Marché de l’immobilier: Casablanca gagnée par l’attentisme

Un déséquilibre entre l'offre et la demande, une stagnation du pouvoir d'achat, le marché se cherche et l'attentisme s'installe. Décryptage.

Marché de l’immobilier: Casablanca gagnée par l’attentisme

Le 16 septembre 2019 à 9h45

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

Un déséquilibre entre l'offre et la demande, une stagnation du pouvoir d'achat, le marché se cherche et l'attentisme s'installe. Décryptage.

A Casablanca, les prix de l’immobilier résidentiel, neuf ou récent, ont augmenté durant ces quatre dernières années. Ceci est la perception du consommateur. Par ailleurs, les promoteurs, eux, parlent d’une baisse des prix, d’une stagnation du marché, voire d’une crise.

Médias24 a contacté des notaires, des promoteurs et un cabinet spécialisé dans les transactions immobilières.

"Crise visible" (notaire)

Un cabinet de notaire spécialisé dans l’immobilier nous confirme qu’il n'y a pas beaucoup de transactions sur le marché. Pour lui, "la crise est visible et pesante. Une grande partie des transactions ont lieu, soit parce qu'elles étaient prévues bien avant et ne font que se dénouer, soit parce que le promoteur avait besoin de vendre rapidement pour des besoins de trésorerie".

Un autre notaire estime que les acheteurs et les promoteurs ont des positions divergentes:

- Le vendeur estime que le marché va finir par remonter. Il anticipe une hausse à venir et demande plus que le prix du marché. Sinon, il préfère attendre.

- L’acheteur estime que les prix finiront par baisser.

Le vendeur anticipe une hausse. L’acheteur espère une baisse. Les deux préfèrent attendre.

Ralentissement des ventes

Même son de cloche auprès de William Simoncelli, directeur général de Carré Immobilier: "Il y a un ralentissement des rythmes de vente. La crise est là. Les taux de vente se sont divisés en deux depuis 2015. Le rythme a fortement baissé, jusqu’à 75 à 80%. En moyenne, aujourd’hui, on vend moins d’un appartement par jour !"

Pour cet expert, les raisons sont multiples. D’une manière générale, et du point de vue macro-économique, l’économie nationale est actuellement en ralentissement. Ajoutez à cela la nature du produit qui ne correspond plus toujours à la demande du consommateur en termes de prix, de dimension et de localisation,… Les besoins ont changé, la demande aussi.

Les programmes en périphérie sont parfois un vrai échec. A Dar Bouazza par exemple, il y a beaucoup d’autorisations de construction, des projets sont à l’arrêt, et une partie des promoteurs n’arrivent pas à vendre. C’est trop cher pour le Marocain d’autant plus que les infrastructures et les équipements ne suivent pas la cadence des constructions.

Simoncelli pointe du doigt les promoteurs qui ne réalisent pas des études de marché préalables pour connaître les besoins actuels des Marocains.

Le tableau aujourd’hui est comme suit: des besoins non satisfaits, car l’offre est inadaptée, et des prix trop élevés qui ne donnent pas l’impression de baisser. Pourtant, notre interlocuteur affirme bien qu’on assiste à "une légère baisse de la valeur du mètre carré", mais qui n’est pas forcément ressentie.

Les prix avancent sans direction claire

La grande question est la suivante: les prix vont-ils baisser ? "Oui, mais on ne sait pas quand, il faut être patient", assure William Simoncelli.

Selon le dernier indice immobilier de Bank Al Maghrib, les prix du résidentiel ont augmenté de 0,7% au cours du deuxième trimestre 2019 dans la région de Casablanca.

En moyenne, les prix dans la métropole se sont accrus de 1,4% entre T1 et T2 de 2019:

- Hausse de +0,7% pour le résidentiel.

- Hausse de 8% pour le foncier.

- Les prix des biens à usage professionnel ont stagné.

En parallèle, les ventes ont:

- augmenté de 4,4% pour les biens résidentiels; 

- baissé de 2% pour les terrains;

- baissé de 14,6% pour les biens à usage professionnel.

"Le référentiel ne correspond plus à la réalité des prix pratiqués"

Entre la pratique sur le marché et le référentiel des prix, il y a une certaine différence, accusent certains de nos interlocuteurs.

Prenons l’exemple du quartier de Beauséjour, dans l’arrondissement de Mâarif. Le prix au m2 selon le référentiel de la DGI est de 16.000 DH pour le neuf. Médias24 a constaté que dans certains endroits du même quartier, des promoteurs proposent des appartements à 18.000 DH le m2 ! "Le référentiel des prix n’est pas respecté sur le marché. Il y a une véritable anarchie dans le secteur", commente un professionnel de la place. "A Beauséjour, le m2 est à 16.000 DH dans le référentiel, il est impossible pour moi de vendre à ce prix. Je propose  des appartements de haut standing avec des équipements de très bonne qualité. A ce prix-là, je suis perdant", ajoute-t-il.

Rappelons que les prix figurant dans le référentiel sont déterminés sur la base de la moyenne des prix en vigueur par zone et par consistance. Ils sont cités à titre indicatif pour servir de base pour le calcul des droits et taxes susmentionnés et ne constituent en aucun cas une évaluation directe d’un bien immobilier.

La dernière mise à jour du référentiel de Casablanca date de juillet dernier. Comme toujours, le référentiel est critiqué, certains le trouvant plus élevé que le marché et d’autres plus cher. 

Le diagnostic de Youssef Iben Mansour

Iben Mansour, opérateur connu dans le secteur, confirme tout ce qui précède. Il en fait même la synthèse. Il y a un effet ciseau entre, d’un côté, le faible pouvoir d’achat des consommateurs, et de l’autre, le manque de régulation au niveau d’un marché dicté par l’offre et la demande.

Plusieurs forces contradictoires agissent sur ce marché :

- Dans la région, "l’offre a augmenté considérablement au cours des dernières années". L’offre est supérieure à la demande maintenant.

- "La clientèle solvable a un choix vaste devant elle".

- Les segments de clientèle qui ont encore besoin de logements ne sont pas tous solvables.

- Ceux qui sont solvables pour un standing, il leur arrive d’avoir des aspirations plus élevées mais l’offre est trop chère.

- Il y a donc "un déséquilibre entre l’offre et la demande".

Si l’on regarde le marché segment par segment, M. Iben Mansour fait les observations suivantes :

- Logement social. La clientèle solvable existante est servie elle est déjà en majorité propriétaire. La preuve, c’est qu’il existe des stocks invendus dans la plupart des programmes. Mais dans ce segment, il existe deux autres catégories : la catégorie non satisfaite parce que non solvable. Elle ne peut pas payer une échéance de 1.000 DH par mois ni même 500 DH. On va les retrouver dans les bidonvilles. Et en deuxième lieu, la catégorie solvable à venir, car le phénomène de "littoralisation du Maroc" va s’accentuer dans les prochaines années. Il faut donc penser à cet avenir-là.

- La classe moyenne. Il n’existe pas facilement sur le marché une offre qui satisfait ses aspirations. Elle se retrouve dans les centres urbains, avec un logement d’un certain standing et d’une certaine superficie, pour un prix situé entre 800.000 et 1.200.000 DH. Notre interlocuteur ajoute que les couches moyennes souffrent énormément dans leur pouvoir d’achat et l’Etat ne fait rien pour elles. Elles supportent en plus le poids de l’éducation de leurs enfants.

Iben Mansour pense que l’Etat peut et doit intervenir dans ce domaine au profit de ces ménages. Par exemple, "en réduisant la charge foncière dans le prix de revient global du logement". Laminé dans son pouvoir d’achat, le ménage moyen a l’impression que les logements deviennent inaccessibles.

- Pour ce qui concerne le haut standing et le luxe, notre interlocuteur décèle une hausse à la suroffre, par exemple au niveau des programmes intégrés de villas.

Notre interlocuteur conclut en attirant l’attention sur la fin des exonérations fiscales en 2020 et les conséquences que cela peut avoir à moyen terme. "Il faut éviter un renchérissement du social" et ne jamais oublier que "le logement est un instrument de la paix sociale". Enfin, "la production du logement est un sacré moteur de la croissance économique". On en a donc bien besoin en ce moment.

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