Souffles: Cinquantenaire d’une revue avant-gardiste

Souffles a bercé la classe intellectuelle et politique entre 1966 et 1972. Les 50 ans de sa création permettent de revenir sur sa genèse et la fin d’une expérience dont certaines questions sont toujours d’actualité.

Souffles: Cinquantenaire d’une revue avant-gardiste

Le 9 avril 2016 à 13h21

Modifié 9 avril 2016 à 13h21

Souffles a bercé la classe intellectuelle et politique entre 1966 et 1972. Les 50 ans de sa création permettent de revenir sur sa genèse et la fin d’une expérience dont certaines questions sont toujours d’actualité.

Il est des plaisirs intellectuels qu’il ne faut pas bouder et la célébration de la mythique revue «Souffles», le 7 avril à la Bibliothèque nationale, en fait partie; elle qui rappelle l'un de ces moments forts, qui ont marqué l’histoire du Maroc.

Dix ans après l’indépendance du pays, cette revue a littéralement dynamité les codes du débat politique et intellectuel, dans un contexte très tourmenté, en mettant en avant des idées inédites et contestataires dans le champ sociopolitique et en renouvelant les pratiques littéraires et artistiques.

22 numéros en français et 8 en arabe

«Souffles» est née en 1966, à l’initiative des poètes Mohammed Khaïr-Eddine, Mostafa Nissabouri et Abdellatif Laâbi, rejoints par les peintres Farid Belkahia, Mohammed Chabaa et Mohamed Melehi.

Au delà de son traitement littéraire, puis politique de l'actualité des années de plomb, son originalité tient aussi au fait que sa conception graphique a été réalisée par de très grandes figures de l'art contemporain marocain et maghrébin.

Le titre de la revue n’a pas été choisi par hasard car, pour le peintre Mohammed Melehi, "souffler quelque chose à quelqu’un dans le creux de l’oreille peut avoir beaucoup plus d’impact que de le lui dire franchement".

Publiée pendant moins de 7 ans, elle a traduit un bouillonnement inédit, qui a permis au Maroc de constituer un pôle d’attraction intellectuel au Maghreb, avant de s’étendre au monde arabe et ailleurs, en s’impliquant dans son combat d’émancipation et de libération. 

Les 22 numéros  en français et 8 en arabe (Anfass) ont nourri la réflexion de la classe intellectuelle, pour que la culture devienne un vecteur de décolonisation des esprits et d’ouverture sur la modernité.

Le devoir de mémoire

Pour son fondateur, Abdellatif Laâbi, cette commémoration est l’occasion de rappeler aux jeunes générations, l’impact de ses réalisations, qui ont marqué les esprits au Maroc et à l’international.

Interrogé par Médias 24, ce dernier déclare que cette célébration est un devoir de mémoire plus que jamais d’actualité, au regard du repli réactionnaire et identitaire, en contradiction avec la modernité.  

Le poète et penseur Adonis, présent à la célébration, nous a affirmé que la revue Souffles a participé à la déconstruction d’un discours figé dans le passé et mérite largement l’hommage qui lui est rendu.

Cette revue est devenue incontournable pour les chercheurs qui s’intéressent aux questions de la culture nationale et de la décolonisation culturelle et pour ceux qui veulent étudier les nouvelles générations d’écrivains ou d’artistes maghrébins de l’époque ou l’itinéraire particulier de certains d’entre eux.

Créée dans un contexte de violence politique et de décolonisation internationale, Souffles a institué une dynamique poétique et littéraire sans précédent au Maroc, qui vivait en plein état d’exception.

Cette expérience avant-gardiste a influencé les  communistes du PLS, les gauchistes d'Ila Al Amam, du mouvement du 23 mars, avant d’être interdite en 1973, avec la condamnation à 10 ans de prison de Abdellatif Laâbi.

Contestataire, "Souffles" dérange 

Ce qui n’était qu’un recueil de poésie est devenu au fur et à mesure de l’engagement de ses fondateurs un manifeste radical, réclamant le pluralisme politique et le respect de l’identité plurielle du Maroc (arabo-amazighe-juive-saharienne-maghrébine-africaine-méditerranéenne).

A partir du numéro spécial Palestine en 1968, l’imbrication entre le côté culturel et politique était telle que la ligne éditoriale est devenue contestataire et a fini par attirer l’attention puis les foudres des autorités marocaines.

Après un passage par le PLS (parti de la libération et du socialisme ancêtre du PPS), Abdellatif Laâbi crée avec Abraham Serfaty le mouvement d’extrême gauche Ilal Al Amam, dont les positions leur vaudront un long emprisonnement qui signera la fin de l’aventure «Souffles».

Malgré leur divergence idéologique, Ismail Alaoui, ex-secrétaire général du PPS a tenu à répondre présent pour fêter le souvenir d’une revue qui a nourri son esprit critique et dialectique.

Interrogé, le ministre de la Culture, Amine Sbihi, affirme que le souffle de la revue ne retombera jamais, car sa vision émancipatrice a été porteuse d’humanisme et de progrès et est toujours d’actualité.

50 ans après la publication de son premier numéro, cette revue symbolisant  une liberté batailleuse et pour certains excessive, restera dans l’histoire du Maroc comme une bouffée d’air frais intellectuelle sans précédent et sans équivalent, malgré les expériences suivantes des revues Lamalif et Kalima.

Aujourd’hui, cette revue fait l’objet d’études et de thèses de doctorat dans toutes les universités du monde. Malgré sa disparition, ses concepteurs espèrent qu’elle renaîtra sous une autre forme, même s’il paraît difficile de rééditer la conception d’une œuvre d’art qui est par définition unique.

Le vernissage du cinquantenaire, qui a eu lieu à la Bibliothèque nationale le 7 avril, sera suivi d’une exposition qui durera jusqu’au 30 avril et reprendra à la galerie nationale Bab Rouah, du 17 au 31 mai.

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