Migration: le “Pacte de Marrakech” porte des espérances et menace des intérêts

C’est dans une semaine que Marrakech abritera la Conférence intergouvernementale des Nations unies pour l’adoption du "Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières". Un document historique qui sera le 1er cadre de référence international en matière de politiques migratoires. Toutefois, chaque semaine apporte son lot de désistements, plusieurs pays estimant que le Pacte de Marrakech va à l’encontre de leurs intérêts nationaux…

Migration: le “Pacte de Marrakech” porte des espérances et menace des intérêts

Le 3 décembre 2018 à 17h55

Modifié le 11 avril 2021 à 2h50

C’est dans une semaine que Marrakech abritera la Conférence intergouvernementale des Nations unies pour l’adoption du "Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières". Un document historique qui sera le 1er cadre de référence international en matière de politiques migratoires. Toutefois, chaque semaine apporte son lot de désistements, plusieurs pays estimant que le Pacte de Marrakech va à l’encontre de leurs intérêts nationaux…

Environ 6.000 participants issus de près de 190 pays sont attendus les 10 et 11 décembre prochains à Marrakech, afin de participer aux travaux de la Conférence intergouvernementale des Nations unies qui verra l’adoption officielle du "Pacte mondial pour des migrations sûres, ordonnées et régulières". Il s’agit du tout premier document de référence qui servira de socle à la coopération internationale en matière de gestion des flux migratoires.

Alors que les 192 Etats membres de l’ONU - à l’exception des USA - avaient signifié en juillet 2018 leur accord de principe, les semaines qui ont suivi ont vu le désistement de plusieurs pays.

A l’heure où nous mettions en ligne cet article, la liste des "déserteurs" comprend l’Autriche, la Pologne, l’Estonie, la Croatie, la Hongrie, l’Italie, la République Tchèque, les USA, Israël et l’Australie. D’autres pays sont en proie à de vives dissensions politiques autour du "Pacte de Marrakech", notamment en Allemagne, bien que la chancelière Merkel ait confirmé sa présence dans la cité ocre la semaine prochaine. La Bulgarie, la Slovaquie et la Belgique connaissent les mêmes frictions entre gouvernement et parlement. De même que la Suisse, ce qui est d’autant plus paradoxal que le Pacte de Marrakech trouve son origine dans "l’Initiative de Berne"…

Replis nationalistes

Parmi les pays qui contestent le bien-fondé de ce pacte, certains estiment qu’il ne sert pas leurs intérêts nationaux, préférant recourir à des accords bilatéraux en fonction de leurs besoins en main d’œuvre. Ce qui est notamment le cas de l’Australie et d’Israël.

Mais c’est un discours plus alarmiste que l’on entend ailleurs, principalement dans des pays européens ayant connu une montée de la droite nationaliste et de l’extrême-droite. Le Pacte de Marrakech y est assimilé à une "menace de la souveraineté nationale et une capitulation de l’Etat de droit", comme l’a qualifié un parlementaire suisse. D’autres craignent que la signature du Pacte ne vienne leur imposer des mesures notamment d’ordre financier, en faveur des migrants.

Pourtant, le pacte sur les migrations est un document non contraignant, qui se contente plutôt d’énoncer des principes généraux destinés à garantir des "migrations sûres, ordonnées et régulières". Il n’impose en aucun cas aux pays signataires d’adopter de nouvelles politiques nationales en matière de migration.

Mais ses détracteurs persistent à y voir une contrainte, plus sur le plan politique que juridique. Leur principale hantise étant de voir des ONG attaquer en justice des Etats signataires, sur des questions de migration, en se basant sur les principes du Pacte de Marrakech…

«Le Maroc a une histoire à raconter»

En matière de politique migratoire, le Maroc a opéré ces dernières années un réel changement de paradigme. Evoluant du statut d’escale vers l’Europe à celui de terre d’accueil, le Royaume a régularisé la situation de plus de 50.000 migrants subsahariens au cours des 3 dernières années.

Lors d’une rencontre avec la presse marocaine, tenue début novembre, le ministre des Affaires étrangères Nasser Bourita estimait que «le Maroc avait une histoire à raconter» en matière de politique migratoire. Le Royaume œuvrant depuis des décennies à réguler les flux migratoires à destination de l’Europe. Un rôle qu’il n’a jamais essayé de monnayer auprès de ses voisins de l’UE, contrairement à d’autres pays comme la Turquie qui a engrangé des milliards d’euros sous prétexte de gérer les migrants transitant par son territoire au plus fort de la crise syrienne…

Sur impulsion du Maroc, l’Union africaine a avalisé il y a quelques mois la création de l’Observatoire africain des migrations qui aura son siège au sein même du Royaume. L’objectif étant de permettre à l’Afrique de produire son propre discours sur la migration, en lieu et place de formules et solutions toutes faites importées d’Occident.

Un pacte, mais pour quelle portée ?

Cette généralisation du discours et des solutions se ressent au niveau des objectifs énoncé par le Pacte de Marrakech, ce qui pose légitimement la question de sa future portée.
Structuré en 10 principes directeurs et 23 objectifs, le Pacte des Nations unies sur les migrations comporte en effet une batterie de mesures, non contraignantes, rappelons-le. Certaines d’entre-elles ressemblent plus à des ‘best practices’ qu’à une stratégie dûment réfléchie, tandis que d’autres font preuve d’un idéalisme assez béat.

Au titre des recommandations du Pacte de Marrakech, figurent ainsi l’assouplissement des filières de migration traditionnelles (objectif n°5), et l’instauration de pratiques de recrutement justes et éthiques (objectif n°6), notamment l’interdiction de confisquer des pièces d’identité et des documents de travail comme c’est le cas dans les pays du Golfe.
Le Pacte recommande également de "donner aux migrants et aux sociétés des moyens en faveur de la pleine intégration et de la cohésion sociale" (objectif n°16), ou encore "d’éliminer toute forme de discrimination" (objectif n°17).

Les 23 objectifs du Pacte de Marrakech auront-ils un impact significatif sur la gestion des flux migratoires dans le monde ? Contribueront-ils à endiguer la criminalité qui prospère sur le dos de ces personnes en détresse ? Nul ne peut se prononcer à ce stade.

Ce qui est certain, c’est qu’il est urgent de lever les amalgames et définir une politique migratoire africaine aux contours bien définis. Rappelons que sur 256 millions de migrants dans le monde, seuls 36 millions (14%) sont africains. 19 millions d'entre eux migrent à l'intérieur même de l'Afrique et seulement 17 millions à l'extérieur du continent. Les migrants africains représentent en outre à peine 0,5% des flux migratoires illégaux dans le monde…

Voici le document complet du Pacte de Marrakech

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