Polémique sur le traitement de l'hépatite C : les arguments des deux labos (II)

Les bénéficiaires du RAMED atteints d'hépatite C sont privés de traitement depuis 4 ans alors que celui-ci est disponible et même produit localement à des prix globalement abordables. Dans ce deuxième article, Médias24 se penche sur les raisons ayant conduit à l’annulation du dernier marché et donne la parole aux laboratoires concernés.

Polémique sur le traitement de l'hépatite C : les arguments des deux labos (II)

Le 8 décembre 2019 à 8h16

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

Les bénéficiaires du RAMED atteints d'hépatite C sont privés de traitement depuis 4 ans alors que celui-ci est disponible et même produit localement à des prix globalement abordables. Dans ce deuxième article, Médias24 se penche sur les raisons ayant conduit à l’annulation du dernier marché et donne la parole aux laboratoires concernés.

Une polémique secoue les milieux de l'industrie pharmaceutique sur fond d'accusations, d'insinuations et de suspicions.

En quelques mots, et à gros traits, voici les principaux points de l'affaire:

- L'hépatite C est une maladie à forte prévalence au Maroc (au moins 400.000 à 600.000 malades) et dans le monde.

- Lorsqu'elle évolue vers la chronicité, cette maladie peut dégénérer vers un cancer.

- En 2015, il y a eu une révolution mondiale en matière de traitement avec la mise sur le marché d'une molécule, le Sofosbuvir, d'une très grande efficacité.

- Le coût du traitement lancé par le laboratoire américain Gilead est prohibitif, allant jusqu'à 1 million de DH.

- Plusieurs pays, avec l'autorisation de Gilead (Inde, Egypte) ou sans son autorisation (cas du Maroc, qui a saisi une faille juridique) sont arrivés à fabriquer un générique. Les deux fabricants marocains sont Pharma 5 et Galenica. Cette prouesse marocaine a permis de faire baisser le coût du traitement de 100 à 200 fois.

- L'association du Sofosbuvir avec une autre molécule rend le traitement plus efficace.

- A ce jour, ce médicament ne bénéficie pas aux ramédistes marocains et n'est pas disponible dans les établissements de santé publics !

La santé des Marocains et la gouvernance...

Médias24 n'a pas couvert les polémiques faites de déclarations, d'accusations, ou de confidences aux médias. Nous avons essayé de comprendre, de reconstituer et d'aller à l'essentiel.

L'essentiel, ce n'est pas l'échange d'accusations entre les concurrents. C'est la santé du Marocain. Le ramédiste par exemple, qui n'a pas beaucoup de porte-paroles et peu de moyens pour acquérir lui-même son propre traitement.

C'est aussi la bonne gouvernance. Il sera donc indispensable de répondre aux questions suivantes:

- Quel est le bon protocole thérapeutique pour les patients atteints d'hépatite C ? Par exemple, quelle association médicamenteuse ? Ici, la réponse ne peut pas être fournie par un laboratoire pharmaceutique. Mais par une commission scientifique indépendante.

- Les procédures qui protègent la santé des citoyens et l'argent public sont-elles respectées ?

- Et si ces procédures s'avèrent insuffisantes, le moment n'est-il pas venu pour réformer la gouvernance de la santé publique ?

La réponse partielle aux deux dernières questions est évidente: les procédures sont soit inadaptées soit n'ont pas bien fonctionné, puisque des milliers de Marocains sont privés du traitement.

Dernière question: y a-t-il ou pas violation de la loi dans la passation de certains marchés ?

Pour les ramédistes, 4 ans sans traitement

Donc, entre 2015 et 2019, le ministère de la Santé avait déjà lancé un appel d'offres pour l'acquisition de médicaments anti-hépatite C qui a été annulé par la suite.

Malgré l'existence d'un budget destiné à l'achat de médicaments anti-hépatite C, aucun nouvel appel d'offres n'a été lancé. Jusqu'en 2019. C'est étrange, car les ramédistes ont été laissés à l'écart de la révolution thérapeutique mondiale dans le domaine de l'hépatite C.

Comme Médias24 l’a expliqué dans son premier article dédié à cette affaire, le ministère de la Santé via sa division d’approvisionnement a fini par lancer, le 5 août 2019, un appel d’offres qui porte sur plus d’une centaine de médicaments dont l’anti-hépatite C. Les lots relatifs à l'achat du traitement contre l'hépatite C ont fini par être annulés.

Les deux lots sont 179 et 180, avec des budgets estimatifs respectifs de 14,5 MDH et de 24,2 MDH:

- Le lot 179 est relatif au traitement à base de Sofosbuvir 400 MG et Daclatasvir 60 MG pour une quantité de 124.824 comprimés ou gélules.

- Le lot 180 est relatif au traitement à base de Sofosbuvir 400 MG + Velpatasvir 100 MG pour une quantité 235.872 comprimés ou gélules.

Les différents opérateurs avaient jusqu’au 16 septembre 2019 pour déposer leurs documentations techniques. L’ouverture des plis était quant à elle prévue pour le 17 septembre.

Le 12 septembre, deux laboratoires marocains, Pharma 5 et Galenica, fabricants locaux du générique contre l’hépatite C saisissent le Conseil de la concurrence et la commission nationale des marchés publics pour demander l’annulation urgente de l’appel d’offres.

Dans ce courrier, les deux laboratoires exposent une série de faits sur lesquels le laboratoire Pharma 5 a accepté de s’exprimer en répondant aux questions de Médias24.

La mobilisation de Pharma 5 contre l'appel d'offres de 2019

L’équipe dirigeante du laboratoire Pharma 5 a reçu Médias24 le 27 novembre 2019. "Il y a eu deux appels d’offres annulés à deux reprises. Nous ne savons pas pour quelles raisons, il faut demander aux responsables. En revanche, je peux vous dire pourquoi le troisième a été annulé", nous déclare Meriem Filali Lahlou, directrice générale de Pharma 5.

Notre interlocutrice insinue que l'octroi d'AMM à Mylan est douteux. Mais à l'époque, le traitement produit par les laboratoires marocains n'était-il pas réputé plus cher que celui produit à l'étranger ?

La parole à Mme Filali Lahlou: "On découvre qu’en mars 2019, une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) a été accordée à un laboratoire notoirement connu pour faire partie de la liste des laboratoires dits ‘fantômes’, pour traitement à base d'une association fixe (deux molécules dans un seul comprimé Sofosbuvir + Velpatasvir). (…) Alors que nous avions déposé une demande d’AMM pour une association fixe (Sofosbuvir + Daclatasvir) en juillet 2017 et qu’à ce jour, nous n’avons toujours pas eu de réponse à notre demande", expose notre interlocutrice [NDLR: l'accusation concerne le laboratoire concurrent Mylan].

"Pour nous, l’association fixe était un moyen de baisser de manière significative le prix de notre produit. D’au moins la moitié. Et on l’aurait sortie les premiers dans le monde. Nous n’avons pas eu la chance de la célérité que peuvent connaître notamment les acteurs étrangers dans le traitement de leurs dossiers", insinue-t-elle.

"Entre temps, le Maroc a intégré cette nouvelle association aux protocoles thérapeutiques", poursuit Meriem Lahlou Filali.

Il est important de préciser que les protocoles thérapeutiques appliqués dans les hôpitaux se décident dans le cadre d’une commission qui se compose de la Direction de l’Epidémiologie et la Lutte contre les Maladies (DELM) du ministère de la Santé et d'experts indépendants représentant la spécialité concernée.

Pour le cas de l’hépatite C, un comité technique de lutte contre les hépatites virales est constitué sous la houlette de la DELM et compte parmi ses membres des représentants de la Société Marocaine de Maladies de l’Appareil Digestif (SMMAD), des gastro-entérologues du secteur privé, des infectiologues…

Quand l'efficacité de l’association Sofosbuvir et Daclatasvir a été reconnue sur le plan scientifique à l'échelle internationale, ce comité marocain a décidé que c’était le protocole thérapeutique à adopter, affirme notre interlocutrice.

"Quand l’AMM a été accordée au laboratoire étranger (comprenez Mylan), cette commission s’est réunie à la demande de certaines personnes", rapporte la directrice générale de Pharma 5. Selon les données dont nous disposons, le comité technique s’est réuni le 4 avril 2019.

"Cette commission a produit un rapport, signé par une quinzaine de personnes, dans lequel elle décide qu’il y a égalité sur l’efficacité et la sécurité entre les deux traitements Sofo+Dacla et Sofo+Velpa [ce qui est conforme au consensus international sur cette question]. Le comité soulève une contre-indication pour l’association Sofo+Velpa qui ne peut pas être administrée aux atteints de VIH sous traitements à l'Efavirenz (risques d'interaction médicamenteuses). Donc la nouvelle association proposée à l’importation par un étranger n’apporte rien de plus. Malgré cela, la pression est tellement forte que cette commission décide que le ministère va commander soit l’un soit l’autre et que c’est le prix qui sera déterminant", poursuit notre interlocutrice. 

L'avis scientifique considérant les associations Sofo+Dacla et Sofo+Velpa comme équivalentes figure dans le document officiel ci-dessous:

 

Il y est explicitement avancé que "pour les patients du RAMED et la population générale : les deux associations pangénotypiques Sofosbuvir+Daclatasvir et Sofosbuvir+Velpatasvir se valent en termes d’efficacité thérapeutique. Le choix de l’une ou de l’autre dépendra du coût d’achat des molécules". 

Ces mêmes conclusions sont reprises par le ministère de la Santé dans un communiqué officiel diffusé début du mois de mai 2019, en réponse à "la publication dans la presse nationale, d’un article rapportant un favoritisme vis-à-vis de certaines compagnies pharmaceutiques commercialisant le traitement de l’hépatite virale C (HVC)". 

Dans ce communiqué, le ministère avance qu’il "continue d’identifier le meilleur médicament possible, pour sa vision Maroc sans hépatite virale C en 2030". 

Trois mois après cet épisode, l’appel d’offres tant attendu tombe en août. "En plein mois de congé juste avant la fête du sacrifice, l’appel d’offres est lancé et là c’est la grande surprise. En contradiction totale avec le communiqué du ministère de la Santé et avec l’instance souveraine dans l’établissement des protocoles thérapeutiques, on a deux lots séparés. Deux tiers des quantités sont consacrés à l’association importée et le tiers restant à l’association fabriquée localement", dénonce Meriem Filali Lahlou.

"Sur quoi se sont-ils basés pour ne pas respecter le rapport du comité technique et décider de la répartition des lots ? Sur quoi se seraient-ils basés pour donner à tel patient Sofo+Dacla et à l’autre Sofo+Valpa ? Même le prescripteur final, sur quoi se serait-il basé pour donner l’un ou l’autre ?", s’interroge-t-elle. 

Notre interlocutrice ajoute qu’un "semblant de concurrence nous a été présenté sur le lot créé sur mesure pour le labo étranger".

Ce "semblant de concurrence" a été introduit, à en croire notre interlocutrice, en "accordant une AMM à l’importation à un autre opérateur local pour importer les produits Gilead. Alors que Mylan fabrique sous licence Gilead. C’est comme on dit : bonnet blanc et blanc bonnet", commente l’intéressée.

C'est à ce moment que les acteurs marocains décident de réagir par le biais des recours introduits auprès du Conseil de la concurrence et la commission nationale des marchés le 12 septembre. Des lettres qui ne feront pas pour autant annuler le marché avant son adjudication. Le déroulement du marché se poursuivra selon le calendrier initialement prévu. L'annulation n'interviendra que plus tard.

L’ouverture des plis aura bien lieu et les lots seront attribués. Le lot 179 est remporté par Pharma 5 et le lot 180 par Mylan. Pourquoi les deux instances, Conseil de la concurrence et commission nationale des marchés publics, n’ont-elles pas répondu favorablement à la demande des deux laboratoires marocains ?

"L’autre laboratoire marocain (Galénica, ndlr) s’est rétracté avec une lettre du PDG qui a nié les éléments contenus dans notre premier courrier conjoint", rapporte la directrice de Pharma 5. Un rebondissement qui aura pour conséquence de ralentir la procédure. Pharma 5 a dû refaire seul les démarches et donc les délais ont été dépassés, nous explique l’intéressée.

"Nous n’avons pas eu peur d’aller jusqu’au bout. La démonstration a été facile à faire. Il y a un rapport d’une commission légitime qui dit ce qui doit être commandé et ce qui doit déterminer le choix d'une association plutôt que l’autre", avance Meriem Lahlou Filali.

L'appel d'offres était-il mal conçu au départ? A-t-il sciemment ignoré l'avis de la commission technique? ou a-t-il estimé, sur la base de l'historique et des prix en officine, que les prix marocains étaient plus élevés mais qu'il fallait néanmoins laisser une part du marché à l'industrie marocaine?

Le ministère de la Santé n'a pas répondu à nos questions. Mais il y a une certitude: comme en 2017, l'appel d'offres a été très mal conçu et très mal géré.

Pour conclure, Meriem Lahlou Filali soulève le problème de la concurrence étrangère: "nous sommes face à un vrai sujet. Est-ce qu’on veut continuer à laisser des laboratoires qui ne respectent pas la loi, s’installer et aller donc vers un Maroc qui devient un comptoir d’importation comme c’était le cas il y a 50 ans ? A ce moment-là, qu’on nous le dise ouvertement pour que tous les acteurs jouent selon les mêmes règles… C'est beaucoup plus facile d’importer… On obtient l'AMM à l’importation beaucoup plus facilement qu’à la fabrication locale".

"Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous militons pour un Maroc indépendant sur le plan de la sécurité sanitaire et thérapeutique… Pour qu’on puisse choisir les molécules que l’on veut et qu’on puisse les avoir dans les quantités dont le patient marocain en a besoin au moment où il en a besoin, pas pour que des opérateurs étrangers choisissent quand et quelles molécules nous envoyer", plaide Meriem Lahlou Filali, directrice générale de Pharma 5.

Mylan: aucun recours contre l'annulation du marché

Pour résumer, les accusations contre le laboratoire Mylan sont nombreuses dont les principales sont :

- Laboratoire fantôme. En d’autres termes, il ne respecterait pas la loi en vigueur pour disposer du statut d’établissement pharmaceutique industriel et obtenir ainsi des AMM.

- Accointances avec l’administration qui lui aurait permis d’obtenir les autorisations réglementaires comme l’AMM, l’admission comme protocole thérapeutique…

- Conception d’un marché taillé sur mesure pour lui.

- Un protocole thérapeutique qui n’apporte pas un plus par rapport au protocole fabriqué au Maroc.

Médias24 a contacté les représentants légaux de Mylan Maroc pour leur soumettre toutes ces accusations.

Le management de Mylan nous assure qu’il ne compte faire aucun recours contre l’annulation du marché. "Nous avons toujours respecté et nous continuerons à respecter toutes les décisions prises par nos autorités de tutelle. Notre rôle est d’apporter sur le marché marocain et partout ailleurs où nous opérons des molécules de dernière génération, de haute qualité à des prix permettant l’accès aux soins à tous les patients qui nous font confiance tous les jours", nous répond-on.

"Mylan opère au Maroc depuis 2002. Nous avons 4 partenaires au Maroc qui commercialisent nos produits qui sont dans des segments thérapeutiques majeurs tels que l'oncologie, l'hépathologie, l'infectiologie, l'anesthésie-réanimation, la cardiologie….".

"Nous disposons d’une autorisation définitive d’ouverture d’un établissement pharmaceutique industriel délivrée par le Secrétariat Général du Gouvernement en Février 2016", ajoute-t-on, document à l'appui.  

Pour le management, les accusations selon lesquelles Mylan ne remplit pas les normes techniques relatives aux "Etablissements Pharmaceutiques Industriels" et font donc de lui un "laboratoire fantôme" "ne sont pas fondées car nous recevons comme dicté par la loi, des inspections du ministère de la Santé pour évaluer nos opérations et pour confirmer le respect des normes et des lois en vigueur", ajoute notre interlocuteur. 

Ce dernier poursuit: "le traitement contre l’hépatite C n’est pas notre priorité sur le marché marocain. Nous l’avons introduit car nous croyons que notre produit amène vraiment une révolution dans le traitement. Notre priorité au Maroc c’est l’oncologie".

Cela dit, le management de Mylan tient à se défendre et assure qu’il n’a pas eu connaissance des courriers envoyés par Pharma 5. Et de répondre aux accusations que "les démarches dans les AO sont connues par tous les opérateurs. La Division du médicament et de la pharmacie n’a aucun rôle à jouer dans les AO et encore moins en ce qui nous concerne", avance le management de Mylan. 

"Notre interaction avec cette direction se limite aux dépôts de nos demandes d’AMM, des documents administratifs requis (bioéquivalence et autre) et aux contrôles des médicaments et du laboratoire. La liste des produits, les quantités qui feront l’objet de l’appel d’offres sont du ressort de la Division des approvisionnements du ministère de la Santé et c’est une autre direction avec une commission ad hoc qui statue sur les molécules par pathologie. Je vous invite à prendre contact avec le ministère afin qu’il vous explique le process, mais je vous confirme que ni Mylan ni aucun autre opérateur, ne peut tailler un AO sur mesure", ajoute-t-il. 

Le ministère de la Santé a été sollicité par Médias24. Nous attendons toujours des réponses à nos questions.

Mylan défend aussi l’intérêt thérapeutique de son médicament. "Notre protocole thérapeutique qui consiste en une combinaison de deux molécules dans un seul comprimé (association fixe), est la dernière génération dans le traitement de l’hépatite C. Nous avons déposé la demande d’AMM le 12 octobre 2017 et nous n’avons obtenu l’AMM que le 12 mars 2019. Soit 17 mois après le dépôt de demande et non 4 mois comme nos détracteurs l’avancent", nous explique le management de Mylan, document à l’appui. 

 

"Avec notre médicament, le patient prend un seul comprimé au lieu de deux. Vous allez nous dire ce n’est pas grave. Si, c’est grave car s’il oublie l’un ou l’autre, c’est comme s’il n’a rien fait", argumente Mylan.

"Pour ce qui est des co-infectés par l’hépatite C et VIH. C’est un faux problème. On parle ici de contre-indication pour un risque d’interaction médicamenteuse dans le cas d'un seul médicament anti-VIH, l'éfavirenz, alors qu'il existe plusieurs autres médicaments pour traiter le Sida. C’est-à-dire qu’il faut une surveillance médicale plus accrue. C’est tout. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas prescrire le Sofo+Velpa », tranche le management de Mylan.

Ce dernier ne s’est pas contenté de défendre son produit, il avance une différence qu’il estime de taille entre son médicament et celui de la concurrence. "Il y a l’hépatite non cirrhotique et l’hépatite cirrhotique où le virus mute en une cirrhose du foie et peut se développer en cancer. Cette dernière variante est la plus fréquente au Maroc car l’hépatite C est une maladie sourde qu’on n'identifie généralement que quand il y a des complications. Notre produit est utilisé pendant trois mois, que le patient ait une cirrhose ou pas. Avec le Sofo+Dacla (médicament proposé par les laboratoires marocains, ndlr) le patient doit avoir 24 semaines de traitements (6 mois), donc vous doublez le traitement et par conséquent le coût", ajoute notre interlocuteur.

Mylan insiste "avec notre traitement, tout patient traité pendant 12 semaines, on est sûr qu'il le sera une fois pour toute. Je n’ai pas besoin de savoir si le patient est cirrhotique ou pas" , poursuit-il. 

Pour Médias24, ces questions d'efficacité et de choix thérapeutique doivent être tranchées par une commission scientifique indépendante.

Accusations contre accusations

Pour sa défense, le management de Mylan n’hésite pas à soulever d’autres « anomalies » dans le processus d’attribution de cet AO.

"Dans la documentation que Mylan a reçue, il y la décision émise le 30 octobre par le ministre pour annuler les deux lots 179 et 180. Alors que le 31 octobre nous recevons un fax pour nous dire que nous sommes attributaires du lot 180. La décision d’annulation a été antédatée car sa diffusion n’a eu lieu que le 5 novembre", nous avance-t-on.

Et d’ajouter: "en principe, les résultats définitifs sont affichés au niveau du tableau de la division de l’approvisionnement. Ce fut le cas pour ce marché aussi, mais c’est la première fois au Maroc qu’un document administratif ne comporte pas de date".

 

Mylan pousse l'accusation plus loin. Il avance que "l’Egyptien Kemipharm qui était le moins disant sur le lot 179 (sur lequel soumissionnait Pharma 5 et Galenica) a été éliminé pour des raisons encore sombres. Soi-disant, il n’y avait pas une signature conforme. Mais on n’élimine pas un concurrent après avoir ouvert les plis administratifs et financiers", soutient-il. "Quand il y a un manquement au niveau du dossier administratif, le concurrent est notifié et son dossier est rejeté sans ouverture du pli financer. Or pour l’Egyptien, les plis administratifs et financiers ont été ouverts... Et au final il a été écarté", assure-t-il tout en mettant en doute la possibilité d’annuler des lots faisant partie d’un AO.

Enfin, Mylan se défend d’avoir une quelconque relation avec le laboratoire Afric Phar, évoqué par Pharma 5 comme de la fausse concurrence.

"Nous n’avons aucune relation sur ce produit, chacun prêche pour sa paroisse. Gilead a donné le droit a certains laboratoires, dont Mylan, de fabriquer leurs produits avant qu’ils ne tombent dans le domaine public. On a ce contrat-là avec eux dans 187 pays. Nous avons la technologie et le savoir-faire de Gilead mais c’est notre propre dossier. Si Gilead a décidé de venir en propre, ce n’est pas pour nous protéger. On concourt ensemble en Tunisie ou en Egypte et on a gagné. Il n’y a aucune relation commerciale. Je n’ai aucun lien au Maroc avec Afric Phar sur ce produit-là", tranche Mylan.

Qui a raison ? Qui a tort ?  La concurrence entre opérateurs, même dans le domaine de la santé, est monnaie courante, elle est même importante et salutaire quand elle est faite dans les règles de l’art permettant de baisser les prix et soigner le plus grand nombre de malades. 

Elle doit d’abord être basée sur la qualité du médicament. Si comme dans notre cas, un comité scientifique et technique a décidé de façon indépendante l’équivalence thérapeutique entre les deux protocoles, le prix et le nombre de malades à soigner doivent être les seuls facteurs de décision. 

Lorsqu'il s'agit d'une problématique de santé publique, il est normal et recommandé que l'appel d'offres soit le plus ouvert possible et arbitré uniquement par le prix.  

Le caractère ouvert de l'appel d'offres controversé a probablement fait baisser les prix proposés par les différents acteurs, et spécialement Pharma 5, dans leurs réponses à l'AO. Au grand bénéfice des malades marocains démunis. 

Médias24 consacrera un troisième article relatif aux prix proposés par chaque opérateur.

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