Conjoncture. L’attentisme plombe l'économie marocaine

Cette rentrée économique se fait sans grand élan tout en sachant qu’elle est à grands enjeux. Deux semaines sont déjà passées, et l’attentisme, fléau insurmontable de notre économie, est bien installé.

Conjoncture. L’attentisme plombe l'économie marocaine

Le 17 septembre 2019 à 18h16

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

Cette rentrée économique se fait sans grand élan tout en sachant qu’elle est à grands enjeux. Deux semaines sont déjà passées, et l’attentisme, fléau insurmontable de notre économie, est bien installé.

Les chiffres de l’économie en sont une preuve suffisante. Depuis le début de cette année, le terme qui revient le plus souvent est "ralentissement", le principal symptôme de l’attentisme qui frappe notre économie.

Ralentissement de la croissance. En 2018, le PIB n’a progressé que de 3%. Cette année encore, la croissance ne va pas dépasser cette barre: le HCP prévoit une croissance de 2,7%, Bank Al Maghrib table sur un taux de 2,8%.

Ralentissement de la consommation. Au premier semestre 2019, les dépenses de consommation des ménages n’ont crû que de 2,9% après 3,2% l’année précédente. L’impact serait dû à la baisse des transferts des MRE, le recul des importations de produits finis de consommation et la baisse de la valeur ajoutée agricole.

Ralentissement des dépôts. Les dépôts bancaires n’ont crû que de 2,9% en 2018, moins vite que les crédits (+3,3% hors affacturage du crédit TVA). Le cash qui sort du système bancaire augmente à un rythme inquiétant. Risque sur le financement de l'économie.

Ralentissement des exportations. Celui-ci est dû au tassement des exportations automobiles et des ventes de phosphates et dérivés et à la baisse des exportations du textile et du cuir.

Les perspectives ne sont pas fort meilleures

Alors que l’on s’attendait à grand coup de fouet lors de cette rentrée, c’est l’encéphalogramme plat, ou presque. Car tous les regards sont rivés sur le gouvernement, et le remaniement considéré comme imminent. Et ce ne sont pas les hommes d'affaires qui diront le contraire. 

"Quelle rentrée ? Il n'y a pas encore de rentrée !", nous répond un homme d'affaires respecté, président d'une association professionnelle de poids.

Youssef Alaoui, président de la FISA estime pour sa part que c'est une rentrée "calme" en termes d'activité. "Je pense qu'une croissance de 3% n'est pas suffisante pour créer des emplois. Je ne vais vous parler de gouvernance, ni de visibilité... On doit faire abstraction de ces notions, car le vrai indicateur c'est le nombre d'emplois créés", avance-t-il. 

Quand à Hassan Sentissi, acteur important dans le secteur de la pêche et président de l'ASMEX, il nous déclare : "Tout est à l'arrêt jusqu'à ce que les instructions de Sa Majesté soient appliquées". Référence faite au remaniement annoncé par le Roi Mohammed VI lors de son dernier discours. 

Même son de cloche de la part de Abdelkader Boukhriss, président de la commission climat des affaires à la CGEM. "Sincèrement, la rentrée de cette année est un peu calme par rapport aux autres années pour plusieurs raisons. Nos partenaires traditionnels, notamment l’Europe, ne se portent pas bien. Forcément nos opérateurs orientés vers l’international n’ont pas de visibilité. On vient de sortir d’une mauvaise récolte agricole impactant la demande notamment dans le monde rural. Sur le volet politique, nous avons une rentrée perturbée avec ce remaniement que tout le monde attend. Il y a donc de l’attentisme", expose-t-il

Tant que l’annonce de la nouvelle composition de l'exécutif ne s’est pas encore faite, les acteurs préfèrent jouer la prudence, sauf pour certains secteurs où l'attentisme peut être synonyme de perte de parts de marché. C'est le cas par exemple du secteur de grande consommation. 

"Nous sommes des investisseurs perpétuels, on déroule nos plans indépendamment de la rentrée ou des événements. La concurrence dans ce secteur est si intense qu'elle ne nous donne pas le temps de nous arrêter et de nous attarder…", nous explique un important acteur du secteur. 

Ce même acteur concède par ailleurs que la demande n'est pas au meilleur de sa forme. "Cette rentrée est marquée par une demande molle. Il y a même un recul sur certain segments notamment des biens durables (électroménagers, automobiles...)", nous confie-t-il.  

L’attentisme, une maladie chronique ?

Même s'il y a fort à reprocher au gouvernement actuel, il faut reconnaître à Saâdeddine Elotmani, plusieurs réalisations notamment sur le volet législatif. Des dossiers importants ont enregistré des avancées majeures : le remboursement de la TVA, le dialogue social, l’AMO des indépendants, loi-cadre sur l’Education, le conseil des langues, les Soulalyates…

C’est ce qui fait dire au chef du gouvernement, lors de son intervention à l’Université d’été de la CGEM, le 14 septembre dernier, "qu’il faut arrêter de s’auto-flageller. On doit prendre conscience que plusieurs choses ont été réalisées, mais en même temps, il y a encore des choses à faire".

Le chef du gouvernement s’est attardé sur le dossier du remboursement de la TVA rappelant que sur 40 MMDH d’arriérés, 33 MMDH ont été remboursés. De l’argent frais injecté sur le marché et qui "aurait dû booster l’économie marocaine". Ce ne fut pas le cas.

Et au chef de l’exécutif de réitérer son appel à la confiance pour la énième fois devant le parterre des hommes d’affaires : "Mon dernier message est qu’il faut garder confiance. Il faut avoir confiance dans notre pays, en SM le Roi qui a une vision et qui supervise les grands chantiers afin de supprimer les obstacles et les résistances,… Il faut aussi s’entraider. Il n’y a aucune réforme stratégique qui peut aboutir sans l’entraide entre les différents partenaires…".

C’est d’ailleurs le débat qui anime la scène depuis des mois. Qu’est-ce qui explique le ralentissement économique qui marque cette dernière décennie ? Car, l'attentisme nous le vivons depuis des années comme le résume bien, un banquier de la place. "Je vous oriente vers les chiffres du secteur. Croissance des crédits hors effet des crédits de TVA, croissance des dépôts avec la perspective historique, croissance de la monnaie fiduciaire (le cash). Vous trouverez des tendances plus longues depuis quelques années", commente-t-il. 

Une question à laquelle nous avons consacré plusieurs articles avec des experts de plusieurs bords. Et les réponses varient entre les explications conjoncturelles et celles plus profondes ou structurelles.

Mais au final, tout tourne autour de trois éléments : la confiance, la visibilité et la vitesse.

"On n’est pas si mal que ça, mais ça peut aller beaucoup mieux. Je ne veux pas trop m’attarder sur les raisons du ralentissement économique, car j’ai l’impression qu’on tient le même discours depuis des années", nous disait un homme d’affaires en juillet dernier.

"Ce que je veux pointer en revanche, c’est le décalage entre le discours politique et la réalité du terrain. Je ne parle pas de grandes réformes, mais de choses du quotidien qui pèsent sur l’activité économique. On a mis certes des choses sur les rails, mais la mise en œuvre est très lente", poursuit-il, exemple à l’appui.

"Prenons juste le cas des légalisations. On nous dit que la procédure est devenue plus souple, qu’on peut certifier nos documents dans n’importe quelle administration, mais la réalité est autre".

C’est là, peut-être, un début d’explication.

Le chaînon manquant qui freine l’avancée du pays serait le décalage entre les décisions prises par le pouvoir central et leur implémentation réelle sur le terrain.

L’information prend un temps considérable pour franchir les différents niveaux hiérarchiques que la mise en œuvre s’en trouve impactée et il en résulte une rupture de confiance. Le scénario se répète à l’infini dans un cercle vicieux qui prend notre avenir en otage.

>> Lire aussi : Situation économique: C'est le retour de l'attentisme

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