Programmes: clivages sur la justice sociale et les libertés

Après la culture, le consensus sur les grands chantiers et les modèles économiques, nous poursuivons notre série analytique des programmes des partis politiques, avec la justice sociale et les libertés.

Programmes: clivages sur la justice sociale et les libertés

Le 4 octobre 2016 à 11h47

Modifié 11 avril 2021 à 2h38

Après la culture, le consensus sur les grands chantiers et les modèles économiques, nous poursuivons notre série analytique des programmes des partis politiques, avec la justice sociale et les libertés.

Le modèle économique, les taux de croissance qu’il ambitionne d’atteindre, les équilibres macroéconomiques qu’il préserve ou consolide, les mutations sectorielles qu’il entretient suscitent un débat entre iles initiés à la chose économique.

Mais il n’est pas sûr que l’électeur moyen soit sensible à ces thèmes, au point de tomber amoureux d’un taux de croissance de belle allure ou d’adhérer à un déficit zéro.

C’est l’attention portée par les partis à la couverture des besoins sociaux essentiels, au bien-être de la population et à l’accessibilité aux droits et aux services publics qui finit par emporter l’adhésion de l’électeur.

Autant dire que les principes conducteurs des programmes des partis mettent en avant avec force détails les dimensions sociales du développement.

Ils prônent tous le renforcement de la justice sociale, la promotion des droits et libertés,l’attachement aux valeurs de progrès et d’égalité. Le rôle majeur de l’Etat en matière de développement et de cohésion sociale étant de veiller à assurer l’inclusivité sociale par des mécanismes et dispositifs conciliant efficacité économique et justice sociale.  

Celle-ci fournit dans les programmes électoraux des partis politiques, dans le large spectre de leur référentiel idéologique, une valeur de référence assurée d’un consensus dans la “psyché collective“.

L’homme, finalité première et après?

Quasiment tous les programmes entonnent ce credo: la finalité première du développement est l’homme et son bien-être social.

Le PPS le souligne dans l’axe premier de son programme, en affirmant mettre l’homme aucœur des politiques publiques.

L’USFPdonne la priorité à la mise en œuvre d’un système équitable de protection sociale, visant différents segments de la société dans le cadre d’une politique sociale intégrée qui rompt avec une démarche caritative de “l’aide sociale“.

 

Le développement humain est réaffirmé avec force dans les modèles de développement du PAM et de l’UC.

Le PJD accorde la priorité sociale à la valorisation du capital humain et à la préservation de la dignité du citoyen. 

Le RNI propose un programme orienté citoyen, la priorité de son modèle est d’agir sur cinq principaux chantiers: l’école; la santé : l’emploi ; la jeunesse ;  la solidarité.

Les partis s’approprient les politiques publiques déjà lancées

Les programmes passent en revue les politiques sociales qui couvrent les dimensions du développement humain et du bien-être social: éducation et formation, enseignement supérieur et recherche scientifique, santé, emploi, habitat, culture et création artistique.

L’examen des projets révèle une très grande proximité des mesures. 

Les propositions sont en général précédées d’un diagnostic quantitatif ou qualitatif plus ou moins succinct sur les déficits sociaux (les points faibles, les insuffisances, les dysfonctionnements ou la mal gouvernance des politiques publiques).

On observe peu d’innovation dans la démarche ou le contenu des propositions. Ces dernières s’inspirent ou s’approprient en grande partie des programmes publics déjà en cours. 

Il en est ainsi de la stratégie de l’éducation: nouveau contrat entre les instituions de l’Etat, la société, la déconcentration, la révision des programmes et curricula, l’introduction de la langue amazighe, ’usage du numérique, la refonte de la formation professionnelle et l’ouverture de l’université sur son environnement, le soutien à la recherche.

Il en est de même des propositions relatives au domaine de la santé: le développement des infrastructures, la réforme de la politique des médicaments, l’extension de l’assurance sociale, l’amélioration des ressources humaines, la qualité des soins.

Le logement, la culture, le sport font aussi l’objet d’un constat partagé et d’un appui aux droits humains pour l’ensemble des Marocains.

Quelques propositions globales ou spécifiques sont à souligner. La volonté de mettre en place une protection sociale intégrée et universelle évoquée par l’USFP, mais sans donner de précisions sur son contenu ni sur ses modalités.

Les mesures suggérées par l’UC d’une“Carte Jeune“ défiscalisée de la TVA, favorisant l’accès à l’ensemble des services publics et la création des “Obligations à impact social“ au profit d’entreprises. La perspective annoncée par le PAM d’initier des accords de partenariat Etat/régions de recrutement contractuel d’aides-éducateurs.

Le volet social des programmes sociaux des partis intègre aussi une dimension catégorielle. Tous appellent à promouvoir la parité et l’égalité avec quelques nuances sur le référentiel.

Le point de clivage étant l’approche du PJD d’inspiration islamiste et celle des autres partis plus fortement marquée d’universalisme.

Tous portent un intérêt pour la couverture des besoins des catégories sociales spécifiques: enfants, jeunes, séniors et personnes à handicap. Le RNI se particularise en ciblant dix populations spécifiques.

Quelle place pour la liberté?

L’objectif des politiques sociales est de corriger les distorsions au sein de la société en matière de partage des fruits de la croissance

Dans la démarche de refonte des politiques sociales, trois principes essentiels ressortent des programmes:  

-des politiques sociales volontaristes et efficientes (ciblage des politiques, approche intégrée des déficits sociaux),

-une meilleure gouvernance des politiques sociales, 

-la constitution d’un pôle social gouvernemental permettant d’établir une conception globale, intégrée, durable des politiques sociales répondant aux valeurs fondamentales de la société.

Tous les partis se réfèrent aux valeurs de liberté, de l’égalité, de la solidarité et de la justice.

Elles découlent chez le PJD et le PI des valeurs religieuses.

Elles émanent des fondements du libéralisme chez le RNI, l’UC.

Chez les socialistes (PPS, USFP, FGD), elles renvoient au référentiel universel et à une conception de l’Etat-Providence.

Chez le PAM et le MP, elles puisent leur contenu dans le double registre de la modernité et de la tradition.  

Dans les déclarations programmatiques, des différences peuvent être constatées dans le classement de ces valeurs, dans leur hiérarchie respective.

>La liberté est toujours citée en premier, dans les programmes de l’UC, du RNI et du PAM: le droit garantit la liberté du plus faible.

>La liberté est citée en relation avec l’égalité dans d’autres programmes (PI, MP), celle-ci comprend l’égalité devant la loi et l’égalité des chances.

>La liberté est en relation avec la justice dans les discours du PJD, de l’USFP et du PPS; ces discours mettent l’accent sur l’égalité des chances, mais aussi sur l’égalité des résultats, qui impose qu’il y ait une plus grande égalité dans la répartition des revenus, de la fortune et du pouvoir.

La solidarité constitue pour les partis d’inspiration sociale le ciment qui assure sa cohésion à l’Etat social, lequel est l’expression d’une solidarité garantie et organisée par le politique.

Pour les partis d’inspiration libérale, la solidarité, obligatoirement réciproque, entre les forts et les faibles et entre les générations débouche également sur des obligations et pas seulement sur des devoirs.

La relation liberté-égalité constitue le fondement de la justice sociale, pour les différents partis.

On constate que l’accent mis ici sur la liberté, là sur l’égalité et une conception fondamentalement différente de la solidarité, permettent de comprendre les différences de priorité dans les politiques publiques.

Tous les partis admettent implicitement que quel que soit l’impératif de l’amour du prochain, la solidarité n’émane pas de la nature sociale de l’homme. C’est à l’Etat de l’organiser.

Mais si tous dénient au marché le droit de régler la question de la justice sociale, tous ne préconisent pas la même conception de l’Etat dans la régulation sociale.

Certains affichent une préférence pour un Etat curatif, où le rôle de la redistribution est fondamental (PPS, USFP, FGD).

D’autres préconisent un “Etat social attentif et préventif“ (RNI, PAM); d’autres enfin déploient le rôle de l’Etat en amont et en aval des revenus primaires (PI, PJD).

Puisque l’Etat ne peut pas supprimer les inégalités à la naissance, qu’il les corrige au moins par une plus grande sollicitude pour les plus faibles dans la promotion des capacités et des talents.

Imperceptiblement réapparaît chez les socialistes une conception plus traditionnelle de la justice sociale, qui met à nouveau l’accent sur les différences de classes et sur les inégalités de répartition.

Les partis d’inspiration libérale entendent démontrer que dans leur conception, le rôle de l’Etat ne se limite pas à la politique économique et fiscale.

Même si une bonne politique économique est la meilleure des politiques sociales, ils ont également quelque chose à proposer en matière sociale.

On ne s’étonnera donc pas que le RNI, l’UC, qui défendent avec plus de vigueur une baisse et une simplification des taux d’imposition le fassent au nom de la justice sociale.

Mais comme ils ne voudraient pas non plus qu’on les réduise à des partis anti-impôts, ils plaident aussi pour une justice sociale fondée sur le mérite et l’égalité des chances.

Un révélateur des identités des partis

Les différences constatées dans la hiérarchie respective de ces valeurs, dans les déclarations programmatiques permettent de révéler l’identité politique des uns et des autres.

Mais, ces différences, perceptibles dans les discours politiques ou les programmes électoraux, s’estompent dans la gestion des politiques sociales quand ces partis accèdent à la gestion de la chose publique.

 C’est pour cette raison que le renouvellement de la question de la justice sociale se repose avec acuité aujourd’hui, où le citoyen doute de l’efficacité des politiques publiques à endiguer les inégalités.

Le débat national  sur l’égalité est trop souvent subordonné à de fortes bouffées de demandes d’égalité que le système politique est sporadiquement obligé de prendre en compte, sans avoir le temps de les traiter correctement sur une longue durée, ce qui aboutit à des déceptions.

A l’évidence, s’il est un problème qui doit être traité en continu et sur le long terme, c’est bien celui-là.

Cette réflexion est nécessaire pour la conduite de nos politiques de transferts sociaux, de répartition au sein des entreprises et nos politiques sociales.  Nous avons besoin de critères suffisamment clairs et opérationnels pour départager les inégalités acceptables ou justifiables de celles qui ne le sont pas, afin d’orienter l’action.

Où trouver ces bons repères et à partir de quel principe? Convient-il de  se référer à un principe unique de justice (ou à un petit nombre de principes), qui pourra prétendre à l’universalité, mais aura nécessairement un caractère fortement abstrait? Ou bien à des principes variables selon la nature des biens en cause?

Cette réflexion sur les principes de justice, absente au sein des partis politiques, est doublement nécessaire.

Elle l’est d’abord économiquement, car, pour définir correctement les politiques publiques, nous avons besoin d’une pensée claire sur les questions d’égalité et de justice, qui constituent des aspects fondamentaux de ces politiques.

Elle l’est ensuite politiquement, car elle constitue une exigence de la démocratie: pour bien fonctionner, celle-ci a besoin de principes régulateurs des conflits et de mécanismes de prévoyance sociale efficients.

Pour plus d'informations voici les programmes électoraux des 9 grands partis à feuilleter
 

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