Daissaoui : “La défiscalisation doit bénéficier aux familles, pas aux écoles privées”

Kamal Daissaoui, élu hier président de la Fédération de la formation et de l’enseignement privé, interne à la CGEM, revient sur les années d’inactivité qui ont marqué cette fédération et assure qu’elle est à nouveau sur les rails pour défendre les intérêts des établissements privés, mais aussi des parents et des élèves.

Daissaoui : “La défiscalisation doit bénéficier aux familles, pas aux écoles privées”

Le 4 septembre 2020 à 16h13

Modifié 10 avril 2021 à 22h51

Kamal Daissaoui, élu hier président de la Fédération de la formation et de l’enseignement privé, interne à la CGEM, revient sur les années d’inactivité qui ont marqué cette fédération et assure qu’elle est à nouveau sur les rails pour défendre les intérêts des établissements privés, mais aussi des parents et des élèves.

Les établissements d'enseignement privés ne réclament plus un traitement de faveur en termes de fiscalité – une culture héritée du protectorat – mais estiment que les parents d’élèves doivent être en mesure de pouvoir déduire de leur impôt sur le revenu les frais de scolarité. Des règles d’éthique doivent également être appliquées pour enrayer toute approche clientéliste de l’enseignement. Quant au mécontentement des parents d’élèves concernant les frais de scolarité réclamés par les écoles privées pendant le confinement, Kamal Daissaoui évoque un mauvais procès et estime que les moyens déployés par les établissements pour assurer l’enseignement à distance ne peuvent être gratuits.

- Médias24 : La Fédération de la formation et de l’enseignement privé est inactive depuis de nombreuses années. Pourquoi n’a-t-elle jamais vraiment joué son rôle ?

- Kamal Daissaoui : Dans les années 90, le secteur n’était pas très mûr. Les directeurs d’écoles privées estimaient que ces dernières n’étaient pas des entreprises et qu’elles n’avaient pas à être soumises à la même politique fiscale que n’importe quelle entreprise. C’est une logique qui émane du protectorat, époque à laquelle il y avait un certain nombre d’écoles libres créées par le mouvement national de l’indépendance qui enseignait l’arabe et prônait le relais de ce même mouvement. Au lendemain de l’indépendance, ces écoles ont été privilégiées. Elles ont été défiscalisées et, jusque dans les années 90, les directeurs d’écoles rechignaient à être soumis à la même fiscalité que les autres entreprises. C’est la cohabitation de différentes visions au sein même de la fédération qui l’a fait imploser de l’intérieur.

Depuis, les choses ont évolué et le secteur a mûri. Un nombre important et croissant d’écoles ont été créées dans une logique entrepreneuriale. Ce sont des entreprises qui font de l’enseignement un service public, mais un service public géré par le secteur privé. Le gouvernement et les acteurs de l’enseignement privé n’ont pas encore réussi à se mettre d’accord sur des textes appropriés au niveau fiscal, mais la culture, la mentalité a changé ; nous sommes désormais dans une logique d’entreprise.

Nous ne parlons plus de défiscalisation, mais d’un secteur qui s’inscrive dans une logique gouvernementale qui prenne en charge les familles : la défiscalisation doit s’appliquer aux familles et pas aux écoles. Un ménage dont les enfants sont scolarisés dans une école privée doit pouvoir être en mesure de déduire de son impôt sur le revenu les frais occasionnés par l’enseignement privé.

- Parmi les axes que vous avez déclinés sur le long terme figure toutefois l’application, dans la prochaine loi de finances, d’articles qui prévoient des encouragements fiscaux…

Ces articles ne prévoient pas la défiscalisation, mais des avantages fiscaux qui ne sont pour l’instant pas appliqués. Nous demandons simplement l’activation de ce qui est prévu par la loi.

- Combien de membres compte désormais votre fédération et représente-t-elle tous les segments de l’enseignement ?

Nous réunissons plus de 500 écoles et associations au niveau de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Parmi eux, 330 ont participé à l’assemblée générale. Certains y ont été représentés à distance en raison du contexte sanitaire.

La fédération regroupe l’ensemble des segments, et c’est justement sa force : l’enseignement général (de la maternelle au secondaire), l’enseignement supérieur, la formation professionnelle et la formation continue à travers le GIAC (Groupement interprofessionnel d’aide et conseil).

- Quelles actions prévoyez-vous de mener à court terme, notamment pour la réussite de cette rentrée scolaire qui survient après cinq mois sans présentiel, et plus généralement sur le long terme ?

A court terme, l’objectif est de réussir la rentrée et de communiquer convenablement avec les parents pour leur montrer les impacts négatifs de la crise sanitaire sur l’enseignement privé au Maroc.

A long terme, notre objectif est notamment de contribuer à la mise en œuvre de la vision stratégique 2015-2030, le but étant de mettre en place une école nouvelle axée autour de l’équité et de l’égalité des chances, la qualité pour tous et la promotion de l’individu et de la société. Nous voulons aussi réaliser des études sectorielles pour développer le secteur de l’éducation et de la formation, notamment des études stratégiques à mener pour l’émergence d’un nouveau modèle du secteur privé qui soit capable d’intégrer les nouveaux paradigmes et modes de formation à l’ère de l’industrie 4.0.

- Pendant le confinement, les familles ont été nombreuses à déplorer l’insistance des écoles privées pour qu’elles s’acquittent des frais de scolarité, alors que beaucoup ont été confrontées à d’importantes difficultés financières…

C’est un mauvais procès. Dans leur grande majorité, les écoles se sont comportées en écoles citoyennes pendant cette période difficile. Il y a eu une campagne outrancière et populiste, et la plupart de ses promoteurs sont pour l’essentiel des fonctionnaires qui ont continué à percevoir leur salaire. Dans les circonstances imposées par le confinement, les écoles – aussi bien publiques que privées – ont déployé des efforts importants pour se convertir très rapidement à l’enseignement à distance. Ce nouveau mode pédagogique a nécessité l’acquisition de matériel, et donc des investissements supplémentaires de la part des écoles. Or ces services ne peuvent être fournis gratuitement.

Personne n’a demandé aux parents de payer la restauration et le transport, mais le service éducatif, lui, s’est poursuivi et a représenté un coût important pour les établissements. Dans le milieu rural et certaines petites villes, les écoles privées dont les frais de scolarité plafonnent à 300 ou 400 dirhams ont fermé ; elles n’ont pas eu la capacité financière de poursuivre leurs activités sans recette. L’impact financier se chiffre en milliards de dirhams pour les écoles privées. Certaines ne s’en relèveront pas.

- Quelles règles déontologiques prévoyez-vous d’imposer pour réguler le secteur, notamment en ce qui concerne la hausse continue des frais de scolarité et la qualité de l’enseignement ?

Nous n’avons pas l’intention de nous substituer au régulateur qu’est le ministère de l’Éducation nationale. Nous sommes dans une logique de coopération avec les pouvoirs publics.

Par l’encadrement, la sensibilisation, nous voulons instaurer de bonnes pratiques. Il faut effectivement imposer une déontologie, la première étant que l’école soit axée sur l’intérêt de l’enfant. Les enseignants doivent exercer avec éthique et privilégier l’intérêt de l’élève et l’intérêt éducatif. Il ne s’agit pas de récolter des bénéfices outranciers, mais d’offrir aux enfants un service d’enseignement de qualité. C’est un impératif éducatif de bon sens, mais encore faut-il que les établissements aient les équilibres financiers nécessaire à leur pérennité.

Mais au vu des intérêts financiers qui sont en jeu, comment ne pas verser dans une approche clientéliste de l’enseignement ? Autrement dit, comment ne pas faire des élèves et de leurs parents des clients rois afin de les garder à tout prix pour, justement, préserver ces équilibres financiers ?

L’enseignant reste le maître : c’est lui qui mène les évaluations, et ce justement dans l’intérêt de l’enfant. Car ce n’est pas dans l’intérêt de l’élève qu’il devienne roi. Le processus éducatif doit se poursuivre et c’est l’enseignant qui en est le garant. Un enseignement de qualité passe d’abord par les compétences des professeurs, qui doivent avoir une liberté pédagogique dans leur approche et disposer de tous les outils logistiques pour mener à bien leur mission – qui est aussi celle de la socialisation de l’enfant. Quant aux affaires financières, elles relèvent de l’administration.

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