Compensation: les détails sur la couverture des prix du gaz

Le recours aux mécanismes de couverture permettra à l'Etat de sécuriser l'économie de 2,5 MMDH réalisée sur le budget de la compensation d'ici fin 2019 et de rassurer les organismes internationaux sur la maîtrise du déficit budgétaire. 

Compensation: les détails sur la couverture des prix du gaz

Le 28 octobre 2019 à 17h17

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

Le recours aux mécanismes de couverture permettra à l'Etat de sécuriser l'économie de 2,5 MMDH réalisée sur le budget de la compensation d'ici fin 2019 et de rassurer les organismes internationaux sur la maîtrise du déficit budgétaire. 

Le gouvernement cherche à maîtriser ses différentes charges pour dégager des moyens financiers à employer dans les réformes urgentes dans lesquelles le pays est engagé et contenir son déficit budgétaire. 

Lors de la conférence de presse de présentation du PLF2020, Mohamed Benchâaboun a expliqué que le gouvernement a consenti un effort de maîtrise des dépenses notamment celles de la compensation.

« Pour la première fois au Maroc, nous avons procédé à la couverture des prix du gaz au deuxième semestre ce qui permet de maîtriser la compensation et de gagner d’ici la fin de l’année près de 2,5 MMDH par rapport à ce qui a été prévu dans la loi de Finances », avance le ministre de l’Economie et des Finances.

La Loi de Finances 2019 avait programmé une enveloppe de 17,67 MMDH au titre de la compensation, destinée à soutenir les prix du gaz butane, du sucre et de la farine nationale de blé tendre.

Sur cette enveloppe, plus de la moitié est consacrée à la subvention des prix des bonbonnes de gaz. Selon le rapport de la compensation publié en marge de la publication du PLF2020, la charge prévisionnelle relative au soutien des prix du gaz butane, du sucre et de la farine de blé tendre s’établirait à 11,2 MMDH au titre de la période janvier-septembre 2019, dont 7,4 MMDH relatifs au gaz butane. Par conséquent, les cours internationaux du gaz marqués par leur volatilité sont suivis de près, car toute envolée impacterait négativement les caisses de l’Etat.

La volatilité des cours, une menace sur le budget

C’est justement ce qui s’est passé en 2018. « Nous avons terminé 2018 avec un dérapage du déficit budgétaire lié, entre autres raisons, aux charges de compensation du gaz butane », nous explique une source autorisée au ministère de l’Economie et des Finances.

Dans les hypothèses du projet de loi de Finances pour 2018, le gouvernement avait prévu une dépense de la compensation de 13 MMDH tablant sur un cours moyen du gaz butane à 380 $US la tonne. L’année s’est terminée avec un cours moyen de 522$ la tonne.

Ce glissement avait impacté le déficit budgétaire mais aussi la notation du Maroc à l’international. En octobre 2018, S&P avait révisé à la baisse la perspective de la note souveraine du Maroc de "stable" à "négative". L’agence de notation a expliqué sa décision par le fait que « le gouvernement s’éloigne de manière significative de son objectif de déficit budgétaire de 3% du PIB en 2018, en raison d’une croissance moins élevée que prévue et de tensions budgétaires plus fortes ».

S'il perd son "investment grade" ("BBB-" à long terme et "A-3"à court terme), le Maroc empruntera plus cher sur le marché international.

« Pour ne pas vivre le même scénario qu’en 2018, nous avons décidé de recourir aux couvertures (hedging) et éliminer les risques de dérapages du budget de la compensation », explique notre source auprès du ministère de l’Economie et des finances.

Il s’agit là du même mécanisme opéré en 2013 pour couvrir les prix du pétrole au moment de l’indexation des prix des hydrocarbures.

Dans les fais, l’opération consiste à couvrir les achats de gaz d’un volume donné sur une période donnée avec un prix garanti. Si le prix sur les marchés internationaux pour cette période couverte dépasse le prix garanti, ce sont les banques auprès desquelles on a souscrit la couverture qui paieront la différence. L’intérêt de cette opération est qu’en cas d’envolée des prix, les caisses de l’Etat ne subiront pas de pression, et le budget restera conforme à ce qui a été prévu.

Le Maroc a donc opéré plusieurs sorties sur le marché entre juin et août afin de couvrir une bonne partie de la consommation du marché en gaz du 1er juillet au 31 décembre. Nos sources préfèrent garder confidentielles les données chiffrées de ce genre d’opérations pour ne pas influencer des opérations futures.

Pourquoi couvrir les prix sur un marché baissier ?

Selon le dernier rapport sur la compensation, le cours du gaz butane a enregistré une hausse de 22% durant le premier trimestre de 2019 par rapport au mois de décembre 2018. « Cette évolution revient aux facteurs saisonniers et à l’augmentation des importations indiennes visant à constituer des stocks pour la période préélectorale ».

Mais, pendant le deuxième trimestre, le cours du gaz butane a enregistré un repli de 104 $/T en passant de 467 $/T au mois d’avril à 363 $/T en juillet, pour enregistrer son niveau moyen le plus bas au mois d’août à 266 $/T. « Cette baisse est globalement due au recul des importations indiennes et chinoises et également à un excès de l’offre sur le marché mondial induite essentiellement par les Etats-Unis ».

Malgré une hausse des prix durant le mois de septembre à 363 $/T, le cours moyen du gaz butane s’est élevé à 408 $/T à fin septembre 2019, loin des 560$/T retenus comme hypothèse base lors du PLF2019.

Pourquoi donc opérer une couverture alors que le marché est baissier ? « Les cours du gaz sont généralement liés à ceux du pétrole. Mais il y a des périodes (baisse de régime des raffineries) où cette corrélation se fait dans le sens inverse. En d’autres termes, quand le cours du pétrole baisse, celui du gaz augmente… C’est un risque», explique notre source.

« On s’est posé la question de se couvrir alors que la tendance est baissière et que toutes les anticipations tablaient sur un baril bas. Mais nous sommes exposés à deux risques. Le premier est celui de la corrélation inversée des prix du baril et des cours du gaz. Le second est celui des importantes tensions géopolitiques. Le jour des attaques contre les installations d’Aramco, le pétrole a augmenté de 10 dollars… Les risques géopolitiques sont actuellement très importants… », poursuit notre interlocuteur.

« La couverture sert à neutraliser ces deux risques majeurs qui peuvent avoir des conséquences sur notre budget », assure notre source. Reste alors deux questions intimement liées : le coût de cette opération et le gain pour le Maroc.

Le coût de la couverture: environ 40 millions de dollars

Pour ce qui est du gain, le ministre a évoqué une économie de 2,5 MMDH sur le budget de la compensation 2019.

« L’économie de 2,5 MMDH a été réalisée suite à la baisse des cours lors du premier semestre. Un gain que nous avons sécurisé grâce à la couverture. Quoi qu’il se passe d’ici la fin de l’année, les 2,5 MMDH seront bel et bien économisés par rapport au budget fixé au début d’année », nous explique-t-on au ministère de l’Economie et des Finances.  

Cette opération de couverture a également eu un impact immédiat sur la notation internationale du Royaume.

Lors de la publication de son rapport en octobre dernier, S&P a relevé la perspective à « stable » en mentionnant parmi les raisons de cette décision le recours à ce mécanisme pour maîtriser le budget général. « Des économies supplémentaires proviendront des dépenses moins importantes que prévu au titre des subventions au gaz de pétrole liquéfié (GPL). Par exemple, le gouvernement a mis en place une stratégie de couverture qui protège ses dépenses en subventions pour le GPL contre les augmentations potentielles des prix du GPL en 2019 ».

Le hedging a permis au Maroc de neutraliser les risques des cours internationaux sur son budget et donner de la visibilité sur ses indicateurs futurs. A quel coût ? Nos sources préfèrent garder confidentielle cette donnée également. Mais nous savons de sources sûres que pour cette opération, le contrat est d'environ 40 millions de dollars, un coût qui est intégré dans le budget de la compensation.

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