Exclusif. Voici l'impact de la sanction de l'ANRT sur le marché (Avis d'expert)

INTERVIEW. La sanction historique de l’ANRT à l’encontre de Maroc Telecom laisse présager l’ouverture prochaine du marché de l’internet fixe à la concurrence. Quels impacts immédiats sur le marché ? L’ADSL qui a été au cœur de la bataille des opérateurs n’est-il pas une technologie obsolète ? La libre concurrence sur le marché de l’internet fixe aura-t-elle un effet sur la croissance du pays ? Eclairage et analyse avec Khalid Ziani, expert IT et Télécom.

Exclusif. Voici l'impact de la sanction de l'ANRT sur le marché (Avis d'expert)

Le 6 février 2020 à 18h43

Modifié 11 avril 2021 à 2h44

INTERVIEW. La sanction historique de l’ANRT à l’encontre de Maroc Telecom laisse présager l’ouverture prochaine du marché de l’internet fixe à la concurrence. Quels impacts immédiats sur le marché ? L’ADSL qui a été au cœur de la bataille des opérateurs n’est-il pas une technologie obsolète ? La libre concurrence sur le marché de l’internet fixe aura-t-elle un effet sur la croissance du pays ? Eclairage et analyse avec Khalid Ziani, expert IT et Télécom.

Médias24: L’ARNT a décidé de sanctionner Maroc Télécom par une amende de 3,3 MMDH. Une amende à laquelle elle ajoute des injonctions assorties d’astreintes. Quel impact immédiat cette décision aura-t-elle ?

Khalid Ziani: Cette décision permettra de tourner la page. L’amende va redessiner le paysage sur la partie infrastructure télécom. Les trois opérateurs vont être amenés à collaborer beaucoup plus dans le sens de la mutualisation des infrastructures qui coûtent très cher, et dans le sens également d’une cartographie qui respecte les règles d’aménagement du territoire, c’est-à-dire la couverture du territoire, l’absence de zones blanches, l’accès au haut débit de l’ensemble de la population.

Tout cela ne peut être effectué dans un laps de temps court que par le partage et la mutualisation des infrastructures qui se feront par le changement d’attitude de Maroc Telecom à cet égard.

Permettez-moi aussi de soulever un autre point. La vraie question est de savoir à quoi va servir cette amende.

Si comme le précise l’ANRT, l’amende correspond à un préjudice subi en l’absence de partage d’infrastructure télécom qui a retardé l’avancement du pays, il faut que l’amende serve à cette cause. En d’autre termes, elle doit servir à l’accélération de la connectivité du pays. Il faut qu’elle soit réinvestie dans le secteur des télécom et du numérique. Je ne comprendrais pas que cette amende aille dans un compte du Trésor et serve à payer des fonctionnaires.

-Mais est-ce que les autres opérateurs peuvent lancer rapidement des offres concurrentes sur l’internet fixe qui permettraient à l’ADSL qui ne représente que 5,58% du marché de l’internet de gagner du terrain ?

-D’abord, il faut garder en vue que si l’ADSL ne représente que 5,58% du marché, c’est aussi pour des raisons économiques.

D’ailleurs, c’est l’argument qu’oppose Maroc Telecom à l’ANRT quand il lui dit que ce n’est pas uniquement le fait de partager les infrastructures qui va amener les autres opérateurs à investir dans la partie internet fixe et ASDL, ce sont aussi les critères de rentabilité économique.

Les prix d’accès de l’ADSL sont tellement bas, notamment sur le marché B to C que ce n’est pas rentable pour les deux autres opérateurs d’investir sur ce marché. Quand vous analysez bien sûr les infrastructures, la partie incriminée c’est celle héritée de l’Etat, cette partie-là est très infime par rapport à ce qui a été créé entre temps.

Les autres acteurs arrivant tardivement sur l’ADSL, ils ne peuvent pas rentabiliser une offre surtout sur le marché B to C. Ils se sont donc concentrés sur ce qui est rentable, à savoir le marché de l’entreprise où la connectivité fixe est plus rémunératrice. Et c’est normal.

Maintenant, pour répondre à votre question sur les offres, je pense que l’offre se multipliera sur les nouvelles infrastructures et non pas sur l’ADSL, basé sur le cuivre. Celui-là, je ne pense pas que les opérateurs s’y intéressent encore. Quand il y a de nouveaux lotissements ou de nouvelles constructions, ils y installent directement de la fibre optique jusqu’à l’abonné (FTTH).

Cette notion de partage va se mettre en place uniquement sur les nouvelles infrastructures qui sont créées. Sur les anciennes infrastructures, il y aura une concurrence de parts de marché mais ça ne va pas beaucoup bouger. Par contre, dans la transformation de l’ADSL vers la fibre, là nous assisterons à une redistribution des parts de marché et une vraie concurrence qui aura un impact sur les prix. 

-Justement, les opérateurs ne se sont-ils pas livré bataille pour une technologie déclinante ?

-En effet, il ne faut plus penser ADSL pour l’avenir. L’ADSL est un marché déclinant et qui va continuer à décliner.

Il va se transformer vers l’optique à l’abonné. C’est sur ce créneau-là qu’on va avoir plus de concurrence entre les opérateurs, et chaque opérateur va sortir son offre.

Si vous analysez bien les circulaires de l’ANRT sur le partage des infrastructures et la nouvelle loi télécom, vous verrez que l’aménagement des lotissements ou des immeubles fait partie de ce qu’on appelle les infrastructures partageables. Donc aucun opérateur qui passe par exemple de la fibre optique dans un immeuble n’a le droit de réserver cette fibre uniquement pour son propre usage. Il a une obligation de partager cette fibre optique avec les autres opérateurs, si ces derniers le sollicitent sous réserve de paiement des redevances fixées par l’ANRT. C’est déjà réglementé.

Maintenant les règles de partage sont plus claires, il va y avoir un mouvement de collaboration sur le partage. Il n’y aura plus de réticence. Et on va avoir une plus grande concurrence sur la transformation, c’est-à-dire sur la partie fibre optique qui est capitale.

-Cela aura-t-il un impact sur les prix ? Car les prix d’abonnement pour la fibre sont aujourd’hui plus chers que l’ADSL.  

-Les opérateurs vont, en effet, adapter leur offre sur la fibre optique au prix actuel de l’ADSL. Donc au même prix, les abonnés vont probablement changer l’ADSL vers la fibre optique qui est beaucoup plus performante. Il ne faut pas oublier qu’on a actuellement une pression sur les débits à cause de l’avènement de l’IPTV et la VOD. Donc on a une qualité de service qui décroît. L’ADSL est en fin de vie, on ne peut pas augmenter indéfiniment sa capacité.

Les prix de la fibre optique baisseront par le fait de la concurrence, mais aussi par un effet de volume et de baisse du coût de maintenance. Les opérateurs sont sensibles aux coûts de maintenance.

Maintenir un réseau ancien ADSL coûte plus cher que de le transformer en fibre. En plus, sur la fibre on peut mettre beaucoup plus d’abonnés que sur l’ADSL. C’est un rapport de 10. Quand une ligne ADSL permet d’avoir 100 clients, la fibre permet 1.000. Economiquement donc, l’opérateur est rentable même en alignant les prix sur les tarifs actuels de l’ADSL.

-Qu’en est-il de l’impact sur l’économie plus globalement ?

-Plus les débits augmentent, plus on peut véhiculer de services sur ces mêmes infrastructures. C’est l’augmentation du nombre de services véhiculés qui permet à l’économie de croître.

Tous les services dématérialisés sont aujourd’hui concernés par cette règle. La base des télécoms est capitale dans la transformation vers une économie connectée. Quand on parle de transformation numérique, la première fondation sur laquelle on doit plancher ce sont les télécoms. Car c’est la base des échanges et communications du monde connecté. Négliger les télécoms et parler de transformation numérique est une aberration.

Il y a des exemples concrets comme l’e-gov, les services financiers ou le mobile payement. La population va pouvoir accéder à plus de services et donc elle va économiquement pouvoir faire des transactions plus nombreuses… L’augmentation des infrastructures télécom, leur capacité et leur couverture du territoire a un impact direct sur le PIB d’un pays. C’est un point dont personne ne doit douter.

>>Lire aussi : 

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