Accouchement par césarienne: le bras de fer CNOPS / gynécologues se poursuit

Le bras-de-fer entre la CNOPS et les gynécologues obstétriciens se poursuit. Chaque partie campe sur sa position en l'absence de réaction du ministère de la Santé et de l'ANAM. Plusieurs interrogations sont soulevées, voici des éléments de réponse.

Accouchement par césarienne: le bras de fer CNOPS / gynécologues se poursuit

Le 22 avril 2019 à 18h11

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

Le bras-de-fer entre la CNOPS et les gynécologues obstétriciens se poursuit. Chaque partie campe sur sa position en l'absence de réaction du ministère de la Santé et de l'ANAM. Plusieurs interrogations sont soulevées, voici des éléments de réponse.

Le 16 avril dernier, la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) a publié un communiqué où elle annonce avoir décidé de limiter la prise en charge des accouchements par césarienne aux seuls cas médicalement justifiés. Les césariennes de "convenance" seront, quant à elles, remboursées sur la base d’un accouchement par voie basse.

La décision de la CNOPS a été mal accueillie par la communauté des gynécologues qui ont considéré cela comme une atteinte à leur intégrité professionnelle. Ils ont même accusé la CNOPS d’outrepasser ses prérogatives en prenant cette décision. En réponse à cela, les gynécologues ont décidé de ne plus accepter les prises en charge de la CNOPS à compter du 1er mai prochain.

A l’heure où nous mettons en ligne cet article, les autorités de régulation à savoir l’Anam et le ministère de la Santé ne se sont pas encore prononcées sur la polémique qui risque d'enfler alors que plusieurs questions restent en suspens.

Que dit l'OMS ?

La première des questions est celle relative à la santé des futures mamans et leurs bébés. Qu’est-ce qu’il faut privilégier, la voie basse ou la césarienne ? Qu’est-ce que cela change médicalement parlant pour la patiente et pour le bébé ? 

Les gynécologues marocains sondés par Médias24 estiment qu’il n’y a pas d’indication standard. "Nous ne pouvons pas être sûrs à l'avance de la voie d’accouchement qui sera utilisée", nous explique un gynécologue. "Il va de soi que nous préconisons l’accouchement pas voie basse quand tous les indicateurs sont normaux. Mais malgré cela, nous ne pouvons pas promettre à une patiente à qui on a convenu un accouchement vaginal qu’il n’y a pas de risque de césarienne. Tant que le bébé n’est pas dehors, il y a toujours le risque de césarienne pour diverses raisons comme la souffrance fœtale, les complications en cours d’accouchement, la position du fœtus...", ajoute cet obstétricien 

Mais qu’en dit l’OMS ? Selon une déclaration de l’organisation mondiale sur l’accouchement par césarienne publiée en 2015, "la césarienne peut être indiquée lorsque qu’un accouchement par voie basse comporte un risque pour la mère ou l’enfant, par exemple en cas de prolongation du travail, de souffrance fœtale ou de mauvaise présentation du bébé. Cependant, elle peut entraîner de graves complications et être cause d’invalidité ou de décès, en particulier lorsqu’elle est pratiquée dans une structure ne disposant pas des moyens nécessaires pour garantir la sécurité des interventions ou traiter les complications éventuelles".

A partir de 1985, la communauté internationale de la santé considèrait que le "taux idéal" de césariennes se situe entre 10% et 15% des accouchements. Cela dit, dans sa déclaration de 2015, l’OMS a abandonné l’idée d’un taux cible ou idéal pour les césariennes et souligne "que la priorité doit être donnée aux besoins des patientes, au cas par cas, et décourage la pratique consistant à viser un taux cible particulier". 

L’Organisation internationale insiste sur le fait que "lorsque le taux de césarienne augmente pour s’approcher de 10% sur l’ensemble de la population, la mortalité maternelle et néonatale diminue. Cependant, aucune baisse supplémentaire de la mortalité n’est observée lorsque ce taux dépasse 10%".

En plus, l’OMS relève que "la césarienne est l’une des interventions chirurgicales les plus courantes au monde et que le taux d’accouchement par césarienne ne cesse d’augmenter, en particulier dans les pays à revenu élevé ou intermédiaire". Elle attire aussi l’attention sur ses risques. "Bien qu’elle permette de sauver des vies, il arrive souvent que la césarienne soit pratiquée sans être médicalement nécessaire, risquant alors d’exposer la mère et l’enfant à des problèmes de santé à court, moyen et long termes".

 La CNOPS fait valoir l'article 26 de la loi 65-00

Indépendamment des taux de recours à la césarienne aujourd’hui sujet à controverse, la CNOPS dénonce implicitement les césariennes non médicalement justifiées ou ce qui est communément appelé "césarienne de convenance". Il s’agit du recours à la césarienne à la demande des patientes qui préfèrent ce mode d’accouchement pour des raisons autres que médicales (programmer la date d’accouchement, éviter la douleur et les longues heures de travail…). C’est une pratique courante au Maroc et ailleurs. Il y a aussi les cas où les médecins encouragent le recours à cette méthode d'accouchement.

D’où la décision de la CNOPS datée du 16 avril. Une décision décriée par les spécialistes qui estiment que la CNOPS outrepasse ses prérogatives. La CNOPS a-t-elle le droit de prendre cette mesure ?

"L’article 26 de la loi 65-00 oblige les organismes gestionnaires à faire le contrôle médical", nous répond une source autorisée de la CNOPS. 

En effet, cet article dispose que "les organismes gestionnaires sont tenus d'organiser un contrôle médical ayant pour objet, notamment, de vérifier la conformité des prescriptions et de la dispensation des soins médicalement requis, de vérifier la validité des prestations au plan technique et médical et de constater, le cas échéant, les abus et fraudes en matière de prescription, de soins et de facturation. A cet effet, les organismes gestionnaires sont habilités à désigner des praticiens et des pharmaciens en vue d'assurer le contrôle prévu à l'alinéa précédent. Les praticiens chargés du contrôle médical ne peuvent cumuler la fonction de soins et la fonction de contrôle pour le dossier objet du contrôle".

"La Caisse demande aux médecins de fournir un rapport médical détaillé avec le dossier de remboursement retraçant les conditions qui ont mené à la décision de pratiquer la césarienne.  C’est une procédure pratiquée pour d’autres actes médicaux beaucoup plus complexes comme l’oncologie ou la cardiologie", ajoute notre source qui rappelle que ce rapport était demandé à plusieurs gynécologues selon les cas, mais qu’aujourd’hui la CNOPS a décidé de systématiser et normaliser la livraison du rapport médical. "On ne peut pas confisquer le droit de la CNOPS à demander des justifications pour un acte", ajoute-t-il. 

Le porte-parole de la CNOPS réfute l’accusation selon laquelle la Caisse s’adjuge des prérogatives régaliennes de l’ANAM et du ministère de la santé. "Nous n’avons jamais donné d'indications médicales. Nous n’avons jamais demandé à ce que telle ou telle indication soit adoptée. Car c’est du ressort de la santé. Nous demandons de présenter les justifications médicales pour des actes qui ont déjà eu lieu", insiste-t-on auprès de la CNOPS. 

A l’heure où nous mettons en ligne cet article, ni le ministère de la santé ni l’ANAM ne se sont prononcés sur le sujet. 

La CNOPS, se son côté, maintient sa position. "Si la césarienne est justifiée médicalement, nous remboursons. Si elle est faite à la demande de la patiente qui préfère l’acte chirurgical pour des raisons de confort personnel, cette dernière doit assumer financièrement ce choix en payant la différence. La CNOPS n’est tenue de payer que ce qui est médicalement justifié, donc nous la remboursons sur la base du tarif de la voie basse".

Les gynécologues ont le droit de sortir de la convention de l'AMO

Suite à cette décision, les médecins ont décidé de ne plus accepter les prises en charge de la CNOPS pour les césariennes. Ont-ils le droit de le faire ?

Selon la convention nationale de l’Assurance maladie obligatoire qui régit les relations entre les organismes gestionnaires, les médecins et les établissements de soins et qui fixe la tarification nationale de référence, "tout médecin qui ne désire pas adhérer à la convention nationale, doit en faire déclaration à l'Agence nationale de l'assurance maladie, aux organismes gestionnaires et à son organisation professionnelle, lorsqu'elle existe. La déclaration de non-adhésion adressée à l’une des parties vaut déclaration à l’ensemble des parties à la présente convention. Afin d’informer les assurés sur l’état du conventionnement du médecin ou de l’établissement de soins, ce dernier affichera son adhésion ou non-adhésion à la convention nationale de manière visible pour l’assuré. La déclaration de la non-adhésion à la convention nationale est faite conformément au modèle annexé à la présente convention".

Contacté par Médias24 pour savoir si cette démarche a été entreprise par les gynécologues, le président de l'Association Marocaine des Gynécologues Privés (AMGP), Said Lazraq n’était pas joignable.

Ce que risquent les assurés

Jusque-là, les patients pris en charge par la CNOPS ne payaient que la différence entre la base de remboursement et le tarif payé à la clinique. Si les gynécologues exécutent leur menace, les assurés du secteur public ne pourront plus compter sur la prise en charge dans les cliniques et devront donc s'acquitter du montant total de la prestation de soin à la clinique et déposer le dossier de remboursement à la CNOPS.

Mais cela n'exempte pas les patients d'avoir le rapport médical demandé par la CNOPS. "Quel que soit le mode (tiers-payant ou remboursement du patient), tout dossier de césarienne doit comporter le rapport médical qui explique les raisons médicales du recours à la césarienne", nous explique le porte-parole de la CNOPS.  

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