Une radioscopie de la fonction publique par la Cour des comptes

La Cour des comptes vient de publier un rapport consacré à la fonction publique. Celle-ci est au-dessus des moyens du Maroc sans pour autant être performante, note l’institution qui suggère plusieurs pistes de réforme.

Une radioscopie de la fonction publique par la Cour des comptes

Le 20 novembre 2017 à 19h41

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

La Cour des comptes vient de publier un rapport consacré à la fonction publique. Celle-ci est au-dessus des moyens du Maroc sans pour autant être performante, note l’institution qui suggère plusieurs pistes de réforme.

Le rapport (synthèse ici, rapport complet ici) donne un état des lieux de ce système et un bilan des principales initiatives de réforme prises en la matière depuis la fin de la décennie 1990. Il dresse un diagnostic du système tel qu’il se présente actuellement et ce, sur les principaux aspects de la fonction publique. Ce diagnostic est affiné par un focus sur certains départements ministériels.

S’inspirant des benchmarks des initiatives mises en œuvre dans certains pays, la Cour propose des pistes de réformes et émet des recommandations pour éclairer les pouvoirs publics sur les réformes à adopter afin de parer aux dysfonctionnements constatés.

LA FONCTION PUBLIQUE EN CHIFFRES

En 2016, le secteur public employait un effectif de personnel d’environ 860.253 dont 583.071 fonctionnaires civils de l’Etat, 147.637 fonctionnaires dans les collectivités territoriales et 129.545 agents des établissements publics.

Fonction publique de l’Etat:

concentration dans des ministères et des territoires

En plus des déséquilibres dans le déploiement territorial, l’effectif du personnel civil de l’Etat est concentré dans un nombre limité de départements. En termes budgétaires, les charges du personnel de l’Etat sont élevées comparativement à la richesse nationale.

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Globalement, l’effectif des fonctionnaires civils n’est pas excessif quand il est rapporté à la population totale et ce, comparativement à d’autres pays. En effet, le taux d’administration au Maroc s’établit à 17,2‰ (moyenne nationale). Toutefois, la répartition territoriale du personnel connaît des disparités entre les régions.

Le taux d’administration est exprimé en nombre de fonctionnaires pour 1.000 habitants.

En 2016, près de 82,5% des fonctionnaires civils sont concentrés au niveau de quatre départements ministériels. Le Département de l’Education nationale est le premier en termes d’effectifs avec 94,4%, suivi des départements de l’Intérieur, la Santé et l’Enseignement Supérieur avec, respectivement 02,5%, 8,9% et 4,0%.

En termes budgétaires, les crédits alloués à la masse salariale en 2016 s’élèvent à plus de 120 MMDH. Près de 59% de cette masse salariale est concentrée dans trois départements, à savoir l’Education nationale, l’Intérieur et la Santé avec respectivement 36,5%, 15,2% et 7,1%. Quatre  autres départements absorbent, ensemble, 12,7% de cette masse salariale (Enseignement  supérieur, Justice, Economie et finances, et Affaires étrangères).

La masse salariale comprend les rémunérations brutes servies aux fonctionnaires et les cotisations sociales qui  incombent à l’Etat, en tant qu’employeur, aux régimes de prévoyance sociale.

Entre 2008 et 2016, la masse salariale est passée de 75,4 à 120 MMDH, soit, respectivement de 11,38% à 11,84% du PIB. Elle a progressé annuellement de 5,3% en moyenne, contre un taux de croissance annuel moyen de 3,92% pour le PIB. Les évolutions les plus significatives de la masse salariale ont été enregistrées en 2009, 2011, 2012 et 2014. Ce décalage montre que le volume des rémunérations servies aux fonctionnaires augmente plus rapidement que la croissance du PIB.

En comparaison avec d’autres pays, le rapport de la masse salariale au PIB est relativement élevé au Maroc. En effet, dans la région MENA où les dépenses du personnel sont les plus élevées par rapport au PIB, ce rapport atteint 9,8%. Avec une masse salariale qui s’établit à

11,84% du PIB en 2016, le Maroc connaît un ratio qui est parmi les plus élevés de la région. Ce ratio est de 7,2% en Egypte et de 12,7% en Tunisie. Dans les pays de l’OCDE, ce ratio est en général en dessous de 10% (il est de 9,4% en France par exemple).

Une fonction publique au-delà des moyens de l’économie du pays

Entre 2008 et 2016, la masse salariale a augmenté de 59,2% alors que la progression des effectifs des fonctionnaires civils n’a été que de 9% sur la période. Cette forte progression de la masse salariale découle surtout des niveaux de rémunération qui ont augmenté sous l’effet des promotions de grade et d’échelon en plus des différentes décisions de revalorisation salariale qui étaient souvent prises en réponse à des situations conjoncturelles exceptionnelles, comme en 2011.

La comparaison des niveaux des salaires publics avec d’autres pays d’une part et avec le secteur privé d’autre part, permet de conclure que la rémunération des fonctionnaires est relativement élevée au Maroc. Dans la fonction publique de l’Etat, le salaire mensuel net moyen a atteint 7.700 DH en 2016, avec une évolution de 51,6% par rapport à 2006. Le salaire net minimum s’élève à 3.000 DH, marquant une évolution de 89,2% par rapport à 2007. Ces niveaux élevés sont de loin supérieurs aux moyennes du secteur privé où, en 2015, le salaire mensuel net moyen a atteint 4.932 DH et le salaire minimum s’élève à 2.568 DH.

Comparé à la richesse nationale, le salaire net moyen dans la fonction publique représente environ 3 fois le PIB par habitant, contre 1,2 fois en France, et 1 fois en Espagne. Le niveau élevé du salaire moyen au Maroc s’explique, certes, par la faiblesse du PIB marocain comparativement à ceux des pays cités en référence, mais également, par les multiples revalorisations des salaires décidées dans le cadre du dialogue social.

Le résultat est que le Maroc s’offre une fonction publique qui dépasse les moyens de son économie et que l’amélioration substantielle des revenus des fonctionnaires ne se traduit pas par une amélioration de la perception de l’Administration chez le citoyen.

Tendances rigides de la masse salariale

Les projections relatives à la période 2017-2021 montrent que la masse salariale continuera à augmenter en termes nominaux. Ainsi, sur la base d’un taux de croissance moyen similaire aux cinq dernières années (3,6%), le poids de la masse salariale dans le PIB va passer de 11,84% en 2016 à 12% en 2018, avant de baisser légèrement à partir de 2019 pour s’établir à 11,5% en 2021.

Nécessité d’une refonte du système de rémunération

La rigidité des dépenses salariales découle principalement du niveau élevé des rémunérations.

La maitrise des effectifs permettrait, certes, d’atténuer la progression de ces dépenses, mais l’impact s’en trouve amoindri par l’effet des promotions de grade et d’échelon qui mobilisent, chaque année, des enveloppes budgétaires consistantes. En 2015, cette enveloppe a atteint 3,56 MMDH.

Par conséquent, la maitrise de la masse salariale de l’Etat appelle, en premier lieu, une refonte du système de rémunération ainsi que du système d’évaluation et de promotion.

Si les effectifs des fonctionnaires ne sont pas excessifs comparativement à d’autres pays et que la baisse des niveaux de rémunération est difficile à mettre en oeuvre, les leviers de maitrise de la masse salariale qu’il serait possible d’envisager consistent à limiter les recrutements au strict nécessaire (sauf pour les départements en besoin pressant) et ce à travers des redéploiements pour pallier les déséquilibres de répartition du personnel.

Temps de travail: un levier de maitrise de la masse salariale

Face à des durées de travail effectives très variables dans l’ensemble des administrations publiques, il importe de mettre en place les moyens à même de s’assurer que la durée effective corresponde à la durée réglementaire.

À missions inchangées, une augmentation de la durée effective du travail pourrait dégager un potentiel équivalent en jours/hommes et atténuer les besoins en personnel découlant des départs à la retraite pour maintenir les recrutements à un niveau supportable. Or, la charge horaire réglementaire n’est pas accomplie d’une façon homogène et la durée effective de travail dans la fonction publique demeure mal connue.

A titre d’exemple, pour le personnel de l’Éducation nationale, l’ampleur des absences fait perdre au secteur un potentiel important de ses ressources humaines. En effet, selon les chiffres communiqués par le Département de l’Education, les absences enregistrées en 2016, par exemple, avaient atteint un total de 406.890 jours. En outre, une part importante d’enseignants (90% des enseignants du cycle secondaire qualifiant et 74% du cycle secondaire collégial) n’assument pas la charge horaire qui leur est impartie à cause de l’inadéquation entre le déploiement des enseignants et la taille des structures scolaires.

De même, pour le secteur de la Santé, une étude avait montré qu’en moyenne, 42% du temps de travail du corps médical n’est pas exploité à cause des absences.

Dans les autres administrations publiques, la durée de travail, fixée à 37,5 heures par semaine, n’est en général pas observée rigoureusement. Il en résulte des marges pour l’optimisation de ce temps.

Même pour le temps de travail réglementaire, sa durée hebdomadaire reste, relativement, en deçà de ce qui est pratiqué dans d’autres pays. Si l’optimisation du temps de travail constitue un levier pour la maitrise de la masse salariale, la mise en place de moyens de contrôle de ce temps serait sans effet si elle n’est pas précédée d’autres mesures comme la généralisation de la gestion axée sur les résultats et l’évaluation des performances de chaque fonctionnaire sur la base des descriptions de postes clairement définies.

Structure démographique: opportunité pour restructurer la fonction publique

La structure démographique des fonctionnaires laisse prévoir des départs à la retraite de plus en plus importants. Près de 32% des fonctionnaires ont un âge supérieur à 45 ans. Cette situation constitue une opportunité pour amorcer des réformes en profondeur de la gestion des ressources humaines avec un reprofilage des effectifs dans le sens de sa mise en adéquation avec les besoins de l’Administration de demain.

En revanche, le changement démographique causé par le vieillissement de la population active et l’inadéquation du système de formation avec les besoins en compétences de l’Administration sont autant de contraintes auxquelles la fonction publique devrait faire face dans l’avenir. Seuls des systèmes efficients de formation sont à même d’anticiper ces contraintes.

Personnel de la fonction publique territoriale

Avec un effectif de 147.637 fonctionnaires (en 2014), le personnel des collectivités territoriales est concentré essentiellement au niveau des communes avec plus de 82%, suivi des préfectures et provinces qui regroupent 25.668 fonctionnaires, soit 17,4% de l’effectif. Quant aux 12 régions, elles comprennent 414 fonctionnaires, soit 0,3% du total. A l’instar du personnel de l’Etat, la fonction publique territoriale connait des disparités dans la répartition régionale des effectifs et un poids élevé de la masse salariale.

En termes de masse salariale, les charges de personnel se sont établies en 2016 à près de 11,2 MMDH représentant 49,9% des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Ces dépenses absorbent l’équivalent de 59,7% de leur part dans le produit de la TVA. D’où l’étroitesse relative des marges de manœuvre budgétaires des collectivités territoriales pour libérer davantage de ressources pour la couverture des besoins d’équipement et de développement des territoires.

Entre 2009 et 2015, les charges de personnel ont augmenté de 34,2% avec un taux de croissance annuel moyen de 4,29%. La masse salariale a ainsi évolué alors même que les effectifs ont connu une baisse (de 151.610 en 2008 à 147.637 en 2014). 

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