Ouvrir un commerce dans un mall, est-ce toujours une bonne affaire ?

Les malls se multiplient dans les grandes villes. Au delà de l’engouement des investisseurs pour le développement de centres commerciaux, les enseignes qui décident de s'y implanter font-elles toujours une bonne affaire? Eléments de réponse.

Ouvrir un commerce dans un mall, est-ce toujours une bonne affaire ?

Le 18 mai 2019 à 20h31

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

Les malls se multiplient dans les grandes villes. Au delà de l’engouement des investisseurs pour le développement de centres commerciaux, les enseignes qui décident de s'y implanter font-elles toujours une bonne affaire? Eléments de réponse.

Depuis quelques années, les centres commerciaux fleurissent dans les grandes villes, redéfinissant l’expérience shopping du consommateur marocain.

Le pays compte désormais 16 centres commerciaux ; le plus récent est le Marina Shopping Center qui a ouvert ses portes à Casablanca peu avant Ramadan. Ce développement n'a pas été sans tracas pour ces malls, dont certains ont été acculés à revoir leur positionnement initial.

Ce qui est certain, c’est que ces centres commerciaux ont permis à plusieurs marques internationales de prendre pied au Maroc et de professionnaliser l’activité de plusieurs enseignes nationales. Mais dans quelle mesure l’installation dans un mall est bénéfique pour les marques qu’elles soient locales ou internationales?

Médias24 a sondé deux experts: une spécialiste de la gestion des centres commerciaux et le patron d'une enseigne d'habillement présente dans plusieurs malls du Royaume.

La conclusion est que l'implantation d'une marque dans un centre commercial n'est pas systématiquement une bonne affaire. Un mall peut générer un bon flux d'affaires, à condition qu'il ait un positionnement clair et bien réfléchi, qu'il offre des services annexes et que sa gestion soit professionnelle.

En face, l'activité du commerce doit être gérée de manière professionnelle, suffisamment rentable pour supporter les coûts de location et adaptée aux spécificités des centres commerciaux.

Equilibrer les intérêts, devenir partenaires

Selma Belkhaya est une experte en création de destinations commerciales et directrice d'AMS Africa, la société gestionnaire d’Anfa Place depuis 2016.

Pour elle, "ouvrir dans un mall est dans l’absolu rentable pour la simple raison que dans cet espace, il existe un flux de visiteurs qu’on ne peut pas trouver ailleurs avec le même prix de location proposé par les centres commerciaux".

Mais le flux de visiteurs dépend de la stratégie de chaque mall. Certains n'ont pas pu satisfaire les besoins des marques installées.

Ce qui fait dire au patron de la marque d'habillement sondé, qui préfère garder l'anonymat, que l’équation n’est pas aussi simple. "Il faut que la marque ait une expérience retail suffisante pour choisir le bon mall, le bon emplacement à l'intérieur et la surface adéquate. Mais surtout, elle doit réussir à obtenir les bonnes conditions économiques pour être rentable. C’est la clé de réussite et c’est notre retour d’expérience à ce sujet".

Il semble difficile d’aboutir à un équilibre entre les besoins de la marque et les exigences du mall en matière de partage de valeur. "D'où la nécessité de développer des partenariats entre la marque et le mall", estime le responsable de cette marque.

Quelques conditions à remplir

La marque doit remplir certaines conditions pour garantir sa réussite. "Quand on dit installation dans un mall, on parle d'ouvrir un point de vente structuré, dans la mesure où il y a des horaires d’ouverture qui sont beaucoup plus longs que dans un magasin dans la rue. Cela implique donc une gestion adaptée et professionnelle.

"A cela s’ajoute la capacité de la marque à proposer à la vente un volume critique d'articles pour être rentable", affirme Selma Belkhayat.

Par ailleurs, les marques qui ont le bon produit au bon prix et le commercialisent au bon moment rencontrent automatiquement un certain succès. Autrement dit, les enseignes qui réussissent vendent les mêmes produits (ou tendances, ndlr) que ceux vendus à international, sans qu’il y ait un écart de prix important ou un grand décalage de période de vente», note Selma Belkhayat.

Selon la spécialiste, Le consommateur est aujourd’hui averti et digitalisé. La "non performance" de certaines marques est expliquée par l’inadéquation de leur offre par rapport aux exigences d’un consommateur.

Ce constat est à nuancer. Et pour cause, les malls ont assisté à plusieurs départs de marques internationales et structurées. Ils doivent donc également remplir plusieurs conditions pour accompagner l’activité des marques installées.

Il faut notamment disposer d'un plan merchandising bien étudié, notamment pour les marques d’habillement. Parmi les griefs de quelques marques ressort l’absence de cohérence dans le positionnement de certains Malls qui n’arrivent pas à être suffisamment attractifs pour les clients : installation de marques de segments inadaptés, faible complémentarité, absence de produits pour les grands générateurs d'achats comme les femmes et les enfants...).

Deuxième élément nécessaire, la présence de services hors retail attractifs, tels que la restauration, les activités de loisirs, les airs de jeux pour enfants…

Autre facteur important, la gestion. "La gestion d’un mall est un métier assez nouveau au Maroc. Nous l’avons compris à travers nos différentes installations dans plusieurs malls. Il y a des centres commerciaux qui ont appris rapidement le fonctionnement de cette activité, d’autres se sont beaucoup améliorés et leurs marques sont très satisfaites. Puis, il y a des acteurs pour qui il est plus compliqué de satisfaire les besoins des enseignes. D’ailleurs, notre degré de satisfaction de l’activité de nos boutiques diffère d’un centre commercial à l’autre".

Selma Belkhaya abonde dans le même sens: "Nous avons des enseignes qui exigent un bon service et un accompagnement, deux ingrédients qui ne sont pas toujours offerts. Aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de malls dont la gestion est externalisée et donc le fonctionnement ne respecte pas toujours le modèle international. A Anfa Place, on est passé par des moments difficiles, mais aujourd’hui nous sommes très proches des marques et on réussit à lancer des opérations communes en s’inscrivant dans une forme de partenariat".

Donc si le centre commercial peine à afficher un positionnement clair, à agrémenter son offre par des services annexes et à assurer une gestion professionnelle, les conditions économiques peuvent se révéler insoutenables pour la marque, notamment le loyer qui devient très élevé par rapport au chiffre d’affaires réalisé.

Des loyers très variables

La réussite dépend ainsi, entre autres, de la contrepartie du loyer payé. "Le loyer est très variable d’un mall à un autre et, dans un même centre commercial, d’un emplacement à un autre. Chaque mall a ses grilles tarifaires et ses politiques de prix. Nous sommes sur des fourchettes de prix assez importantes. A titre d’exemple, pour un magasin de 150 m2, le prix de location va varier entre 15.000 et 80.000 DH par mois, hors charges", souligne ce le patron de la marque d'habillement.

Il est à noter que les malls optent aujourd’hui davantage pour la formule location. Si la formule "pas-de-porte" était répandue dans le passé, elle est désormais de plus en plus rare parce que les acteurs refusent de payer un ticket d'entrée élevé sans garantie de la réussite du mall.

Ce constat est confirmé par Selma Belkhayat: "La plupart des centres font, aujourd’hui, de la location pure. Certains exigent toujours des pas-de-porte, mais cette option rend complexe la gestion du mall car on traite avec des "propriétaires". Les actions communes sont beaucoup plus difficiles à mettre en place par rapport à une gestion unifiée".

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