenter le premier pas. Cela est d’autant plus évident que l’instauration de l’autonomie nécessite du temps et des ajustements politiques au niveau de l’ensemble du Royaume.

Autonomie pour tous?

En effet, l’instauration d’une région autonome passe par une autre réforme constitutionnelle dont le timing dépend du degré de maturité sur le terrain. Sur le plan politique, elle s’impose car le Royaume en a fait la promesse et peut ainsi donner un signal fort, tant sur le plan interne qu’externe. Le message serait: "l’autonomie du Saraha est une volonté et un choix de gouvernance maroco-marocain qui ne dépend pas de l’issue des négociations sur le plan international".

Elle contribuera largement et fortement à la fragilisation des thèses des courants "indépendantistes". Ces derniers existent bel et bien et existeront toujours. D’ailleurs, fait inédit, l’Etat a déjà autorisé deux associations proches des thèses sécessionnistes. Une posture intelligente car personne ne peut cacher l’évidence: les voix clamant l’indépendance ne peuvent disparaître du jour au lendemain, même si elles sont loin d'être dominantes. En revanche, elles peuvent fléchir, se fragiliser ou s’affaiblir si le Maroc démontre, sur le terrain, sa volonté de transformer la promesse de l’autonomie en un modèle de gouvernance.

Toutefois, pour y arriver, le Royaume passera par des ajustements internes en répondant à une question majeure: l’autonomie sera-t-elle une exclusivité des provinces du Sud ou un plan ouvert à toutes les régions?

Et pour instaurer une autonomie dans les provinces du sud, ne faut-il pas en négocier sous l'égide de l'ONU ou en direct? Le processus onusien n'ayant pas avancé d'un centimètre, des voix s'élèvent périodiquement au Maroc pour demander l'instauration unilatérale de l'autonomie, en négociant son contenu avec les élus issus du dernier scrutin qui sont, comme l'a rappelé le Roi dans son discours d'ouverture de la session législative, les représentants authentiques et légitimes des habitants du sud.

C’est dire que le discours de ce 6 novembre 2015 est entouré d’attentes stratégiques. Dès lors, la question demeure posée: le Roi ira-t-il jusqu’à fixer un calendrier pour l’autonomie du Sahara?

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