Dans l'intérêt de l'Etat, il est temps de recouvrer la créance sur la Samir

L’Etat détient des milliards de dirhams sur la Samir. Leur recouvrement peut s’avérer utile en ces temps de crise. Mais cela passe par le redémarrage de la raffinerie.

Dans l'intérêt de l'Etat, il est temps de recouvrer la créance sur la Samir

Le 20 mai 2020 à 21h17

Modifié 11 avril 2021 à 2h46

L’Etat détient des milliards de dirhams sur la Samir. Leur recouvrement peut s’avérer utile en ces temps de crise. Mais cela passe par le redémarrage de la raffinerie.

Pour reconstituer ses réserves en carburant, l’Etat se tourne vers les capacités de stockage de la Samir. Stratégique, cette décision rappelle un truisme : même à l’arrêt, l’unique raffinerie marocaine demeure un patrimoine national. Et un bien salvateur en ces temps de crise.

Traduite en chiffres, la crise actuelle fait perdre quotidiennement 1 MMDH au pays, conséquence du confinement décidé par les autorités. Si l'on extrapole ce ratio en tenant compte de la durée totale du confinement, le Maroc aura perdu 80 milliards de DH d'ici le 10 juin (si le confinement est maintenu jusqu’à cette date) ! L'Etat perd des recettes notamment fiscales mais pas seulement. Et le déficit budgétaire va être lourd.

Là aussi, la Samir peut jouer un rôle. L’Etat y détient au moins 16 milliards de DH (MMDH). Une créance publique qui ne demande qu’à être recouvrée. Dans un contexte de rareté des deniers publics, ce recouvrement devient même une obligation morale.

Les 16 MMDH correspondent aux droits, taxes et frais de recouvrement qui constituent la créance déclarée par l’administration douanière. Dans la procédure de liquidation en cours, la Douane est le principal créancier du raffineur.

La créance douanière n’a pas encore été validée. Elle avait été d’abord déclarée auprès de Abderrafii Bouhamria, juge-commissaire chargé de la liquidation au tribunal de commerce de Casablanca. Mais ce dernier s’était finalement déclaré incompétent à statuer sur la demande. Le dossier devrait être tranché par le tribunal administratif.

Pour la Douane, l’obtention d’un jugement favorable est un ticket d’accès à la course au paiement. Un marathon de plus de 400 coureurs, créanciers privilégiés ou chirographaires. Où se situe la Douane ? Son statut privilégié la place au quatrième rang des créanciers, derrière les frais de procédures qui seront payés les premiers, puis les salariés et au troisième rang certaines créances de la CNSS.

Reste le cas BCP : la banque fait valoir une hypothèque d’une valeur de 1,2 milliard de DH sur la Samir. Cette sûreté réelle est aujourd’hui contestée par des parties à la liquidation, notamment le syndic judiciaire. Selon nos sources, ce dossier est en cours à la cour d’appel de Casablanca (suite au renvoi par la Cour de cassation). Laquelle devra statuer définitivement sur la validité de l’hypothèque. Validée, BCP se positionnera au premier rang des créanciers, mais uniquement sur la partie hypothéquée.

Dans une procédure de liquidation, recouvrer l’intégralité de la créance est un objectif souvent inatteignable. Il s’agit donc de récupérer le maximum. Plus le montant de la créance est important, plus le pourcentage recouvré est grand. C’est le principe de la répartition par contribution (au marc le franc, ou prorata des créances).  

Sur ce registre, l’Etat est de loin le mieux placé. D’autant que les 16,7 MMDH ne constituent que le principal déclaré par la Douane. La partie la moins connue – et la plus intéressante – concerne les amendes prononcées au pénal contre la Samir, toujours au profit de la Douane (et l’office des changes) : plus de 50 MMDH pour des infractions aux réglementations douanières et des changes. Cette partie a également été déclarée. Même si l’Etat se dit prêt à transiger sur les amendes.

Relancer la Samir

Tous ces éléments conjugués ne garantissent pas pour autant le recouvrement de la créance. Qui reste tributaire du sort réservé à la Samir.

En vente depuis janvier 2017, le raffineur n’a toujours pas trouvé preneur. La faute, selon les versions, à des candidats peu sérieux, aux exigences contraignantes du juge-commissaire, ou encore à la position ambigüe de l’Etat sur l’avenir du raffinage au Maroc.

L'Etat a toujours plaidé l'indépendance de la justice et s'est, à ce titre, abstenu d'agir dans le dossier. Jusqu’à aujourd’hui, le dossier de la cession a été mené avec les moyens du bord. Le 2 juin prochain, le juge-commissaire décidera si oui ou non, il impliquera une banque d’affaires pour assister le syndic dans la recherche d’un acquéreur. Prise dès le début du processus, cette décision aurait pu faciliter une cession rapide et au meilleur prix.

Si cession il y a, les protagonistes espèrent qu’elle portera sur l’ensemble des actifs de la Samir. Cette position est défendue par la Douane. Une vente en lot serait préjudiciable pour le raffineur -car elle condamnerait sa relance, mais aussi pour les créanciers. Ce type de procédure prend généralement une dizaine d’années. Ce qui peut retarder le recouvrement des créances.

La location des bacs de stockage par l’Etat a été rejetée puis, après réflexion, saluée par les salariés de la Samir. Ils y voient un premier pas positif et une reconnaissance du rôle stratégique de la raffinerie. Mais espèrent un autre pas, plus radical. Comme celui de la renationalisation. Une démarche souhaitée mais délicate au vu du litige international opposant le Maroc au Sheikh Al Amoudi, ex-actionnaire majoritaire de la société. Au CIRDI, l’homme d’affaires saoudien accuse justement le gouvernement de lui avoir « exproprié » son bien.

 « Un retour normal à l'activité de la raffinerie marocaine de pétrole est possible et parfaitement réalisable, à la seule condition que l'État marocain en exprime la volonté réelle, comme il le fit pour la prise en location. Cette volonté de l’État doit permettre de faciliter la cession de la raffinerie au secteur privé et de lever les entraves constatées à l'intérieur et à l'extérieur du processus judiciaire, ou de réaliser le transfert de la société à l'État lui-même en sa qualité de principal créancier et de garant de l'intérêt général du Maroc, ou, enfin, d’organiser la reprise de l’entreprise pour le compte d’une société à capital mixte portée par un partenariat entre les secteurs public et privé » (Extrait du communiqué, daté du 19 mai, du Front pour la sauvegarde de la raffinerie marocaine de pétrole).

Bref, il serait salutaire et louable que le processus de cession soit pris en main par une banque d'affaires qui pourrait organiser un road show, car un tribunal de commerce, malgré toutes ses bonnes intentions, n'a pas pour métier de rechercher le meilleur acquéreur possible. Il y va de l'intérêt collectif, c'est une obligation morale- nous le répétons. On ne peut pas laisser 16,7 milliards de DH (au minimum) moisir dans les tiroirs.

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