Ahmed Lahlimi : La récession au Maroc se limitera à 5 ou 6% en 2020

Contrairement aux économies avancées qui prévoient des taux de récession à deux chiffres, au Maroc, l’économie ne régresserait que de 5 à 6% sur l’année 2020 selon le Haut-commissaire au plan. Si l’année agricole avait été bonne, ce taux aurait été encore plus faible. Quel est le secret de cette résilience marocaine ?

Ahmed Lahlimi : La récession au Maroc se limitera à 5 ou 6% en 2020

Le 6 juillet 2020 à 19h13

Modifié 11 avril 2021 à 2h47

Contrairement aux économies avancées qui prévoient des taux de récession à deux chiffres, au Maroc, l’économie ne régresserait que de 5 à 6% sur l’année 2020 selon le Haut-commissaire au plan. Si l’année agricole avait été bonne, ce taux aurait été encore plus faible. Quel est le secret de cette résilience marocaine ?

Après une petite croissance de 0,1% au premier trimestre, l’économie marocaine aurait régressé de 13,8% au deuxième trimestre, selon la dernière enquête de conjoncture du HCP. Une grosse chute, tout à fait logique du fait du confinement qui a duré pratiquement tout le trimestre.

« Ce taux aurait pu être moins fort si on avait déconfiné le 10 mai. C’était d’ailleurs le scénario que l’on prévoyait au premier trimestre. Mais nous n’avons déconfiné finalement qu’en juin, ce qui a aggravé la chute de l’économie sur le deuxième trimestre », nous explique le Haut-commissaire au plan Ahmed Lahlimi, joint par Médias24.

Ce krach de la croissance correspond à peu près aux chiffres enregistrés un peu partout dans le monde sur le même trimestre : l’activité économique dans la zone euro et aux Etats-Unis aurait chuté respectivement de 14,9% et 13,7%, selon la note du HCP. Des pays qui prévoient toutefois des récessions à deux chiffres sur toute l’année 2020, contrairement au Maroc où le Haut-commissaire au plan se montre plus optimiste.

Pourquoi il ne faut pas se comparer à l’Europe

« Au Maroc, la récession sur l’année 2020 serait limitée à 5% ou 6% au maximum. Il y a l’effet de la crise du Covid, mais aussi l’effet de la mauvaise campagne agricole. Si on avait fait une bonne année agricole, l’impact du Covid aurait été très limité sur les chiffres de la croissance et de l’emploi », nous confie Ahmed Lahlimi.

Des prévisions que le HCP compte publier dans les détails dans les prochains jours à l’occasion de l’établissement du budget prévisionnel pour l’année 2020 et 2021. Notons qu'une récession de 5% en 2020, c'est aussi ce que prévoit le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative qui vient d'être examiné en Conseil des ministres.

Ce lundi, le gouverneur de la Banque de France était heureux d’annoncer que la récession dans son pays serait limitée à 10% en 2020, contre une prévision de 15% au premier trimestre. Un chiffre qu’il trouve rassurant. Avec une récession à 5 ou 6%, le Maroc serait donc mieux loti que la France, l’Espagne, l’Allemagne, les Etats Unis… qui ont pourtant dégainé des programmes de centaines de milliards d’euros et de dollars pour venir au secours de leur économie.

Le Maroc est-il plus résilient que ces pays-là ? Pourquoi la récession serait limitée chez nous à 5 ou 6% quand elle dépasserait les 10% dans les économies avancées ? Quel est le secret de ce « miracle » marocain ?

« Il ne faut pas faire l’erreur de se comparer à ces pays-là. Inversons un peu les choses : quand la France ou l’Allemagne font une croissance de 1,5%, ils sont heureux. Or, au Maroc, un taux de 4,5% ne réjouirait personne… Les choses sont donc très relatives, aussi bien quand les choses vont bien que quand elles vont mal », explique Ahmed Lahlimi.

Selon lui cette différence dans l’impact du choc du Covid s’explique par les structures de chaque économie. « Nous n’avons pas le même poids de l’industrie qu’en Europe. Ni le poids de leurs échanges commerciaux avec le reste du monde. On a été certes impactés sur le tourisme et quelques secteurs exportateurs, mais l’impact du blocage des mouvements internationaux et du choc économique mondial n’est pas forcément le même », précise-t-il.

Le Maroc est un pays exportateur, certes, mais tout est question de poids de cette composante dans l’économie si l’on veut résumer le raisonnement du Haut-commissaire au plan. L’industrie au Maroc ne représente que 14% du PIB quand elle est une des composantes essentielles des économies européennes. Sans oublier, rappelle Lahlimi, que ce qui pousse la croissance chez nous et qui limitera un peu les effets mondiaux du Covid, ce sont les dépenses de l’Etat et la demande intérieure qui continuent d’être un moteur essentiel de la croissance.

L’administration, les phosphates et l’informel sauveront l’année

« L’administration va pousser la croissance du pays à travers les dépenses sociales et d’investissement, qui seront engagées. Les phosphates reprennent aussi, car la conjoncture internationale nous est favorable. Même chose pour l’industrie chimique notamment celle des engrais… Ces composantes sont essentielles au Maroc et nous permettront d’amortir le choc de la crise », ajoute Lahlimi.

Les exportations des phosphates ont d’ailleurs réalisé un bond au deuxième trimestre, au moment où le monde était totalement confiné et bloqué. La note du HCP évoque une croissance de 7,4% des exportations de la roche. Une tendance qui devrait se poursuivre sur le reste de l’année selon Lahlimi, aussi bien sur le phosphate brut que sur les engrais, en raison de la forte demande qui a été réorientée vers le Maroc du fait de la perturbation des chaînes asiatiques d’approvisionnement

Autre particularité marocaine qui fera qu’on serait mieux loti en termes de chiffre de décroissance : l’informel. Un secteur qui dépend essentiellement de la demande locale et qui retrouvera très vite sa vigueur et son rythme d’activité, selon Ahmed Lahlimi.

« Nous avons un grand secteur de l’informel, contrairement aux pays européens. L’informel, c’est 37% de l’emploi au Maroc. Donc 37% de la distribution de revenus se fait par ce biais-là. Puisqu’il n’est pas lié à l’international, ce grand pan de l’économie reprendra son activité comme avant et sera un grand amortisseur des effets de cette crise », analyse Lahlimi.

Pour lui, le discours appelant à lutter contre l’informel en cette période n’est pas très raisonnable. « Parler dans cette conjoncture de lutte contre l’informel est un faux problème. Ce secteur représente 14 à 15% de notre PIB. C’est ce secteur qui nous sauvera, sauvera l’emploi et les revenus des ménages. L’urgence aujourd’hui n’est pas de régler les problèmes structurels de l’économie, mais de retrouver le niveau d’avant la crise. Et sans l’informel, on ne pourra rebondir aussi rapidement », assure-t-il.

« Nous avons notre propre structure économique. Elle a ses faiblesses, mais aussi ses forces. Et c’est cette structure qui fera aujourd’hui qu’on ne tombera pas à des niveaux de récession aussi importants que ceux des pays européens. Il ne faut pas se comparer donc aux autres et surtout pas aux européens, ni dans l’analyse de la situation, ni dans les solutions à mettre en œuvre », conclut-il.

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