Tourisme : Les arrivées et les recettes chinoises s'effondrent, voici pourquoi

L'informel s'immisce dans les flux touristiques chinois au Maroc et provoque une baisse des arrivées et un détournement des recettes. Pour 2019, un recul de 25% des arrivées est prévu. 

Tourisme : Les arrivées et les recettes chinoises s'effondrent, voici pourquoi

Le 6 décembre 2019 à 16h10

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

L'informel s'immisce dans les flux touristiques chinois au Maroc et provoque une baisse des arrivées et un détournement des recettes. Pour 2019, un recul de 25% des arrivées est prévu. 

Après la levée des visas, le marché touristique chinois a rapidement évolué: les arrivées sont passées de 10.000 en 2015, à 43.000 en 2016, 107.000 en 2017, 190000 en 2018 et là, patatras, 150.000 prévus à la fin de l’année 2019.

Que s’est-il passé pour que la courbe de croissance de ce marché, porteur de grandes ambitions se mette à reculer non seulement en termes d’arrivées mais aussi de recettes de voyages en devises ?

Sollicitée par Médias24, Hayat Jabrane, propriétaire d’une grande agence de voyages naguère spécialisée dans la réception de groupes chinois, nous a livré des explications peu rassurantes sur l’avenir d’un marché, aux potentialités énormes, qui pourrait même à terme supplanter le marché français.

Des faux guides qui ne connaissent pas le produit marocain

"Si en 2019, nous recevrons moins de Chinois qu’en 2018, c’est parce que le marché informel a pris le dessus sur les agences organisées, ce qui ne donne pas envie aux clients de revenir.

"Aujourd’hui, comme nous n’avons pas suffisamment de guides parlant mandarin, certifiés par le ministère, de plus en plus de Chinois s’improvisent guides pour leurs concitoyens.

"Sans carte de séjour ni de travail, ces personnes qui ne connaissent pas le Maroc et encore moins son histoire viennent pendant 3 mois pour accompagner des groupes de touristes qui repartent chez eux insatisfaits, pour ne pas dire dégoûtés du Royaume.

"Comment pourraient-ils jouer le rôle de guide alors que ces faux guides ne connaissent pas le produit marocain ni le patrimoine ou l'histoire du pays ? Au final, les visites guidées s’avèrent être des fiascos.

"Sachant que la majorité des visiteurs chinois sont adeptes de tourisme culturel, ils restent sur leur faim et repartent frustrés chez eux, où ils ne manquent pas de déconseiller le Maroc à leurs proches.

40 guides officiels pour des centaines de milliers de chinois

"S’ils ne reviennent pas, c’est parce qu’ils sont accompagnés par des amateurs qui ne parlent même pas arabe et qui ne leur apprennent rien.

"Le nombre total de détenteurs d’une licence officielle de guide du ministère du Tourisme qui est de 40 est très insuffisant pour accompagner les dizaines voire centaines de milliers de touristes chinois.

"Comme dans tous les secteurs où la demande dépasse l’offre, un réseau informel s’est mis en place, mais dans ce cas précis, il est en train de vampiriser toutes les agences spécialisées et employant des professionnels.

"Ainsi à titre personnel, en 2017, j’organisais chaque mois au moins 5 visites de groupes chinois de 30 personnes mais aujourd’hui j’en fais à peine 3 par an", dénonce l’ex-secrétaire générale de la CNT.

Concernant les recettes en devises, elles stagnent malgré la hausse des arrivées entre 2017 et 2018 : doublement des arrivées contre une hausse limitée à 120 MDH des recettes qui atteignent un peu plus d'un milliard. Notre interlocutrice affirme que la même cause produit les mêmes effets.

Des séjours payés en cash non répertoriés par l’Office des changes

"Si le montant des recettes a très peu évolué alors que paradoxalement le nombre des arrivées chinoises a doublé en 2018, c’est parce que la majorité des arrivants ne payent pas leur séjour sur place.

"Que ce soit l’hébergement ou les repas, tout est réglé à l’avance en Chine avec les intermédiaires chinois qui obtiennent des prix imbattables au Maroc.

"Si les recettes ont augmenté d’à peine 120 MDH, c’est parce qu’ils demandent à leurs clients de déposer l’argent en Chine et qu’en échange, ils règlent tout en cash qui provient très souvent de leur commerce au quartier de Derb Omar ou des recettes des restaurateurs chinois.

"Au final, cet argent qui sert à payer les factures n’est donc pas comptabilisé par l’Office des changes.

"Sur place, les organisateurs se payent avec les commissions qu’ils prennent dans les bazars où ils emmènent les groupes de touristes.

"Aujourd’hui, j’espère que la nouvelle ministre qui a fait ses preuves dans le secteur de l’assurance aura suffisamment de temps pour s’attaquer à ce chantier car ce marché a un potentiel extraordinaire mais qui est gâché par cette concurrence déloyale", explique Jabrane.

Sur les moyens d’y mettre fin, notre interlocutrice déclare qu’il faut simplement appliquer la loi.

Des contrôles à multiplier

"Nous avons une réglementation qu’il suffit de mettre en œuvre. Concrètement, il faut multiplier les contrôles.

"Quand un bus de 40 Chinois arrive à la mosquée Hassan II, la brigade touristique doit demander à l’organisateur ses documents prouvant que tout est en règle (noms d’agences de voyages, vouchers, cartes de travail…).

"Sachant qu’en général, les faux guides travaillent avec un simple visa touristique de 3 mois, ils doivent être contrôlés et mis hors d’état de nuire.

"A Casablanca, il y a une agence de voyages, ayant pignon sur rue, qui emploie illégalement 30 Chinois sans papiers (ni carte de séjour ni CNSS), avec un salaire dérisoire pour faire office de guide.

"A elle seule, cette structure traite 70% des voyages de groupes et le résultat est que mon agence ou mes confrères ont préféré laisser tomber ce marché car nous ne sommes plus assez compétitifs.

"Comment voulez-vous y arriver alors qu’un vrai guide coûte 1.400 dirhams par jour et que les siens sont payés moins de 5.000 DH par mois ?

"Si on ne multiplie pas les contrôles bancaires, de rapatriements de devises, de cartes de travail …, le secteur informel continuera à offrir un service qui n’est pas à la hauteur du produit marocain.

SOS aux autorités concernées

"Sans cela, l’effondrement des arrivées et des recettes en devises se poursuivra également.

"En effet, il faut savoir qu’en Chine, tout le monde utilise l’application WeChat, équivalent de WhatsApp, où ils rapportent leurs mauvaises expériences au Maroc, ce qui nuit à l’image du pays et impacte négativement le taux de retour", conclut Jabrane qui espère que son message parviendra aux autorités (ministères du Tourisme et de l’Intérieur) pour sauver ce secteur de l’informel.

Quoi qu’il advienne, l’année 2020 devrait voir le nombre d’arrivées augmenter sensiblement sachant que la RAM vient d’ouvrir une ligne directe Casablanca-Pékin avec un potentiel de près de 100.000 fauteuils par an et que l’ONMT a signé un gros contrat avec la société chinoise Ctrip qui permettra d’accroître la visibilité médiatique du Maroc dans l’ex-empire du milieu.

Reste à savoir si les recettes en devises augmenteront en même temps et si oui, dans quelles proportions...

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