Verbatim. Les critiques de Najib Akesbi contre la flexibilisation du Dirham

Depuis l’annonce de la volonté du gouvernement et des autorités monétaires de changer le régime de change au Maroc vers un régime plus flexible, des inquiétudes se sont exprimées, que ce soit auprès du large public ou auprès d’experts spécialisés, qui voient en la flexibilisation du dirham une aventure aux effets néfastes, dont le royaume peut bien se passer.

Verbatim. Les critiques de Najib Akesbi contre la flexibilisation du Dirham

Le 4 juillet 2017 à 17h56

Modifié 4 juillet 2017 à 17h56

Depuis l’annonce de la volonté du gouvernement et des autorités monétaires de changer le régime de change au Maroc vers un régime plus flexible, des inquiétudes se sont exprimées, que ce soit auprès du large public ou auprès d’experts spécialisés, qui voient en la flexibilisation du dirham une aventure aux effets néfastes, dont le royaume peut bien se passer.

Parmi eux, Najib Akesbi, connu pour ses positions altermondialistes. Aussi vivement qu’à son habitude, celui-ci défendait l’antithèse de la libéralisation ou même de la flexibilisation du Dirham, le 29 mars dernier, lors d’une conférence organisée par l'Amicale des Diplômés ESCP Europe au Maroc à Rabat (vidéo en fin d'article). En gros, l’économiste estime que le Royaume n’est pas prêt à franchir une telle étape, à l’opposé du discours et des chiffres avancés par Bank Al Maghrib.

Dans ce sens, Najib Akesbi ne mâche pas ses mots, quand il s’agit de rappeler "les diverses failles structurelles" de l’économie marocaine. Au niveau de la balance des paiements, par exemple, il rappelle que les transferts des MRE stagnent entre 55 et 60 MMDH depuis 10 ans, et ce en Dirhams courants. Idem pour les IDE, qui oscillent entre 2 et 3 milliards de dollars annuellement, et n’évoluent pas au-delà de 4 milliards de dollars dans le meilleur des scénarios.

Toujours en termes d’investissements, Akesbi ne croit pas que la flexibilisation du Dirham permettra de relancer ceux-ci: "Les investisseurs n’attendent pas que cela", affirme-t-il. "Les investissements dépendent de tellement d’autres facteurs que du taux de change: le climat d’investissement, la politique de formation, les infrastructures, le niveau de corruption dans l’administration… ce sont ça les véritables maux de notre pays qui font que les investisseurs ne viennent pas ou si peu".

Par ailleurs, l’économiste s’inquiète également des impacts probables de la flexibilisation du Dirham sur la dette extérieure qui "est entrain de ré-exploser", après une baisse observée en 2006 et 2007. Son encours, qui dépasse les 320 MMDH, pourra être renchéri en cas de dépréciation du Dirham, surtout que l’endettement semble inévitable pour le pays qui pâtit d’un déficit budgétaire structurel.

Najib Akesbi explique: "Le Maroc n’a pas de rente pétrolière, et sa rente phosphatière est ridiculement basse. Il n’a pas d’autres ressources que ses recettes fiscales pour couvrir ses dépenses publiques. Le taux de couverture de celle-ci par les recettes fiscales tourne autour de 60%. En ajoutant des bricoles comme les recettes des domaines ou des phosphates, ce taux est ramené à 67%. Il reste quand même un bon tiers des dépenses que l’on ne peut couvrir que par l’endettement, sauf si une véritable réforme fiscale est engagée".

Plus particulièrement, Najib Akesbi s’attarde sur la balance commerciale, dont le déficit a régressé en 2015 grâce à la chute des cours du pétrole: "Qui peut nous dire qu’en 2015, nous sommes devenus des champions, des dragons des exportations? Tout le monde sait que l’atténuation du déficit de la balance commerciale en 2015 n’est due qu’à un seul facteur et pas deux, et c’est la baisse des cours du pétrole", indique Akesbi.

Il ajoute: "Depuis 1974, la balance commerciale du Maroc est structurellement déficitaire. Depuis, nous n’avons jamais eu une année où nos exportations ont dépassé nos importations".

Ce déficit structurel est principalement lié à une dépendance énergétique, doublée d’une dépendance alimentaire. Les deux éléments représentent près de 40% des importations du Maroc. Avec les biens d’équipements et les demi-produits, nous sommes à près de 85% d’importations incompressibles.

Quant à l’offre exportatrice du Maroc, Najib Akesbi estime qu’elle n’est pas suffisamment compétitive ni diversifiée, même dans l’aéronautique ou dans l’automobile, où les taux d’intégration ne dépassent pas respectivement 18% et 30%.

La combinaison de tous ces éléments est, pour l’économiste, un signal fort que le Maroc n’est pas encore prêt à la libéralisation ou la flexibilisation du Dirham, une mesure qui fait partie intégrante selon lui de ce qu’il appelle les "packages du FMI", que l’institution recommande au Royaume depuis les années 80, et que celui-ci refusait en avançant que ses fondamentaux économiques à l’époque ne lui permettaient pas une transition indolore.

"Une bonne partie des personnes et des dirigeants qui pilotent actuellement cette réforme étaient déjà là d’une manière ou d’une autre dans les années 80. J’ai envie de leur dire, qu’est-ce qui a changé au niveau des fondamentaux économiques, qui ferait que ce que nous n’avons pas fait hier, semble adéquat aujourd’hui?"  s’indigne Akesbi. Les déficits structurels de la balance commerciale et de la balance budgétaire, le niveau important de la dette… sont autant d’éléments structurels que l’économiste redoute.

"L’essentiel des indicateurs sur lesquels cette réforme est fondée ne tient pas; c'est fragile, précaire et aléatoire. C’est ça la réalité", ajoute-il.

Pour toutes ces raisons, Najib Akesbi estime qu’une dépréciation du Dirham est inévitable, même dans une situation de flottement contrôlé. Il n’écarte pas non plus l’hypothèse d’une attaque contre le Dirham, en s’imprégnant du scénario de la crise économique asiatique de 1997.

"Après la flexibilisation, il est probable que dans un premier temps il y ait une phase d’euphorie, avec un afflux de capitaux au Maroc, surtout avec la libéralisation du compte capital pour les non-résidents. Mais cela pourrait créer une sorte de bulle financière, qui n’a pas d’assise réelle vu que notre croissance est faible".

Pour conclure, Najib Akesbi estime que rien ne légitime la réforme du régime de change: "Le Dirham est lié à un panier de devises qui fluctuent. Nous avons donc déjà, en quelque sorte, un régime de change intermédiaire, qui est assez adapté au Maroc. Pour me convaincre de changer ce système, il faudra tout simplement me convaincre que ce système fait problème, ce qui n’est pas le cas".

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Wafa Gestion: COMMUNIQUE DE PRESSE

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.