Emplois industriels : Les chiffres de MHE reflètent-ils la réalité ?

En 2018, Moulay Hafid Elalamy a annoncé qu’entre 2014-2017, l’industrie avait créé 288.126 emplois. Dans son annonce de la semaine dernière, il avance pour la même période un chiffre de 311.442 emplois. D’où viennent les 23.316 emplois supplémentaires ? Le ministère explique ces écarts mais ses chiffres restent beaucoup plus élevés par rapport à ceux du HCP...

Emplois industriels : Les chiffres de MHE reflètent-ils la réalité ?

Le 8 avril 2019 à 16h59

Modifié 11 avril 2021 à 2h41

En 2018, Moulay Hafid Elalamy a annoncé qu’entre 2014-2017, l’industrie avait créé 288.126 emplois. Dans son annonce de la semaine dernière, il avance pour la même période un chiffre de 311.442 emplois. D’où viennent les 23.316 emplois supplémentaires ? Le ministère explique ces écarts mais ses chiffres restent beaucoup plus élevés par rapport à ceux du HCP...

Dans un communiqué publié le 5 avril, le ministère de l’Industrie annonce que les objectifs de création d’emploi du Plan d’Accélération Industrielle (PAI) ont été atteints à 81%. Il avance donc que le secteur a créé 405.496 nouveaux emplois entre 2014 et 2018.

Le département dirigé par Moulay Hafid Elalamy adopte une méthode différente de celle du HCP pour comptabiliser les emplois créés.

Le ministère s’est appuyé sur une méthodologie qui se veut "exhaustive", présentée pour la première fois début 2018. "Nous avons listé toutes les entreprises industrielles formelles et nous avons croisé leurs données avec la CNSS pour ressortir les chiffres présentés", expliquait le ministre lors d'une conférence de presse dédiée à la création d'emplois dans le secteur entre 2014 et 2017.  

C’est cette même méthodologie qui a été appliquée cette année encore pour présenter le bilan à fin 2018.

Or, en comparant les chiffres présentés l’année dernière avec ceux avancés cette année, nous constatons d’importants écarts relatifs aux années allant de 2014 à 2017.

Des écarts que Médias24 résume dans le tableau suivant en se basant sur les éléments communiqués par le ministère en 2018 et 2019:

Le ministère évoque une méthode exhaustive basée sur un listing des entreprises industrielles qu’il croise avec les données de la CNSS pour dégager les nouvelles créations d’emplois. Donc comment expliquer les écarts de 2014 à 2017 alors que les chiffres de ces années sont supposés être définitifs ?

Médias24 a contacté le ministère pour avoir des explications. 

"Deux paramètres expliquent ces écarts. Le premier concerne le nombre d'entreprises industrielles recensées qui a connu des modifications et le second est relatif aux régularisations des déclarations d'employés effectuées par la CNSS suite aux opérations d'inspection", nous avance une source autorisée du ministère.

1.248 entreprises de plus dans le périmètre

Sur le premier point, nous explique-t-on, le ministère a cherché à établir les listes d’entreprises les plus exhaustives possible. Ces listes "ont été élaborées avec une approche rigoureuse, en utilisant l’ensemble des sources d’information disponibles : listes du ministère, remontées des délégations, CNSS, Office des Changes, Direction Générale des Impôts. En utilisant ces sources d’information, nous avons identifié de nouvelles entreprises qui n'étaient pas intégrées, ce qui a modifié la population sur laquelle nous réalisons l’extraction des données y compris pour les années antérieures", ajoute notre interlocuteur.

En d’autres termes, le ministère a affiné la liste des entreprises industrielles prise en compte dans l’enquête et a intégré leurs données de création d’emplois relatives aux années 2014 à 2017. Ce qui a induit naturellement une augmentation du nombre d’emplois créés. 

Selon nos informations, le listing adopté en 2019 comprend 8.937 entreprises contre 7.689 en 2018, soit +16,2% ou 1.248 entreprises de plus. 

"Les régularisations de la CNSS sont fréquentes"

La deuxième explication apportée par le ministère réside sur les opérations de redressement et de régularisation opérées par la CNSS suite aux contrôles des déclarations des salariés.

"Les données dans la base de la CNSS évoluent au fil des redressements ainsi qu’avec les déclarations tardives des entreprises. En considérant la taille de la liste des entreprises industrielles (près de 9.000), il y a nécessairement des changements mineurs dans les données", explique notre source.

Il ajoute que "d’après la CNSS, il faut attendre 2 mois pour que les données soient à peu près stabilisées". Donc pour avoir des données fiables au 31/12, il faut réaliser l’extraction après le 5 mars. "Nous avons attendu 3 mois pour extraire nos données", insiste notre source au ministère qui ne s’étonne pas que les données des années antérieures puissent évoluer. 

"Le chiffre définitif des exportations n’est publié par l’Office des Changes que dans la deuxième moitié de l’année. L’Office révise, aussi, au fil des ans les chiffres des exportations pour les années antérieures", ajoute le ministère de l’Industrie en citant cet exemple.

Selon les derniers chiffres communiqués par la CNSS à nos confrères de La Vie éco en décembre dernier, la Caisse a effectué 1.500 missions de contrôle durant les neuf premiers mois de l’année 2018. Ces missions ont permis de régulariser la situation de 35.000 salariés dont 9.000 personnes travaillent dans le textile et l’habillement.

Ce chiffre comprend à la fois les non-déclarations (absence dans les bases de données de la CNSS) et les sous-déclarations (déclaration à la CNSS avec un salaire inférieur à celui perçu réellement par le salarié).

L'écart avec les chiffres du HCP demeure important

La problématique des chiffres de création d’emplois, notamment dans le secteur industriel, persiste. Car de l’avis de plusieurs observateurs, 400.000 nouveaux emplois en 5 ans "ne peuvent rester sans impact sur le taux de chômage qui stagne à près de 10% ou sur le moral des jeunes en quête d’emploi qui est toujours en berne". Mais en même temps, il ne faut pas oublier que le Maroc est au pic de sortie de nouveaux diplômés et qu'une stabilisation du taux de chômage dans ce contexte peut être assimilée à une prouesse. Car cela signifie que les créations d'emplois permettent d'absorber l'équivalent des nouveaux entrants.

Par ailleurs, le chiffre de 400.000 traduit des créations d'emplois brutes. En d’autres termes, il ne comprend pas les destructions d’emplois qui s’opèrent chaque année. 

Le ministère n’a pas communiqué sur les créations nettes à fin 2018. Mais à fin 2017, il avançait une création nette de 82.736 emplois entre 2015 et 2017.

Le HCP présente pour sa part des chiffres différents. Pour la même période, le Haut-Commissariat au plan avance que «le secteur de l’industrie y compris l’artisanat a créé en moyenne 10.000 postes au cours des années 2015 à 2017. Soit 30.000 emplois nets selon le HCP (7.000 en 2017, 8.000 en 2016 et 15.000 en 2015).

Qui plus est, ces nouveaux postes ont été créés principalement par la branche de "textile bonneterie et habillement" et non dans les nouveaux métiers industriels comme l'automobile, toujours selon le HCP.

Le HCP utilise une méthodologie aux normes internationales pour élaborer les statistiques des créations d'emplois. Mais cette méthodologie reste un sondage et l'on voit bien que la dynamique créée par l'industrie automobile par exemple, ne se reflète pas sur les chiffres d'Ahmed Lahlimi alors qu'elle est réelle.

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