Comment l'arrivée de MBC5 rend vitale la recapitalisation de 2M par l'Etat

L'Etat a traîné la situation de 2M sans participer aux recapitalisations décidées en 2016 et 2018. Mais il n'a plus le droit d'attendre. L'arrivée de MBC5 risque de porter un coup fatal au paysage audiovisuel marocain.

Comment l'arrivée de MBC5 rend vitale la recapitalisation de 2M par l'Etat

Le 10 novembre 2019 à 8h58

Modifié 11 avril 2021 à 2h43

L'Etat a traîné la situation de 2M sans participer aux recapitalisations décidées en 2016 et 2018. Mais il n'a plus le droit d'attendre. L'arrivée de MBC5 risque de porter un coup fatal au paysage audiovisuel marocain.

Avec 327 jours, la Soread-2M se situe et de loin, comme l’entreprise publique ayant le délai de paiement le plus élevé. Ce chiffre est inquiétant car il reflète la situation financière létale de la première chaîne de tv publique marocaine. Une situation qui risque de s’aggraver comme on va le voir. Et les enjeux dépassent largement le seul cadre de la chaîne de Aïn Sebaâ.

Depuis 2012, l’audiovisuel marocain subit une baisse de ses recettes, et une relative hausse de ses coûts, entre autres en raison de cahiers des charges qui ne tenaient pas compte des modèles économiques viables.

Les subventions étatiques se sont inscrites à la baisse. Comme partout dans le monde, l’audience de la télévision a subi une érosion constante, par les plateformes de streaming, les chaînes de sport en continu ou le digital.

Les chaînes marocaines arrivent à garder 55% du marché d'audience, le reste allant à des chaînes étrangères. Pendant le mois de Ramadan, la part marocaine frôle les 85% d’audience, grâce aux productions locales, notamment les fictions.

Sur ces chiffres, les meilleures audiences sont réalisées par 2M. En cours d’année, 2M réalise 30% de part d’audience en prime time (21% pour Al Aoula, source Marocmétrie octobre 2019). Pendant le mois de Ramadan, 2M occupe environ 60% de part de marché.

720 MDH de pertes cumulées

Au cours de l’exercice 2018, la Soread a subi 131 MDH de pertes. Les pertes cumulées s’élèvent désormais à 720 MDH, le double du capital social qui est de 359 MDH. Le 31 décembre 2016, une AGE avait décidé une augmentation de capital. Celle-ci n’a jamais eu lieu, l’Etat n’ayant jamais versé sa quote-part. Idem en juin 2018.

Juridiquement, il s’agit d’une entreprise dont le capital est majoritairement détenu par l’Etat et qui se trouve dans l’illégalité, ayant consommé ses capitaux propres depuis plusieurs années.

Le résultat net de la société est négatif depuis 2008 et la perte s’aggrave d’une année à l'autre. Les subventions de l'Etat couvraient 34% des dépenses globales de la société en 2000, contre 5% en 2012. Il fait dire qu’au cours de la période 2000-2008, la chaîne avait entrepris une politique d’expansion qui a fortement alourdi ses charges. La direction à une certaine époque, vers 2005-2008, s’était avérée incapable d’anticiper les changements à venir du modèle économique de l’audiovisuel.

AU cours des dix dernières années, la chaîne a reçu 45 MDH de subvention publique en moyenne annuelle et versé 35 MDH au Fonds de soutien à la production audiovisuelle dont elle n’a jamais perçu un Dirham.

Le nouveau cahier des charges de la chaîne, imposé en 2012, a mécaniquement aggravé les charges de la Soread et… baissé ses recettes : réduction du temps consacré aux spots, 20 minutes doivent séparer les pauses publicitaires, suppression de certaines séquences publicitaires...

Deux augmentations de capital de Soread 2M, décidées en décembre 2016 (217,5 MDH) puis en juin 2018 (380 MDH), n’ont pas été effectuées. L’Etat vote la recapitalisation mais ne verse pas sa quote-part. Plus le temps passe, plus la situation financière s’aggrave. Dans ces conditions, le maintien du niveau actuel de performance (parts d’audience), relève de la prouesse.

Une nouveauté qui s’appelle MBC5

Le groupe saoudien a annoncé récemment ses ambitions panarabes. Il a pris pied en Egypte, un pays au paysage audiovisuel extrêmement riche et diversifié, parfaitement saturé par les productions locales.

Après l’Egypte, il attaque le Maghreb central, en commençant par le Maroc.

Pourquoi un groupe médiatique aux moyens quasiment illimités veut-il émettre des programmes qui ciblent spécifiquement le Maroc ? Pas pour des raisons économiques, c’est évident. Le marché marocain est trop petit. La raison ne peut être que l’influence. Ce qui intéresse le groupe, ce sont les producteurs marocains, les artistes, ainsi que la part d’audience.

MBC ne cache pas son ambition : 10% du marché publicitaire, ou 200 MDH dès le prochain mois de Ramadan. Ramadan, c’est la haute saison de l’audience et de la publicité. Si MBC capte 200 MDH, c’est autant de manque à gagner pour la Soread-2M et la SNRT. Un coup fatal au paysage audiovisuel marocain.

L’intrusion de MBC5 ne respecte même pas le formalisme juridique. Le groupe saoudien n’a pas demandé une licence pour devenir une chaîne qui se soumet aux mêmes règles que les autres chaînes marocaines. Il va produire marocain, en effectuant des tournages en Egypte, avec des artistes marocains. Et il émettra par satellite. Bien sûr, les artistes marocains seront payés au prix fort et en devises. Un cas typique de concurrence biaisée.

MBC va attaquer le marché publicitaire à travers le prime time, là où il y a les audiences et les recettes publicitaires. Pendant que Soread et SNRT devront supporter l’insuffisance des ressources financières et l’obligation de service public, sans contrat-programme.

Les enjeux dépassent ceux de simples chaînes de télévision. Il s’agit d’un enjeu culturel et politique essentiel. Le Maroc ne peut pas abandonner ses audiences à l‘étranger. Dans le domaine des médias, le cas 2M symbolise celui d’un gouvernement qui n’arrive pas à se décider, qui n’a pas de vision, ce qui est d’ailleurs le cas pour sa gestion de l’ensemble du paysage médiatique.

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