EXCLUSIF. “Panama Papers”: Me Hicham Naciri, avocat du Secrétariat particulier du Roi, s'explique

Me Hicham Naciri, avocat du Secrétariat particulier du Roi Mohammed VI, est certainement le mieux placé pour répondre aux interrogations concernant la facette marocaine de l’affaire dite des “Panama papers“.

EXCLUSIF. “Panama Papers”: Me Hicham Naciri, avocat du Secrétariat particulier du Roi, s'explique

Le 7 avril 2016 à 8h16

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

Me Hicham Naciri, avocat du Secrétariat particulier du Roi Mohammed VI, est certainement le mieux placé pour répondre aux interrogations concernant la facette marocaine de l’affaire dite des “Panama papers“.

Contacté par Médias 24 le mardi 5 avril, il a accepté de répondre à nos questions. L’entretien ci-après a été réalisé le mercredi 6 avril.

Les Panama papers s’inscrivent dans la lignée des Wikileaks et Swissleaks. L’AFP les qualifie de ‘déflagration mondiale‘.

Wikileaks avait publié en 2010, plus de 250.000 câbles diplomatiques confidentiels américains. L’opération avait été relayée en primeur par 5 journaux de premier plan: The New York Times, The Guardian, El Pais, Der Spiegel, Le Monde.

En 2013, Edward Snowden a divulgué des dizaines de milliers de documents de la NSA (Agence nationale de sécurité américaine) montrant que cette agence surveillait la planète entière et espionnait les dirigeants des pays amis des USA.

Il y a quelques années, un nouvel acteur a fait  son apparition dans un registre similaire: l’ICIJ, consortium international des journalistes d’investigation, créé en 1997 par un journaliste australien. Il regroupe 190 journalistes de 65 pays, ce qui permet des enquêtes internationales. L’ICIJ a réalisé des enquêtes qui ont eu un certain impact: LuxLeaks, Offshore Leaks ou SwissLeaks.

Les enquêtes sont tellement médiatisées qu’elles sont désormais synonymes de révélations, voire de corruption, de fraude fiscale, d’évasion ou de blanchiment d’argent. Il arrive également que des journaux du réseau essaient d’exploiter le filon au maximum, par exemple en ‘survendant ‘l’info.

Dans le cas des ‘Panama papers, l’affaire éclate le dimanche 3 avril, dans une centaine de journaux. Elle met en cause environ 140 responsables politiques, stars du football ou célébrités dans le monde, qui détiennent des avoirs dans des ‘paradis fiscaux ‘. La fuite, en provenance d’un cabinet d’avocats panaméen (Mossack Fonseca) porte sur 11,5 millions de documents.

Parmi les personnalités citées, des membres de l'entourage des présidents russe Vladimir Poutine, chinois Xi Jinping, syrien Bachar al-Assad, le Premier ministre islandais (qui a démissionné depuis), le footballeur argentin Lionel Messi, Michel Platini, le cinéaste Pedro Almodovar...

Les sociétés offshore ont généralement mauvaise réputation, en raison d’une suspicion de fraude ou d’évasion fiscale. Leur création n’est cependant pas obligatoirement illégale ou condamnable.

Le site des révélations dans le cadre des "Panama papers", évoque le nom de Mounir Majidi, pour ce qui concerne deux sociétés.

Les deux sociétés concernées sont SMCD Limited, immatriculée aux Îles Vierges britanniques et Immobilière Orion, immatriculée au Luxembourg. La première a mandaté selon les documents, M. Majidi pour l'acquisition d'une goélette des années 30. Et la seconde, pour l'acquisition et la rénovation d'un appartement à Paris.

Quelle est la réalité de ces deux sociétés ? Quel a été le rôle de M. Majidi? Quelle est sa relation avec le cabinet panaméen? Pourquoi ces deux sociétés ont-elles été créées? Que sont-elles devenues?

Médias 24 a contacté Me Hicham Naciri, avocat du Secrétariat particulier du Roi Mohammed VI.  Il a accepté l’entretien que voici:

-Médias 24: Pourquoi créer des sociétés offshore?

-Me Hicham Naciri: Schématiquement, plusieurs motivations peuvent exister, certaines sont saines et d’autres condamnables.

Derrière les raisons que l’on pourrait qualifier de malsaines, se cachent en général une intention ou un projet frauduleux, à savoir des détournements, de l’évasion fiscale, des opérations illicites, etc. dont une pléthore d’exemples et de bénéficiaires sont pointés du doigt dans les articles parus depuis le début de la semaine… Ici, il ne s'agit pas de cela.

Puis de l’autre côté, vous avez des opérateurs organisés et structurés, des grands groupes et des particuliers tout à fait respectables, qui y ont recours pour des raisons tout autres et qui créent des sociétés offshore, en toute transparence et légalité, sans être critiquables en quoi que ce soit. Le journal Le Monde en parle aussi.

Dans ce deuxième cas, l’intérêt de l’offshore peut se justifier par la localisation géographique d’un bien, un souci d’optimisation fiscale ou même une volonté de discrétion.

Quoi de plus naturel donc pour un Chef d’Etat, dont le patrimoine est du reste géré de façon extraordinairement transparente, de rechercher une certaine discrétion dans la gestion de ce qui relève de sa sphère privée?!

Ceux qui cherchent à faire croire que la discrétion implique une dissimulation ou une fraude veulent délibérément créer un amalgame dans l'esprit du public.

On ne peut pas de façon honnête mettre sur un pied d'égalité les fraudeurs et ceux qui agissent dans la transparence. Les journalistes du Monde le savent pertinemment, mais c'est toujours vendeur d'afficher la photo de Sa Majesté le Roi en Une, même si l'article sur le Maroc est totalement creux et ne contient aucune révélation. 

-Vous évoquez une volonté de discrétion, pas de dissimulation. Pouvez-vous l’étayer?

-C’est très simple. La société Orion, immatriculée au Luxembourg, a acquis un hôtel particulier à Paris. Soit dit en passant, il ne s’agit pas de l’hôtel De Broglie, contrairement à ce qui a été indiqué par certains de vos confrères. Celui-ci est propriété de l’État français et il n’a jamais appartenu à la famille royale, ni à Sa Majesté.

L’opération d’acquisition s’est faite dans les plus grandes transparence et légalité. Mieux encore, les autorités fiscales françaises ont été consultées sur la fiscalité applicable à cette opération et se sont vu communiquer le nom du bénéficiaire ultime.

Son identité n’a pas été cachée, mais au contraire volontairement communiquée.

Des cabinets juridiques et fiscaux de premier plan ont été impliqués, de façon à veiller à ce que tout soit en parfaite conformité avec les règles fiscales de chacune des juridictions concernées.

Et pour finir, comme le risque d'erreur n'est pas permis, étant donné la personnalité du bénéficiaire, le schéma de détention proposé par les cabinets-conseils a été communiqué par nos soins à l’administration fiscale française, pour une validation finale. 

-Il y a eu un prêt, dont a bénéficié la société Orion, en provenance d'une autre société du même groupe…

-Il obéissait uniquement à des considérations fiscales, proposées par les conseillers fiscaux, il n’y a aucun sens caché.

-Revenons à l’absence de dissimulation et au souci de discrétion….

-Au Maroc, les affaires de la famille royale sont connues et transparentes, un grand nombre d'entre elles étant cotées à la Bourse de Casablanca et assujetties à des règles strictes et très étendues de communication.

Pour ceux qui l'ignorent, les sociétés détenues par la famille royale sont régulièrement assujetties à des contrôles fiscaux et sont traitées sans aucune différenciation avec les autres. Il n’y a ni privilège ni passe-droit.

À l’étranger, même si l'identité du propriétaire des deux actifs dont il est question est un secret de polichinelle, rien n'interdit de chercher la structure de détention la plus optimale, tant que la loi est respectée et que les impôts exigibles sont dûment acquittés.

D'ailleurs, la goélette El Boughaz est immatriculée sur les registres de l'administration marocaine. L'hôtel particulier détenu par Orion était quant à lui régulièrement inscrit à la Conservation foncière de Paris, qui indiquait bien l'identité de son propriétaire, jusqu'à sa revente.
Vous voyez qu'il n'y a aucune volonté de dissimulation et que bien au contraire, tout est fait en transparence.

Toutes ces informations sont accessibles à travers la consultation de registres publics. 

-Vous travaillez avec quel cabinet fiscal à Paris ?

-Le devoir de délicatesse que m'impose ma déontologie professionnelle m'empêche de les nommer. Tout ce que je peux dire, c’est que tous ces dossiers sont à chaque fois traités avec les meilleurs cabinets de la place, dont l'éthique professionnelle ne peut pas être mise en doute.

-Souvent, lorsqu’on dit société offshore, on pense à évasion fiscale, fraude ou fuite de capitaux…

-On ne peut pas nier que le système a été dévoyé par certains, qui en font un usage illicite.

Il n'en demeure pas moins que de très nombreux groupes et particuliers y ont recours de façon tout à fait légale et transparente. 

C'est  le cas ici.

Tout ce qui est offshore n'est pas illégal. Ne cédons pas au fantasme et aux mélanges de genres. Les places offshore existent partout, y compris chez nous et sont utilisées par les opérateurs les plus respectables. Mieux encore, des multinationales dont on ne peut douter de l'intégrité utilisent des places offshore pour y loger leur holding de tête, à des fins de consolidation. 

-Quelle a été la première fois où vous avez été en contact avec le cabinet Mossack Fonseca?

-Jamais. J’ai appris son existence en lisant la presse en début de semaine. Je n'arrive d'ailleurs toujours pas à retenir son nom.

Dans la pratique, ces cabinets sont mandatés par les conseils fiscaux ou les banques privées, qui détiennent dans certains cas des mandats de gestion, avec une marge de manœuvre leur permettant, si telle est la volonté du client, de créer des sociétés dans la juridiction de leur choix. Parfois, ils sont même autorisés à faire des placements financiers à charge de rendre compte au client.

Une chose sur laquelle le Secrétariat Particulier de Sa Majesté ne transige jamais:  le respect de la loi et de la réglementation fiscale.

-Quelles sont les activités actuelles des deux sociétés concernées, SMCD et Orion?

-SMCD a été dissoute.

Pour ce qui concerne Orion, elle a été vendue avec son actif, l’hôtel particulier, il y a 5 ou 6 ans.

-Pourquoi avoir recours à une société offshore au Panama pour acquérir une goélette?

-Le Panama importe peu, comme je vous l’ai expliqué. Cela aurait pu être Maurice ou le Luxembourg. Ce n'était pas un choix délibéré de Monsieur El Majidi. 

Une fois encore, l’objectif n’était pas la dissimulation. La goélette n’est pas dissimulable. Elle a été immatriculée au Maroc au nom de Sa Majesté, dans la semaine qui a suivi son acquisition et elle est amarrée à M’diq chaque été. Chacun sait à qui appartient le ‘Boughaz I‘. Cela n’a jamais été caché.

Par contre, le vendeur n’avait pas voulu révéler son identité à des tiers. Il a vendu à travers une structure et en face, il a voulu avoir une structure, une personne morale. Le monde des collectionneurs de bateaux ou de voitures est un monde assez fermé, en tout cas très discret. Dans le cas de la goélette, l’acheteur et le vendeur ne se sont jamais rencontrés. Nous avons eu affaire à un mandataire, un courtier de renom et son cabinet d’avocats.

-Le nom de M. Majidi est cité dans cette affaire. Quel est son rôle dans ce genre de situations? Dans quelle mesure est-il concerné?

- Monsieur Majidi, en tant que président du Holding royal, est le gestionnaire du patrimoine royal. Il  a pour mission de le gérer au mieux, comme le fait un gestionnaire diligent et avisé, toujours dans la plus stricte légalité et transparence, en s'entourant de conseillers et de professionnels dans leur domaine.

Les sociétés du groupe qu'il gère sont, croyez-moi, au diapason, que ce soit dans la façon dont elles sont opérées ou en termes de respect des normes ou de "compliance".

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