Services publics en ligne: les lacunes relevées par la Cour des comptes

La Cour des comptes a évalué les services publics en ligne au Maroc. Voici ses principales observations et recommandations aux pouvoirs publics concernés.

Services publics en ligne: les lacunes relevées par la Cour des comptes

Le 20 mai 2019 à 14h29

Modifié 11 avril 2021 à 2h42

La Cour des comptes a évalué les services publics en ligne au Maroc. Voici ses principales observations et recommandations aux pouvoirs publics concernés.

La Cour des comptes a rendu public, lundi 20 mai, un rapport sur les services publics en ligne. Ce rapport fait suite à celui publié par la cour en septembre 2014 sur la stratégie Maroc Numeric 2013 (MN 2013) dont la mise en œuvre des services publics en ligne orientés usagers a constitué un des axes prioritaires.

L’intérêt de ce sujet vient du besoin des usagers de ce type de services rapprochant et facilitant leurs interactions avec l’administration, au moment où l’accès des ménages à internet connait une forte évolution, passant de 25% en 2010 à 70% en 2017, selon les statistiques de l’Agence nationale de réglementation des télécommunications (ANRT).

Durant cette même période, des avancées notables en matière des services en ligne ont également été réalisées dans certains domaines tels que les impôts, la douane et le commerce extérieur ainsi que la conservation foncière.

Dans cette mission d’évaluation, la cour a examiné la disponibilité en ligne et la maturité des principaux services, ainsi que les aspects de la gouvernance, de la communication et du suivi de l’évolution des services en ligne et de leur niveau d’utilisation. Parmi les aspects traités également, il y a celui de l’ouverture de données publiques (Open Data), vu l’importance de ce sujet pour les usagers et pour l’administration elle-même.

Du point de vue méthodologique, l’évaluation de la disponibilité en ligne et de la maturité des principaux services s’est basée principalement sur le benchmark de l’e-gouvernement réalisé annuellement par la Commission européenne.

Principales observations

> Classement international et impact des facteurs du capital humain et de l’infrastructure:

Le Maroc a atteint en 2014 son meilleur niveau dans le classement des Nations unies sur les services en ligne durant la période 2008-2018. En effet, sur un total de 193 pays, il est passé du 115e rang en 2008, au 30e rang en 2014. Toutefois, cette évolution positive ne s’est pas inscrite dans la durée, et le Maroc a régressé au 78e rang en 2018.

En ce qui concerne les deux autres composantes du classement des Nations unies sur l’e-gouvernement, à savoir le capital humain et l’infrastructure IT, le niveau du Maroc n’a pas beaucoup évolué et a demeuré dans des niveaux bas du classement mondial: 104e dans l’infrastructure IT et 148e dans le capital humain. Ceci constitue une entrave à une large utilisation des services en ligne développés par les secteurs publics.

> Niveau de maturité contrasté de certains services clés:

La comparaison avec les pays de l’UE, effectuée sur un panier de 15 services importants, montre que le Maroc réalise de bons niveaux de maturité sur 8 services, dont les services liés aux impôts (IR, IS et TVA) et aux droits de douane. En revanche, les 7 autres services restent loin de la moyenne européenne dans leurs niveaux de maturité, notamment ceux relatifs à la demande de documents personnels, l’immatriculation des voitures, l’immatriculation des sociétés et la transmission des données statistiques des sociétés à l’organisme chargé des statistiques.

> Disponibilité en ligne insuffisante des services des événements de vie:

En s’inspirant du benchmark européen, la cour a examiné la disponibilité en ligne des services d’une sélection de six événements de vie, considérés comme couvrant des domaines parmi les plus courants de services publics pour le citoyen et l’entreprise, à savoir :

- La perte et la recherche d’un emploi ;

- L’entame d’une procédure courante de plainte ;

- La possession et la conduite d’une voiture ;

- La poursuite d’études dans un établissement d’enseignement supérieur ;

- La création d'une entreprise et la réalisation de ses premières opérations ;

- La réalisation des opérations régulières de l’entreprise.

Sur cet aspect, la cour a relevé que, pour chaque événement de vie, certains services de base ne sont pas disponibles en ligne au Maroc, alors qu’ils le sont dans de larges proportions chez les pays européens.

> Retard dans l’adoption d’un plan stratégique et d’un cadre efficace de gouvernance:

Depuis l’arrivée de la stratégie MN2013 à son terme, le Maroc a tardé à se doter d’une stratégie numérique avec des objectifs détaillés et des indicateurs de performance. De plus, les comités de coordination institués dans le cadre de la stratégie MN2013 ont arrêté leurs réunions depuis lors, et ce n’est qu’en 2017, qu’un nouveau cadre de gouvernance a été institué avec l’adoption de la loi n°61-16 portant création de l’Agence de développement du digital.

La cour a relevé également qu’en matière de développement de l’administration électronique, le rôle du ministère en charge de la modernisation de l’administration n’est pas suffisamment clarifié et prête à confusion avec celui du ministère en charge de l’économie numérique. De ce fait, le développement de l’administration électronique demeure partagé entre les deux ministères.

> Faible degré d’ouverture des données publiques (Open Data):

Le secteur public dispose d’informations d’une grande valeur, notamment les données non personnelles (géographiques, démographiques, statistiques, environnementales etc.). La publication digitalisée de celles-ci, dans un format facilement exploitable, permettrait aux usagers, notamment les PME du secteur digital, et à l’administration elle-même, de développer de nouveaux produits et services innovants.

Sur cet aspect, la cour a relevé l’absence d’un document publié sur la politique ou stratégie en la matière, et qu’aucun document ne spécifie les jeux de données à publier, les formats à utiliser ou les licences à appliquer.

L’ouverture des données publiques a également été impactée par le retard dans l’adoption de la loi n°31-13 relative au droit d’accès à l’information qui n’a eu lieu qu’en mars 2018.

La cour a également noté que les données les plus importantes, répondant aux besoins des citoyens, ne sont pas publiées selon les normes reconnues mondialement dans ce domaine.

Principales recommandations

Sur la base de cette évaluation, la Cour des comptes a recommandé aux pouvoirs publics concernés de:

- Développer une stratégie numérique détaillée et procéder à sa diffusion en veillant à l’intégration des principaux projets de services en ligne des différents départements, afin d’assurer une cohérence d’ensemble ;

- Repenser la gouvernance globale des services publics en ligne et plus particulièrement la relation entre l’Agence de développement du digital et les différents départements, notamment ceux en charge de la fonction publique et de l’intérieur ;

- Mettre le citoyen au centre des services publics et focaliser les efforts sur les services en ligne les plus demandés. Pour cela, il convient d’adopter une approche par "événements de vie", retraçant l’ensemble du parcours de l’usager ;

- Introduire, par une démarche volontariste, la réalisation automatisée par l’administration, des services aux usagers, sans la conditionner par une demande préalable.

A ce titre, il convient de rattraper le retard dans la mise en œuvre du projet de la Gateway gouvernementale et de fixer des échéances pour un basculement vers "le tout numérique";

- Inciter les collectivités territoriales, à travers des mécanismes d’appui financier et technique adéquats, à s’investir davantage dans le déploiement des services en ligne, en veillant à leur bonne intégration dans les stratégies numériques nationales ;

- Adopter une politique d’ouverture des données (Open Data) visant à instaurer ce concept comme un objectif durable et accorder la priorité à l’ouverture des données en relation avec les besoins réels des usagers, et à leur publication dans des formats informatiques adéquats ;

- Améliorer la communication autour des services en ligne, en particulier à travers le portail "service-public.ma" en veillant à ce que son contenu soit exhaustif, fiable et régulièrement actualisé, et étudier la possibilité de transformer ce portail en un point d’entrée unique à l’ensemble des services en ligne ;

- Et finalement, améliorer la qualité du suivi de l’évolution des services en ligne en y intégrant notamment les aspects qualitatifs, et faire des évaluations régulières du degré d’utilisation de ces services et de leur impact sur l’usager et sur l’administration.

Rapport 2019 relatif aux Services publics en ligne

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