La région de Fès-Meknès attend son véritable décollage économique

Plusieurs chefs d'entreprises de la région affirment vivre une situation difficile. Les chiffres, eux, montrent qu'il y a à la fois retards et avancées. Plusieurs acteurs sont mobilisés: Conseil de la région, CRI, Chambre de commerce... avec chacun une stratégie ou un programme d'action. Pour des observateurs, il faut harmoniser tout cela est entamer la déclinaison du Plan d'accélération industrielle au niveau de la région.

La région de Fès-Meknès attend son véritable décollage économique

Le 20 juin 2018 à 19h03

Modifié 11 avril 2021 à 2h47

Plusieurs chefs d'entreprises de la région affirment vivre une situation difficile. Les chiffres, eux, montrent qu'il y a à la fois retards et avancées. Plusieurs acteurs sont mobilisés: Conseil de la région, CRI, Chambre de commerce... avec chacun une stratégie ou un programme d'action. Pour des observateurs, il faut harmoniser tout cela est entamer la déclinaison du Plan d'accélération industrielle au niveau de la région.

La deuxième édition du Forum économique de la région Fès-Meknès aura lieu du 27 au 30 juin dans la capitale spirituelle. Elle est organisée par la Chambre de commerce et d’industrie de la région et la Fondation du Forum sous le thème: «Modèles de développement innovants dans des mondes en mutation».

Cet événement, une vitrine pour la région, permet, selon ses organisateurs, de développer sa notoriété et son attractivité, de fédérer les acteurs autour d’objectifs communs, de repenser le positionnement du territoire, d’attirer les investisseurs…

 

Une série de conférences et de workshops sont au menu: Dynamisation du tourisme, développement de l’agro-industrie, enjeux du digital et du développement durable…

Y prendront part plusieurs personnalités confirmées ou attendues: Moulay Hafid Elalamy, Mohamed Boussaid, Salaheddine Mezouar…

A l’instar de la première édition, qui a connu la participation de 850 personnes de 20 pays, des conventions de partenariat seront signées et des prix décernés dans plusieurs catégories: Export, entreprise féminine, économie numérique…

Ce genre d’événement, nécessaire pour accroitre la visibilité de la région et poursuivre le débat sur les priorités et les axes de développement, doit toutefois être appuyé par des stratégies et des actions concrètes pour permettre un développement économique réel, inclusif et rapide de la région.

Celle-ci, malgré ses potentialités, cumule beaucoup de retards. Sur le plan purement économique et entrepreneurial, les chefs d’entreprises affirment vivre une situation difficile.

Voici les principaux indicateurs socioéconomiques de la région Fès-Meknès, qui montrent à la fois ses avancées, ses potentialités et ses retards.

La région est 4e en termes de poids économique

En 2015 (dernières données disponibles), Fès-Meknès a contribué négativement à la croissance économique nationale : -0,1 point à prix constants, contre une croissance nationale de 4,5%.

 

A prix courants (hausse des prix comprise), le PIB de la région s’élevait à 89,2 milliards de DH, soit 9% du PIB national contre 9,5% un an auparavant. La région se classe ainsi 4ème en termes de PIB après Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kenitra et Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Elle est dépassée par cette dernière, même si sa population est plus importante: 4,24 millions d’habitants selon le dernier recensement du HCP, contre 3,56 millions pour Tanger.

Le PIB par habitant de la région s’élève ainsi à 20.944 DH, inférieur de 27,6% à la moyenne nationale.

Sa structure du PIB est de 20% pour le secteur primaire (agriculture, forêts et pêche), autant pour le secondaire (industrie, BTP et énergie) et 46% pour le tertiaire (commerce et services) le reste étant représenté par les impôts nets des subventions.

La région contribue à hauteur de 14% à la valeur ajoutée du secteur primaire au niveau national mais seulement à hauteur de 6,9% et 8,4% à la VA nationale des secteurs secondaire et tertiaire. Elle se classe ainsi respectivement 2ème, 6ème et 5ème.

Agriculture & élevage:

Dans l’agriculture, elle compte 33% de la superficie nationale agricole utile (1,34 million d’hectares en 2016) et 13,7% de la superficie irriguée. Cette superficie est occupée à plus de 50% par les cultures céréalières et à plus de 30% par l’arboriculture.

Elle assure 34% de la production nationale oléicole et 24% des céréales.

Le secteur a généré en 2015 une valeur ajoutée de 9,1 milliards de DH ainsi que 19,7 millions de journées d’emploi, soit quasiment les objectifs à l’horizon 2020.

La filière animale de la région représente 22% des bovins, 29% des ovins et 17% des caprins au niveau national. La valeur ajoutée s’est établie en 2015 à 3,5 milliards de DH, un niveau proche de l’objectif 2020.

Par ailleurs, la région compte 1,25 million d’hectares de forêts.

Industrie & mines:

Dans l’industrie, les dernières données remontent à 2013. Le ministère du Commerce et de l’Industrie recensait un millier d’établissements comptant 47.500 employés. Ce tissu représente 9% au niveau national et il est concentré à Fès (60%).

Pendant cette année, l’industrie de la région a généré une production de 23 milliards de DH, soit 6% de la production nationale. Par contre, les exportations industrielles s’élevait à près de 3 milliards de DH, soit à peine 2,4% des exportations nationales.

La valeur ajoutée atteignait 5,34 milliards de DH, générée à hauteur de 60% par l’agroalimentaire et le textile et cuire.

Les investissements se sont élevés à plus de 540 MDH, réalisés à 80% dans les préfectures de Fès et de Meknès.

La région bénéficie de plusieurs atouts dans le domaine industriel: main d’œuvre qualifiée, disponibilité des matières premières agricoles et minières, accessibilité et proximité géographique, existence d’une infrastructure d’accueil importante.

Malgré cela, le secteur peine à décoller, faute d’impulsion forte, notamment via l’installation de grandes structures industrielles favorisant le développement d’écosystèmes.

Dans le secteur minier, la région est réputée par ses gisements de Ghassoul, de sel et de Calcite. De plus, plus de 300 carrières sont exploitées pour la production de matériaux de construction.

Tourisme & artisanat:

Pour ce qui est de l’artisanat, l’activité est concentrée à Fès. Cette ville comptait en 2015 près de 70 coopératives, une centaine d’associations professionnelles ainsi que 5 centres de formation. Les produits fabriqués sont variés: tapis, céramique, fer forgé, meubles en bois…

Les 90.000 artisans de la région contribuent à 17% au chiffre d’affaires national du secteur, soit 3,6 milliards de DH sur 21 milliards. Pour développer davantage le secteur, six circuits touristiques ont été créés à Fès sur un parcours de 21 km.

Dans le tourisme, l’aéroport de Fès-Saiss enregistre l’une des plus fortes progressions de nombre de passagers au niveau national. En 2017, près de 140.000 arrivées ont été enregistrées, en hausse de 35%.

Les nuitées réalisées à Fès et Meknès s’élèvent à 1,17 million, en hausse de plus de 30%. Le taux d’occupation des hôtels demeure toutefois peu élevé: 35% à Fès et 25% à Meknès. La durée moyenne de séjour est inférieure à 2 jours.

En 2015, la région comptait 270 établissements d’hébergement classés avec 9.650 chambres et 21.500 lits.

Notons que la région regorge de potentialités touristiques: patrimoine historique et architectural, sources thermales, sites naturels… qu’il s’agit de valoriser avec de l’aérien, des infrastructures, de la promotion et de l’animation culturelle.

Enfin, la région se positionne également sur l’offshoring avec son parc Fès Shore offrant les services nécessaires aux opérateurs. Ceci, en plus de l’existence d’une main d’œuvre abondante et peu coûteuse et d’incitations fiscales avantageuses, favorise le développement d’activités d’offshoring.

Emploi, niveau de vie et accès aux services de base, les retards

La population de la région Fès-Meknès est à plus de 60% urbaine. Cette part devrait monter à 65% en 2023, selon les projections du HCP.

Les habitants de la région ont dépensé, en 2015, pour leur consommation finale 63,8 milliards de DH contre 65,3 milliards un an auparavant. Cela représente 11,3% de la consommation nationale, ce qui place, là aussi, la région au 4e rang.

La dépense de consommation par habitant s’élève ainsi à 14.979 en moyenne sur l’année 2015, en baisse d’environ 500 DH par rapport à 2014. La moyenne nationale s’élève, elle, à 16.949 DH.

En ce qui concerne l’emploi, la région affichait en 2015 un taux de chômage de la population active de 8,6%, dont 13,3% en milieu urbain. Meknès affiche un taux de 17,8% en milieu urbain et Fès 10%.

En termes de pauvreté, l’indice de développement local multidimensionnel élaboré par l’ONDH classe la région Fès-Meknès légèrement en dessous de la moyenne nationale (6,9 contre 7).

Elle affiche des déficits plus importants que la moyenne en matière de santé, d’éducation, de cadre de vie et dans le domaine socio-économique, et moins importants dans les domaines de l’habitat et de services sociaux.

Dans l’enseignement supérieur, la région comptait en 2015 près de 144.000 étudiants dans les universités publiques (4 établissements), encadrés par 2.350 enseignants.

S’ajoute à cela 23 établissements supérieurs privés, dont l’Université Al Akhawayne et l’Université Euro-méditerranéenne de Fès.

De plus, 262 établissements publics et privés de formation professionnelle étaient en activité. L’effectif des stagiaires s’élevait à près de 48.000.

En matière de santé, 21 hôpitaux (dont 7 spécialisés), 106 centres de santé urbains, 170 centres de santé ruraux et 130 dispensaires figurent sur la carte sanitaire du ministère de la santé élaborée en 2014. La capacité litière des hôpitaux est de 4.241 lits et l’encadrement médical public et privé est assuré par 1.888 médecins.

Concernant les infrastructures de base, la région compte plus de 18% du réseau routier national, une autoroute et une ligne ferroviaire la reliant à la capitale et à l’Oriental, d’un aéroport connecté à plusieurs destinations internationales dont la capacité vient d’être portée à 2,5 millions de passagers.

Enfin, l’approvisionnement en eau potable est assurée par un ensemble de barrages et de stations de traitement. La production totale avoisinait en 2015 les 100 millions de m3 fournis par l’ONEE.

Quant à la production d’électricité, elle atteignait 2.500 millions de kWh provenant essentiellement de la station thermique de Jerada et la station de transformation située à Meknès.

Des entreprises en difficulté

On le voit à travers ces indicateurs, la région Fès-Meknès aligne à la fois des performances et des retards. Mais pour les chefs d’entreprises de la région, la situation devient de plus en plus difficile.

De ces derniers, surtout les patrons de PME, se dégage un sentiment d’isolement, d’abandon par les pouvoirs publics et les représentants du secteur privé au niveau national. C’était perceptible lors de la rencontre organisée en avril dernier par Hakim Marrakchi, alors candidat à la présidence de la CGEM, avec les entrepreneurs de la région.

«La région de Fès se transforme de plus en plus en un désert industriel», déplorait un spécialiste de l’agroalimentaire présent lors de cette rencontre.

De fait, les défaillances d’entreprises se multiplient dans plusieurs secteurs jugés comme sinistrés. C’est le cas dans tous le Maroc mais la région connaît un ralentissement plus poussé, selon un industriel du textile.

Pour lui, il n’y a qu’à voir le nombre de logements construits et qui ne trouvent pas preneurs, faute de dynamisme économique. «Tanger, par exemple, a pu rattraper son retard de commercialisation dans l’immobilier grâce à la dynamique industrielle que connaît la région», ajoute un promoteur.

D’ailleurs, le CRI de la région semble conscient de la situation. Il s’apprête à faire un état des lieux des entreprises créées par ses guichets à Fès, Meknès, Boulemane et Taza afin de connaître leur espérance de vie, déterminer les causes de leurs défaillances ainsi que leurs besoins pour assurer leur pérennité. S’en suivra un plan d’accompagnement.

Les investissements en hausse malgré tout

Mais le tableau n’est pas totalement sombre. Selon ce même CRI, les créations d’entreprises sont en hausse ces dernières années: +3%, à 3.577 entreprises créées en 2016, et +5%, à 3.750 entreprises créées en 2017. Emplois à générer : 13.665 en 2016 et 16.722 en 2017.

Pour les investissements, le CRI a validé en 2016 près de 170 projets pour un montant de 2,88 milliards de DH, devant générer 5.252 emplois. Secteurs concernés : habitat, tourisme, enseignement, industrie et agroalimentaire.

En 2017, les investissements ont significativement augmenté. Si le nombre de projets validés est resté pratiquement le même (170), le montant à investir est monté à 6,67 milliards de DH devant générer 9.500 emplois. Cette fois, c’est le secteur des énergies renouvelables qui arrive en tête, suivi de l’habitat et de l’industrie.

Cette reprise des créations d’entreprises et des investissements sera appuyée par le lancement, fin 2017, par la région de la plateforme «business-procedures.ma», dans le but de simplifier les procédures administratives relatives à l’entreprise et ainsi améliorer le climat des affaires dans la région.

A cette plateforme s’ajoute le programme d’action, adopté début mars, de la Chambre de commerce de la région destiné à améliorer le climat des affaires et à booster la compétitivité de la région (Parcs internationaux d’exposition, mise à niveau des parcs industriels…).

Enfin, il y a le programme de développement régional, adopté en décembre dernier par le Conseil de la région et doté d’une enveloppe d’investissement de 34 milliards de DH sur 5 ans.

Objectifs: améliorer l’attractivité de la région, soutenir les activités traditionnelles et diversifier le positionnement de la région.

Plus de 2.300 projets ont été identifiés, pour un coût global de 46 milliards de DH. La vocation fixée pour le territoire: l’industrie agroalimentaire et l’économie du savoir.

Les écosystèmes comme coup d'accélérateur

Les initiatives et les efforts ne manquent pas. Mais pour beaucoup d’observateurs, ce dont la région a besoin, c’est de l’arrivée de grandes structures favorisant le développement d’écosystèmes. Autrement dit, la région a besoin du décollage qu’a connu Tanger avec l’écosystème Renault et de celui qu’amorce Kénitra avec l’installation de PSA.

Cela ne saurait tarder. Après la déclinaison régionale du Plan d’accélération industrielle au niveau de Souss-Massa, ce sera bientôt au tour de Fès-Meknès, comme annoncé par le ministère du Commerce et de l’Industrie.

De nouveaux écosystèmes y seront développés, notamment dans des secteurs émergents leviers d’accélération industrielle, tels que l’aéronautique, la sous-traitance automobile, l’offshoring, le cuir, les matériaux de construction…

Les chefs d’entreprises insistent aussi sur la nécessaire cohérence du travail et des stratégies de tous les acteurs impliqués dans le développement de la région: ministères, conseil de la région, communes, chambres de commerce, CRI, secteur privé…

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