Le festival Oasis est bénéficiaire après 4 éditions seulement

La 4e édition du festival des musiques électroniques s’est tenue du 14 au 16 septembre à Marrakech. Hormis son organisation impeccable, cet événement a la particularité d’être devenu rentable en un temps record alors que les autres festivals ont toujours du mal à s’autofinancer. Interrogé par Médias24, un de ses trois cofondateurs nous explique la recette d’un succès commercial qui profite économiquement à la ville ocre mais également à l’image du Maroc, grâce à des retombées médiatiques considérables à l’international. 

Le festival Oasis est bénéficiaire après 4 éditions seulement

Le 18 septembre 2018 à 16h43

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

La 4e édition du festival des musiques électroniques s’est tenue du 14 au 16 septembre à Marrakech. Hormis son organisation impeccable, cet événement a la particularité d’être devenu rentable en un temps record alors que les autres festivals ont toujours du mal à s’autofinancer. Interrogé par Médias24, un de ses trois cofondateurs nous explique la recette d’un succès commercial qui profite économiquement à la ville ocre mais également à l’image du Maroc, grâce à des retombées médiatiques considérables à l’international. 

S’il reste petit par la taille, ce festival de musiques électroniques confirme, d’année en année, la pertinence de son modèle économique basé sur la rentabilité.

Une stratégie qui constitue une exception dans notre paysage culturel sachant qu'il est le seul du Maroc à être devenu lucratif en moins de quatre années.

Ainsi, entre 2017 et 2018, il a gagné 25% de festivaliers, soit un total de 5.000 personnes contre 4.000 l’an dernier. Afin d’élargir sa capacité d’accueil, il a déménagé de l’hôtel "La Source" pour prendre ses quartiers dans l’établissement "Fellah Hotel" capable de recevoir 6000 personnes.

A raison de 2.000 DH pour un pass de 3 jours, cela a représenté une entrée additionnelle de 2 MDH sans compter les recettes supplémentaires (food and berevages, produits dérivés…) de 1.000 nouveaux clients.

Fortement médiatisé dans le monde entier, le plus grand festival de musiques électroniques du Maroc était, pour la 2ème année consécutive, déjà sold-out cinq jours avant l’ouverture de ses portes.

Un détail important quand on sait que les autres festivals, tous genres musicaux, ont du mal à faire le plein, et plus prosaïquement à survivre chaque année

En dehors du fait qu’il a atteint son équilibre financier très rapidement, Oasis s’est aussi fait un nom à l’international lui permettant de drainer un public étranger toujours plus nombreux et de mieux vendre la destination touristique du Maroc.

Médias24 a interrogé Youssef Bouabid qui est l'un des 3 fondateurs avec Marjana Jaidi et Ismael Slaoui.

Médias24: Vos confrères vous envient vos sponsors, y en a-t-il eu de nouveaux cette année?

Youssef Bouabid: L’édition 2018 a été la même que la précédente.

Nous avons la chance d'avoir fidélisé des grandes entreprises comme Maroc Télécom, la RAM, l'ONMT, Samsung, BMCE pour nous accompagner et nous permettre de grandir sur le long-terme.

-On parle de 5 millions de dirhams de recettes sponsoring?

-C’est une information confidentielle.

-C’est la billetterie qui a permis de régler les 68 artistes invités?

-Cette année, Oasis a accueilli 1.000 festivaliers de plus qu’en 2017.

Comme les revenus de la billetterie ont augmenté, ils ont donc permis de couvrir les dépenses du booking (cachets des artistes DJ) et d’autres coûts alors que l’année dernière, les ventes ont tout juste suffi à payer les cachets des artistes (4,5 millions de DH).

-Hormis le booking, quels sont les autres principaux coûts ?

-Produire un festival coûte beaucoup d’argent car en dehors des artistes, il faut des équipements très onéreux pour assurer un son et une lumière de qualité.

Il a donc fallu construire des pistes de danse et des décors aux normes internationales, payer des billets d’avion, l’hébergement, la restauration, le transport…

-Comment sont ventilées les recettes du festival?

-C’est un triptyque: Le plus important poste est de loin la vente de billets.

Le second est le sponsoring et le 3ème est constitué des consommations sur place c’est-à-dire le poste «food and beverages et produits dérivés (vêtements…).

Il faut cependant préciser que les revenus des consommations ne reviennent pas en intégralité aux promoteurs du festival.

-Pourquoi?

-Hormis sa vocation d’entreprise commerciale, Oasis partage une partie de son activité commerciale avec les commerçants de Marrakech en invitant plusieurs enseignes de restauration.

Elles se sont installées dans le food court (espace restauration), ce qui leur a permis de réaliser un chiffre d’affaires non négligeable en cette période de basse saison.

-Quel impact pour la ville de Marrakech?

-Depuis sa création, la tenue du festival profite à toute l’économie locale pendant plusieurs jours.

-Concrètement, quel apport aux opérateurs touristiques?

-Il est loin d'être négligeable.

Entre les festivaliers d’ici ou d’ailleurs, les invités des sponsors, les journalistes et tous les professionnels, ce sont près de 6.000 personnes qu’il a fallu loger, nourrir, transporter…

Il y a donc eu 4 jours d’intense activité commerciale alors que la période de haute saison touristique était finie. 

Entre l’aérien qui a bien tourné ce week-end, les taxis, les locations de voitures, les hôtels, les restaurants et les guides, l’impact économique a donc été important.

Tout cela a été rendu possible par les autorités qui ont accompli un travail remarquable (gendarmes…).

-Quelle a été la part en cash ou en nature de vos sponsors?

-Nous sommes à 50/50.

Ainsi, Maroc Télécom a fourni un service wifi gratuit à tous les festivaliers. L'opérateur a également assuré la promotion publicitaire d’Oasis en fournissant gratuitement 40 panneaux d’affichage 4X3 disséminés à travers le royaume.

Ces apports en nature ont permis d’éviter beaucoup de dépenses comme notre sponsor aérien (RAM) qui nous a fourni une belle dotation en billets d’avion pour les artistes invités.

L’ONMT a financé un grand programme d’influenceurs et de blogueurs pour promouvoir le Maroc.

Oasis a aussi une vocation touristique sachant que 60% de nos festivaliers étaient étrangers.

Si nous voulons faire grandir cette industrie au Maroc, nous créons également un melting-pot pendant 3 jours qui permet de vendre la destination marocaine.

Les participants de 54 nationalités différentes, venus de tous les continents (Australie, Amériques, Asie…) sont autant d’ambassadeurs pour le Maroc.

Entre les 1.600 Marocains et une centaine d'Africains (Nigéria, Mali, Sénégal, Tunisie, Cameroun …), le continent était bien représenté.

-Vous avez amorti votre capital de 10 MDH et atteint le seuil de rentabilité en 2017, quid de 2018?

-Nous sommes devenus bénéficiaires pour cette édition et je peux même vous révéler que nous avons commencé à payer l’impôt sur les sociétés (IS) l’année dernière.

-La couverture médiatique à l’international a t-elle aussi servi l’image du Maroc ?

-Effectivement, car avant d’attirer l’attention des grands médias généralistes (NYT, Daily Mirror, Le Monde…), nous avons eu tous les médias spécialisés en musiques électroniques et en musique tout court.

Cette récurrence est très importante car des grands magazines comme "Rolling Stone", "Billboard", "les Inrocks"… parlent de plus en plus d’Oasis et envoient même un journaliste couvrir l’événement.

Depuis deux ans, notre événement attire aussi des médias qui vont au-delà de la musique électronique ou de la simple couverture de festivals comme des magazines de voyages, mode, loisirs …

Il y a aussi une dernière catégorie qui est celle des influenceurs et des blogueurs marocains et étrangers, aujourd’hui considérés comme des médias à part entière.

Ces personnes qui monétisent leurs likes, clicks… sont essentielles sachant que leur audience cumulée est de 5 millions de followers.

Cette catégorie est l’avenir pour médiatiser Oasis et partant de là de tout le pays.

C’est très important car ces journalistes spécialisés ou généralistes donnent une bonne image de notre pays.

Cette démarche et cette volonté nous habitent d’ailleurs depuis notre toute première édition.

-Comment expliquer le succès alors que d’autres festivals de musiques électroniques ont du mal à survivre?

-Il faut d’abord préciser que Moga et Atlas Electronics ne sont pas des concurrents mais des festivals complémentaires.

Ensemble, nos trois événements créent une émulation pour faire grandir l’industrie de la musique électronique au Maroc, au Maghreb et en Afrique.

Si un 4ème ou 5ème festival devait voir le jour, ça serait d'ailleurs une très bonne chose car la multiplication d’événements de ce genre permettra de faire émerger des professionnels de l’organisation d'événements culturels et une expertise marocaine en termes de ressources humaines.

A terme, l’objectif est de banaliser la destination marocaine comme ont su le faire le Portugal et la Croatie avec leurs festivals de musiques électroniques.

-D'accord mais pourquoi Oasis cartonne et pas les autres?

-Ce succès est le fruit d’un travail collectif.

Dès sa première édition, les promoteurs ont voulu construire un festival aux meilleurs standards internationaux sans lésiner sur les moyens financiers et humains.

Pour cela, nous avons mis en place:

- une application internet dédiée (programme, activités …),

- un système de paiement dématérialisé sur le bracelet-ticket (consommations…),

- des navettes gratuites entre le site et la ville pour assurer sécurité et sérénité des festivaliers,

- un bon système de sonorisation,

- des partenariats avec les plus grandes agences de relations publiques (USA, Europe…) pour faire connaitre Oasis,

- et nous avons choisi les meilleurs bookers (directeurs artistiques) au monde pour programmer la crème des artistes.

-A-t-il été difficile de convaincre des artistes de réputation mondiale comme Carl Cox de venir au Maroc?

-Au début oui car ils ne connaissaient pas le festival.

Si vous voulez programmer une méga-star comme Beyoncé qui n’a pas l’assurance que sa prestation sera produite dans les meilleures conditions, il est évident qu’elle refusera de venir.

Cela n’a donc pas été facile sachant que les grands artistes comme Carl Cox sont bookés 100 fois dans l’année et ne sont pas à une date près, même si vous leur offrez un pont en or.

C'est donc à partir de la 3ème année que nous avons obtenu une vraie reconnaissance mondiale car nous nous sommes alignés sur la meilleure qualité de spectacle et de sonorisation au monde.

-A terme, est-il question de passer à 10.000 festivaliers?

- Le site de «Fellah Hotel» peut accueillir plus de 5.000 personnes mais nous ne voulons pas augmenter la capacité en altérant le résultat final.

Notre objectif est d’assurer le meilleur confort aux festivaliers et leur faire vivre une expérience unique en termes de spectacle sonore et visuel.

Entre les tickets vendus, les tickets sponsors (ventes indirectes), les invités des artistes et ceux des organisateurs, nous avions 5.400 billets au total auxquels s’ajoutent environ 600 professionnels.

En ajoutant les gens qui travaillent sur le site (staff médical, agents de nettoyage, sécurité, équipes son et lumière pour les 3 scènes…), les médias nationaux et étrangers (106 Marocains et 150 étrangers), la journée du samedi 15 septembre a connu un pic de fréquentation de 6.000 personnes.

Pour qu’Oasis ne sature pas, il ne doit pas dépasser les 6.000 personnes sur le site Fellah Hotel.

-La demande est pourtant importante et les profits supplémentaires possibles...

-Il est hors de question de faire du profit pour du profit.

Certes, nous voulons continuer à drainer davantage de monde mais il faut que cela reste une expérience à taille humaine.

-Le festival américain Coachella attire 100.000 personnes et la qualité est pourtant toujours au rendez-vous...

-Au Maroc, nous ne sommes pas devant la même configuration.

Le premier frein est le pouvoir d’achat local car même s’il y a encore une audience beaucoup plus importante qui aimerait venir, cette dernière n’a pas forcément les moyens.

De plus, faire venir plus de monde de l’étranger n’est pas aussi simple qu'il y parait.

-Pour quelles raisons?

-C’est une question de coût aérien élevé au Maroc.

Le prix de l’aérien n’aide pas vraiment à faire venir davantage de festivaliers étrangers.

Aller au Portugal d’un pays européen coûte 60 ou 80 euros alors que pour Marrakech, il faudra débourser entre 150 et 200 euros.

La destination Maroc fait rêver mais reste malheureusement encore trop chère.

-Qu’avez-vous prévu pour y remédier?

-Notre priorité, pour l'édition 2019, est de travailler sur des partenariats avec des agences de voyages et des compagnies aériennes pour ajouter des vols compétitifs.

-Avez-vous l’intention de déménager l’an prochain?

-Nous allons faire le bilan de cette 4ème édition pour recueillir le ressenti des festivaliers.

En fonction des retours, nous verrons s’il est utile de rester sur la même capacité ou si nous devrons élargir l’audience.

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