Covid-19: Au Maroc, la lenteur de la détection contribue à l'explosion des cas

Pourquoi y a-t-il une importante hausse des cas de Covid-19 ainsi que des décès? Est-ce uniquement la faute d'un relâchement de la population au niveau des mesures barrière? Est-ce que le virus est devenu plus virulent? Est-ce que les Marocains rechignent à se faire diagnostiquer pour ne pas être placés dans un hôpital de campagne éloigné? Un webinaire tenu mardi par les professionnels de la santé apporte une autre explication.

Covid-19: Au Maroc, la lenteur de la détection contribue à l'explosion des cas

Le 12 août 2020 à 8h07

Modifié 10 avril 2021 à 22h49

Pourquoi y a-t-il une importante hausse des cas de Covid-19 ainsi que des décès? Est-ce uniquement la faute d'un relâchement de la population au niveau des mesures barrière? Est-ce que le virus est devenu plus virulent? Est-ce que les Marocains rechignent à se faire diagnostiquer pour ne pas être placés dans un hôpital de campagne éloigné? Un webinaire tenu mardi par les professionnels de la santé apporte une autre explication.

Le webinaire organisé mardi 11 aout par Dr My Said Afif, président de la Société Marocaine des sciences médicales, était riche en informations.
Des bribes mises bout à bout apportent un éclairage supplémentaire, différent, sur l'une des raisons majeures de l'aggravation de la situation. Il s'agit en fait de dysfonctionnement de la détection précoce. Celle-ci, élément central de toute stratégie jusqu'à présent, suppose un diagnostic rapide des cas de Covid, y compris et surtout des cas contacts. Or, il est clairement apparu dans le débat (vidéo ci-dessous), que pour un cas contact, le délai entre l'identification de la personne, le prélèvement puis le résultat du test, est supérieur ou égal à 7 jours!

Une situation "préoccupante, grave, inquiétante"

Il y avait un consensus autour de la situation, qualifiée de "préoccupante, grave, inquiétante". Les chiffres sont parlants: au cours des derniers 7 jours, il y a eu autant de nouveaux cas que lors des mois d'avril et mai réunis. Mardi soir 11 aout, il y avait 9.277 cas actifs, "le tiers de la capacité litière du secteur public qui est de 23.000 lits", alerte le Dr Abdelkrim Meziane Bellefquih, chef de division des maladies transmissibles au ministère de la Santé publique.

L'orateur rappelle que "le Maroc a dépassé les 35.000 cas cumulés, les 500 décès. L'incidence de la maladie est désormais de 96 pour 100.000 habitants". Au moment de la levée progressive du confinement, le RT (taux de reproduction du virus) était de 0,70 au maximum dans chaque région et après le dé-confinement, "on tablait sur une remontée à 0,90; or nous sommes actuellement entre 1,2 et 1,4."

Les malades arrivent de plus en plus tard, constatent plusieurs intervenants. My Hicham Afif, DG des CHU de Casablanca, assène: "un malade sur cinq arrive (aux urgences du CHU pour les cas critiques), presqu'agonisant". Le Pr Lahoucine Barrou, chef du service de réanimation au CHU Ibn Rochd de Casablanca, assène: "23% des malades [dans un état grave] meurent à l'accueil des urgences".

Le Dr Tayeb Hamdi, vice-président de la Fédération nationale de la Santé, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé, rappelle "qu'un test sur 20 est désormais positif", ce qui est énorme.

Appel au volontariat

Saïd Ahmidouch, wali de la région Casablanca-Settat, peu porté sur l'exagération, qualifie la situation de "difficile" au Maroc et dans la région. Il décrit la hausse des chiffres, "l'arrivée de plus en plus tardive des patients, dans un état relativement grave, parfois désespéré, parfois directement en réanimation". Il est plus que favorable et préconise fortement le système des sentinelles, à commencer par le médecin du travail, le pharmacien ou le médecin de libre pratique.

"Nous sommes proches de la saturation des plateaux techniques", ajoute Ahmidouch, en invitant les cliniques privées à prendre davantage en charge des cas non-Covid. Il propose d'aiguiller une partie des accidentés de la voie publique vers le privé, à titre d'exemple, pour soulager le public. Comme d'autres orateurs, il lance un appel au volontariat des médecins ou paramédicaux, pour épauler leurs confrères du public.

Jusque là, tout le monde est d'accord sur les trois premiers constats: aggravation des indicateurs; malades arrivant de plus en plus tard et dans un état de plus en plus avancé dans les institutions de la Santé; relâchement des mesures barrières.

Le ministre a annoncé un changement du parcours du cas possible ou suspect avec la mise en place de centres référents de diagnostic et d'aiguillage destinés au Covid, dans les quartiers des villes.

"Les cas contacts doivent être dépistés au plus vite"

Ahmidouch évoque"le besoin de réorienter la stratégie de dépistage pour que les cas contacts soient dépistés au plus vite et d'aller davantage vers les groupes à risque." "Nous avons également besoin d'une augmentation de la capacité de tests et de machines additionnelles au sein du secteur privé". Il parle bien entendu de sa région, mais tout est dit: les cas contacts ne sont pas dépistés assez vite.

Le Dr Hamdi est sur la même longueur d'onde: "On teste de plus en plus tard les cas suspects. Quand un malade ne se fait pas tester de suite, il y a un retard dans le diagnostic", donc un retard dans la prise en charge, d'où une aggravation des cas.

Dr Hamdi cite une étude parue dans The Lancet le 16 juillet: "le délai entre l'apparition des symptômes et le dévoilement des résultats doit être inférieur à un jour pour endiguer l'épidémie" (ci-dessus).

Or, au Maroc, ces délais se sont au contraire allongés, peut-être en raison de la hausse du nombre de cas. "L'augmentation des tests de dépistage est la nouvelle guerre "( Dr Meziane Bellefquih).

Le nombre seul n'est pas suffisant: "il faut réduire les délais de prélèvement, d'obtention des résultats et instaurer une meilleure homogénéité dans la répartition nationale". Le même orateur, impitoyable: "Il est aberrant que l'on dépiste les cas contacts après 2, 3 ou 4 jours sans les prélever puisqu'on attende les résultats pendant 2, 3, 4 jours. Le résultat ne doit pas dépasser un délai de 36 à 48 au maximum". Voilà qui est dit.

Au final, il y a consensus autour de la nécessité de changer le parcours de diagnostic et de soin. Il est certain qu'il y a relâchement dans les mesures barrière. La situation est préoccupante. Mais il y a une chose que le ministère de la Santé peut et doit faire en priorité, c'est de raccourcir les délais d'identification, de prélèvement puis de diagnostic des cas contacts; d'élargir les tests; ce sont des décisions qui ne relèvent que du ministère. Il a la responsabilité de le faire et d'en rendre compte à l'opinion publique.

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