Covid-19. Les tests au Maroc, voici ce que l'on sait

Faut-il ou non généraliser les tests ? Faut-il lancer un dépistage du Covid-19 au Maroc ? Comment se font les tests et à quel rythme ? Si nous faisions plus de tests, est-ce que nous aurions plus de cas positifs ? Si nous faisions plus de tests, est-ce que la propagation serait freinée plus vite ? Les interrogations au sujet des tests sont nombreuses. Voici ce que nous avons pu reconstituer comme réponses.

Covid-19. Les tests au Maroc, voici ce que l'on sait

Le 1 avril 2020 à 18h41

Modifié 11 avril 2021 à 2h45

Faut-il ou non généraliser les tests ? Faut-il lancer un dépistage du Covid-19 au Maroc ? Comment se font les tests et à quel rythme ? Si nous faisions plus de tests, est-ce que nous aurions plus de cas positifs ? Si nous faisions plus de tests, est-ce que la propagation serait freinée plus vite ? Les interrogations au sujet des tests sont nombreuses. Voici ce que nous avons pu reconstituer comme réponses.

L'article ci-dessous reconstitue autant que possible ce que fait le Maroc dans le domaine des tests de laboratoire concernant le coronavirus. Il se base sur des sources publiques (déclarations, documents, chiffres publiés), l'interview du ministre de la Santé à la télévision nationale mise en ligne ce mercredi 1er avril, et à plusieurs entretiens en off que nous avons menés avec des responsables ou praticiens.

> A quoi sert un test ? Il y a deux objectifs: Le diagnostic, au cas par cas, quand une personne présente des symptômes ou un risque de maladie. Ou bien dans une action volontariste de dépistage, quel que soit l'état des personnes. On va voir plus loin que la différence entre les deux situations, diagnostic ou dépistage, est une donnée importante.

> Quels tests pour le Covid-19 ?

Le Maroc utilise depuis le début et jusqu'à présent [ce mercredi 1er avril], le test PCR. C'est le plus fiable et de loin, LE test standard qui fait l'unanimité. Il se base sur l'identification de l'ARN (acide ribonucléique) du virus. Sa fiabilité est proche de 100% et en cas de "faible positif", l'instruction donnée aux laboratoires marocains habilités, est de refaire le test.

Le PCR coûte 500 DH pièce. Chaque boîte comporte 10 tests. Ouvrir une boîte pour un seul test, c'est en sacrifier 9. Donc, il faut attendre d'avoir des lots de 10.

En théorie, le résultat est connu 4 à 6 heures après, parce que le processus suppose une extraction d'ARN puis une multiplication pour pouvoir mesurer la charge virale. Dans la réalité, il demande en moyenne 24 heures, car il faut tenir compte des délais d'acheminement et des procédures de validation.

Dans plusieurs pays, des équipes scientifiques ont ces dernières semaines travaillé à élaborer des tests plus rapides, avec obtention de résultat en 10 à 30 mn.

Au cours de sa deuxième réunion qui a eu lieu le 20 mars, la commission scientifique et technique consultative sur les affections respiratoires aigües et qui a été créée par le ministre de la Santé, a recommandé le recours aux tests rapides antigéniques. Ils sont différents des tests PCR basés sur la biologie moléculaire.

Les experts marocains ont estimé, à raison, qu'il fallait s'assurer de la fiabilité des nouveaux tests avant de les adopter. Car si la fiabilité n'est pas suffisante, le risque est grand pour la population.

Une short-list a donc été élaborée. En tête, figuraient les tests de Corée du Sud. Cette short-list a été soumise, mardi 31 mars, à la commission scientifique et technique qui se réunissait. Nous ne savons pas avec certitude quelle a été sa décision. L'une de nos sources nous assure que le Maroc a opté pour les tests fabriqués en Corée du Sud et qu'il allait passer la commande. En attendant, la même source assure que plusieurs milliers (ou dizaines de milliers selon une autre source) de kits de tests rapides sud-coréens, commandés par un laboratoire privé, allaient être réquisitionnés par l'Etat ou l'avaient déjà été. La commande marocaine sera de 100.000 tests.

Ce qu'il faut en retenir, c'est que le Maroc s'en tient pour le moment aux tests PCR et qu'il passe bientôt aux tests rapides antigéniques, d'origine asiatique, probablement sud-coréenne.

> Les laboratoires habilités à effectuer les tests. De source sûre, nous savons que les CHU sont désormais autorisés à effectuer les tests et qu'au minimum, les CHU de Rabat, Casablanca et Fès ont commencé. L'objectif est de répartir des laboratoires habilités à effectuer des tests sur tout le territoire.

> Anticipation. Le Maroc prépare les futures étapes, en cas de poursuite de la propagation du virus. Le confinement est entré en vigueur le 20 mars. Son effet devrait éventuellement être visible à partir de cette fin de semaine. En principe.

Le Maroc a organisé plusieurs hôpitaux dans les 12 régions, pour servir à accueillir, diagnostiquer et traiter des malades du Covid-19. Il a également, en renfort possible, jusqu'à 9.000 lits des cliniques privées ainsi que la capacité des FAR.

> Faut-il réaliser plus de tests ? Evidemment. Mais il faut bien saisir les nuances dans la réponse.

Lorsqu'on analyse les chiffres des bilans officiels, on constate une hausse du nombre de tests et, en parallèle, une hausse du nombre de cas confirmés.

Il ne faut pas croire qu'un beau matin, le Maroc a pris la décision d'effectuer des dépistages, provoquant l'identification d'un plus grand nombre de cas. C'est plutôt l'élargissement de la définition du cas possible qui a conduit à cette hausse. L'option générale consistant à effectuer des diagnostics plutôt que des dépistages est restée la même.

> Les procédures marocaines : définition de cas, et quand faut-il effectuer les tests ?

Le Maroc a activé dès l'apparition du risque Covid-19, son plan national de riposte qui date en fait de 2015 et qui a fait l'objet d'une mise à jour.  Dans sa première phase, ce plan a un objectif de détection précoce, notamment aux frontières.

Le processus de détection prévoit de tester les cas possibles et uniquement eux. Aucune possibilité au Maroc, du début de l'alerte sanitaire jusqu'à ce jour, de se faire tester sur simple demande ou sans avoir de symptômes fortement évocateurs d'un Covid-19.

A partir du mois de février, la vigilance a commencé aux frontières. De nombreux témoignages de voyageurs attestent sans aucun doute d'un niveau de vigilance parfois faible ou absent. De plus, cette vigilance est basée sur la température des voyageurs. Cet indicateur n'est pas infaillible: d'une part, il y a des malades qui n'ont pas de fièvre, d'autre part, la durée d'incubation est de 14 jours et on peut être malade et contagieux sans présenter de symptômes.

La preuve, c'est que les premiers cas identifiés ont tous été importés et sont entrés normalement par les frontières sans être détectés.

Le plan marocain de riposte prévoit:

*une procédure détaillée en cas de présence d'un cas suspect à bord d'un aéronef ou d'un navire; ou bien à son arrivée aux frontières.

*une procédure détaillée en cas de présence d'un cas suspect qui se manifeste au téléphone ou dans une structure de soins. Un malade (sauf les cas asymptomatiques) prendra contact avec un médecin, un centre de soins ou un hôpital. 

Le plan marocain n'est pas exhaustif, car nous savons qu'il existe des porteurs de virus, contagieux mais sans symptômes ou presque ou bien qui passent à travers les mailles du filet aux frontières en raison de la longue durée de l'incubation.

> La définition d'un cas possible a été modifiée pour s'adapter à l'évolution de la situation.

De ce qui précède, il ressort que l'élément clé du dispositif marocain est la définition du cas suspect ou cas possible. Car seuls les cas possibles sont testés. Le Maroc effectue des diagnostics, pas des dépistages.

Après avoir démarré son plan par la définition de cas possibles datant de l'époque du virus MERS (2015), le Maroc modifie cette définition le 26 février 2020, avant l'annonce du premier cas le 2 mars. Voici la nouvelle définition du 26 février 2020:

Cas possible :

1. a- Toute personne présentant une infection respiratoire aigüe (IRA° avec fièvre;

Et

ayant voyagé ou séjourné dans une zone de transmission interhumaine du virus dans les 14 jours précédant l'apparition des symptômes.

Ou bien

Toute personne présentant une IRA avec fièvre, dans les 14 jours suivant les expositions suivantes :

* contact physique étroit avec avec un cas confirmé de Covid-19, deux jours avant et pendant que ce dernier ait été symptomatique
 
* toute personne ayant travaillé ou ayant séjourné dans un hôpital dans lequel un cas de Covid-19 a été confirmé.

Par ailleurs, toute survenue de cas groupés d'IRA grave, avec ou sans notion de voyage ou résidence en zone de transmission du virus, doit être signalée ou investiguée, en particulier chez le personnel soignant.

Le 9 mars 2020, nouveau changement: le ministère décide d'élargir la définition des cas possibles. En d'autres termes, de tester davantage, sans aller pour autant vers le dépistage:

Un cas possible de Covid-19 sera évoqué devant l'une des 4 situations suivantes:

1. toute personne présentant une infection respiratoire aigüe (IRA)

Et

-ayant voyagé ou séjourné dans un pays enregistrant une transmission communautaire ou locale du virus, dans les 14 jours précédant l'apparition des symptômes;

ou

était en contact avec un cas confirmé d'infection par le SARS-Cov-2, deux jours avant et pendant que ce dernier était symptomatique.

2. Toute personne hospitalisée pour pneumonie non expliquée par d'autres étiologies possibles et ayant voyagé ou séjourné à l'étranger, dans les 14 jours précédant l'apparition des symptômes.

3. Tout professionnel de santé exerçant dans un hôpital où un cas de Covid-19 est pris en charge, ou dans un laboratoire ayant manipulé des prélèvements d'un cas confirmé de Covid-19, qui présente une pneumonie sans signes en faveur d'autres étiologies possibles.

4. Toute survenue de cas groupés d'infections respiratoires aigües graves, avec ou sans notion de voyage ou de contact avec un cas confirmé de Covid-19, doit être signalée et investiguée.

Le 22 mars 2020, nouvelle définition du cas possible:

Un cas possible de Covid-19 sera évoqué devant l'une des 4 situations suivantes:

1. Personne, vivante ou décédée, présentant ou ayant présenté une infection respiratoire aigüe (IRA)

Et

- ayant été en contact avec un cas confirmé d'infection par le SARS-Cov-2, deux jours avant et pendant que ce dernier était symptomatique.

ou

ayant voyagé ou séjourné dans une zone à risque, dans les 14 jours suivant le retour de celle-ci.

ou ayant été en contact avec une personne ayant séjourné dans une zone à risque, dans les 14 jours précédant l'apparition des symptômes;

2. Personne, avec ou sans notion de voyage ou de séjour dans une zone à risque, et présentant une IRA sévère, en l'absence d'une étiologie évidente;

3. Groupe de personnes présentant une IRA (après validation du CNOUSP).

Conclusion: en élargissant la définition d'un cas possible, le Maroc accroît en fait le nombre de tests réalisés, sans pour autant aller jusqu'au dépistage, systématique ou pas.

> Le DG de l'OMS: testez, testez, testez !

Une allocution restée fameuse et qui date du 16 mars 2020. Elle sera la conclusion de cet article. La parole au DG de l'OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus:

"Au cours de la semaine dernière, nous avons assisté à une escalade rapide des cas de COVID-19. 

"Il y a désormais plus de cas et de décès notifiés ailleurs dans le monde qu'en Chine. 

"Nous avons également assisté à une escalade rapide des mesures de distanciation sociale, comme la fermeture d'écoles et l'annulation d'événements sportifs et d'autres rassemblements. 

"Mais nous n'avons pas vu d'escalade assez urgente dans le dépistage, l'isolement et la recherche des contacts - qui sont le pilier de la riposte. 

"Les mesures de distanciation sociale peuvent contribuer à réduire la transmission et aider les systèmes de santé à faire face. 

"Se laver les mains et tousser dans le coude permet aussi réduire le risque pour soi-même et pour les autres. 

"Mais à elles seules, toutes ces mesures ne suffisent pas à éteindre cette pandémie. C’est la combinaison qui fait la différence. 

"Comme je ne cesse de le dire, tous les pays doivent adopter une approche globale. 

"Mais pour prévenir les infections et sauver des vies, le moyen le plus efficace est de briser les chaînes de transmission. Et pour cela, il faut dépister et isoler. 

"Vous ne pouvez pas combattre un incendie les yeux bandés. Et nous ne pouvons pas arrêter cette pandémie si nous ne savons pas qui est infecté par le virus. 

"Nous avons un message simple pour tous les pays : testez, testez, testez. 

"Testez tous les cas suspects. 

"Si le résultat du test est positif, isolez-les et trouvez avec qui ils ont été en contact étroit jusqu'à deux jours avant l'apparition de leurs symptômes, et testez également ces personnes.

"Chaque jour, de nouveaux tests sont produits pour répondre à la demande mondiale. 

"L'OMS a expédié près de 1,5 million de tests à 120 pays. Nous travaillons avec des entreprises pour augmenter la disponibilité des tests pour ceux qui en ont le plus besoin. 

"L'OMS recommande que tous les cas confirmés, même les cas bénins, soient isolés dans les établissements de santé, afin de prévenir la transmission et d'assurer une prise en charge adéquate. 

"Mais nous sommes conscients que de nombreux pays ont déjà dépassé leur capacité à prendre en charge les cas bénins dans les services médicaux spécialisés". 

Les décisions marocaines semblent donc conformes aux recommandations de l'OMS.

Le dépistage est-il un luxe ?

La courbe marocaine qui n'a pas encore d'allure exponentielle est, comme dans la plupart des pays, biaisée par le fait qu'elle ne comprend que les cas détectés. Or, il existe de nombreux cas asymptomatiques dans toutes les populations, y compris marocaine, et qui sont contagieux pendant une certaine durée, entre deux et 4 semaines selon les experts.

Ces asymptomatiques vont finir par acquérir une immunité contre la maladie mais entre temps, ils risquent de contaminer d'autres personnes.
L'Islande a entamé un dépistage à grande échelle. Les résultats suggèrent que la moitié des cas de coronavirus sont asymptomatiques. Alors confinement ou dépistage ? Ou bien les deux ?

La politique suivie au Maroc et qui est conforme aux préconisations de l'OMS, pourrait montrer ses limites. Tester uniquement les malades présentant certains types de symptômes et leurs contacts les plus proches, cela signifie qu'une partie de la population qui porte le virus et qui est contagieuse, ne sera pas identifiée et donc ne pourra pas être mise en isolement pour éviter la contamination.

En Allemagne, des tests massifs sont réalisés, jusqu'à 500.000 par semaine. Cela engendre deux conséquences:

-les malades ont un âge moyen bien plus jeune que celui des autres pays, nettement inférieur à 40 ans.

-les décès sont très faibles, parmi les bas au monde avec la Corée du Sud, se situant ce mercredi à 1,08%. Les deux pays ont pratiqué des tests massifs. L'Allemagne avait le même jour 67.000 "actifs" et 732 décès.
Le dépistage massif semble être la solution la plus efficace, en attendant le traitement et/ ou le vaccin. Au Maroc, les tests sont effectués systématiquement depuis une quinzaine de jours sur les contacts à risque élevé.

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