Les pilotes licenciés par la RAM adoucissent le ton sans renoncer à leurs demandes

Ils ne parlent plus de faire grève et mènent une campagne de lobbying auprès des partis politiques pour faire entendre leurs propositions et arguments. Ils veulent préparer avec les autorités une feuille de route globale pour assurer la survie de la RAM.

Les pilotes licenciés par la RAM adoucissent le ton sans renoncer à leurs demandes

Le 17 septembre 2020 à 19h35

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Ils ne parlent plus de faire grève et mènent une campagne de lobbying auprès des partis politiques pour faire entendre leurs propositions et arguments. Ils veulent préparer avec les autorités une feuille de route globale pour assurer la survie de la RAM.

Après le brouhaha médiatique, les attaques et les contre-attaques menées après leur licenciement fin août, les 65 pilotes licenciés par la direction de la RAM dans le cadre du plan de sauvetage de la compagnie, organisent leur action et adoucissent leur discours.

Leur action prend aujourd’hui la forme d’une campagne de lobbying politique qui vise à démontrer, comme nous l’indique un des meneurs du groupe des 65, que leur licenciement est « un non-sens économique ». Et que « la compagnie nationale avait de meilleures alternatives pour réduire ses charges tout en maintenant une paix sociale qui sera nécessaire au moment de la reprise ».

Premières rencontres : Ouahbi, Baraka et Benabdellah

En une semaine, les représentants des pilotes licenciés par la RAM ont déjà pu établir le contact avec trois chefs de partis : Abdellatif Ouahbi du PAM, Nizar Baraka de l’Istiqlal et Nabil Benabdellah du PPS.

Des rencontres où il était question selon notre source de traiter trois points :

1- « dédiaboliser l’image que peuvent avoir certains politiques sur les pilotes, après la campagne acharnée menée contre nous ».

Les pilotes étaient attaqués notamment sur leur niveau de salaire jugé exorbitant par rapport à la moyenne mondiale. Une donnée que nos interlocuteurs essaient de relativiser :

« Certains pilotes touchent en effet jusqu’à 100 000 DH par mois, avec un fixe de 52 000 DH par exemple. Le reste, c’est un salaire variable qui dépend des heures de vol. Parler du salaire d’un pilote dans l'absolu n’a pas de sens. Il faut raisonner productivité. Et au Maroc, on est non seulement loin, en montant absolu, des pilotes d’Air France, Lufthansa, ou de Qatar Airways… Mais on est les plus productifs. Nos pilotes font une moyenne de 900 heures de vols par an contre 500 heures pour les pilotes d’Air France par exemple », explique un des pilotes licenciés.

Et d'ajouter pour étayer son argumentaire que "quand la RAM avait recruté en 2018 des pilotes étrangers pour renforcer ses effectifs, ceux là étaient payés 9.500 euros nets, sans compter le variable. Et tous les pilotes étrangers recrutés à l'époque avaient à peine 300 heures de vols dans leur carrière ».

Selon notre source, le salaire des pilotes marocains est très productiviste. Le ratio fixe/variable du pilote de la RAM est de 45% en moyenne, contre 38% pour Easy Jet ou 28% pour Raynair. 

2- « Expliquer que notre licenciement ne représente qu’une infime économie pour la compagnie, et qu’il s’est fait sans respect des procédures judiciaires, tout en démontrant à travers nos propositions que la compagnie pouvait économiser encore plus tout en sauvegardant l'emploi ».

3- « Et le plus important : montrer que les défis qui attendent la compagnie sont encore plus grands que ces histoires de licenciements. Car nous ne disposons pas pour l'instant d’un plan de restructuration en bonne et due forme qui donne de la visibilité sur l’avenir de la RAM ».

Selon notre source, les trois chefs de partis rencontrés ont réagi positivement au discours tenu par les pilotes. Et comptent même demander la tenue d’une réunion spéciale de la commission des Finances pour discuter de ces points, mais surtout de l’avenir de la compagnie.

« La survie de la compagnie, c’est le principal défi. Tout le reste est dérisoire. Et c’est justement la survie de la compagnie qui nous intéresse, d’où notre démarche actuelle qui vise à sensibiliser les acteurs politiques sur les enjeux et la situation actuelle de la RAM », précise notre source.

Prochaine étape pour les pilotes : toucher les partis de la majorité et les ministres concernés par le dossier.

« Le contact est déjà établi avec l’USFP, mais nous n’avons pas encore de réponse du côté des autres partis, encore moins des ministères concernés : le tourisme, les finances, l’intérieur, l’emploi et l’industrie. Mais nous allons continuer nos démarches… ».

Les pilotes comptent également solliciter, selon notre source, la patronne du Fonds Hassan II, Dounia Taarji, du fait de son statut d’actionnaire de la compagnie aérienne.

La menace de la grève est (officieusement) levée

Cette démarche de communication et de sensibilisation s’accompagne également, comme nous l’avons senti après une longue discussion avec les concernés, par un certain assouplissement dans le discours. 

La grève potentielle par exemple, votée à la majorité par les pilotes de la compagnie, n’est plus désormais à l’ordre du jour, comme nous le confirme une de nos sources.

« Cette démarche de décréter une grève des pilotes ne visait pas réellement à bloquer la compagnie. Nous ne sommes pas des pyromanes. Mais c’était une réaction à la démarche enclenchée par la direction de la RAM et son cabinet d’avocat pour dissoudre l’AMPL. Nous voulions démontrer à travers ce geste et cette décision votée à la majorité que nous étions encore unis », explique notre source.

« Nous pensons aujourd’hui à l’avenir de la compagnie, pas à nos intérêts personnels. Et nous considérons que les licenciements réalisés sont un non-sens économique. En l'absence de projet de restructuration qui tient la route, ces départs ne serviront à rien », explique notre source.

Selon nos sources, les économies réalisées par la RAM sur le départ des 140 personnes licenciés jusque là (65 pilotes, 59 salariés du personnel navigant commercial et 16 du personnel au sol) représentent à peine 0,5% des charges d’exploitation de la compagnie.

« Ce n’est pas cela qui va sauver la RAM de cette crise. C’est ce qu’on essaye d’expliquer aujourd’hui aux décideurs politiques ».

La contre-proposition des pilotes

La RAM a versé selon notre source quelque 250 MDH d’indemnités de départ aux 140 personnes licenciées, pour réaliser en face une économie de 400 MDH sur la masse salariale sur une période de trois ans. « C’est bien loin de l’économie que comporte notre plan proposé à la mi-août », explique notre source.

Ce plan, que les pilotes continuent de défendre mordicus, prévoyait une réduction générale des salaires des pilotes qui économiserait annuellement 154 millions de dirhams, et ce sans le moindre licenciement. Ce qui équivaut sur trois ans à une économie de 462 MDH, largement supérieure à celle réalisée aujourd’hui avec une sortie de trésorerie immédiate de 250 MDH, perdus en indemnités de licenciements.

« Nous sommes prêts dès maintenant à rendre nos indemnités de départ et à consentir une baisse générale des salaires pour réaliser cette économie qui se fera sans licenciements, et sans tensions sociales, ce qui permettra à la compagnie d’être parée à la relance quand la crise passera », confie notre source. 

« Les compagnies qui seront prêtes pour la reprise et qui pourront gagner vite des parts de marchés seront celles qui auront pu sauvegarder leur capital humain. La direction de la RAM ne s’inscrit pas malheureusement dans cette démarche et semble avoir d’autres soucis », se lamente notre source.

Cet effort de réduction des salaires, les pilotes proposent de l’élargir à tout le personnel de la compagnie : directeurs, personnel navigant et personnel au sol. Il s’agit en somme de faire participer tout le monde à l’effort de sauvegarde, tout en maintenant l’emploi et la paix sociale.

« Nous sommes conscients de l’ampleur de cette crise et de son impact sur le secteur aérien ainsi que sur notre métier. Mais les difficultés de la RAM n’ont pas commencé avec la Covid. En avril déjà, la trésorerie était déficitaire de 1,2 milliard de dirhams. La crise est venue quelque part masquer tout cela. Et la manière avec laquelle la direction générale gère la situation ne semble pas être la bonne », indiquent nos sources.

Pour nos interlocuteurs parmi les pilotes, la compagnie a besoin d’un nouveau contrat programme avec l’Etat, une feuille de route claire, où tout le monde consentira des efforts pour sauver la compagnie.

« Nous avons déjà fait ça en 2011 avec le Président Benhima. Il nous a dit que la RAM perdait 20 MDH par semaine, et qu’il fallait qu’on se serre la ceinture pour sauver la compagnie. On a tous accepté de faire des efforts en adhérant à une baisse générale de la masse salariale de 10%. Nous l’avons suivi car il est venu avec un contrat programme, une vision claire pour sauver la compagnie. Aujourd’hui, à part licencier le personnel, la direction de la RAM semble n’avoir aucune vision, aucun projet. Et personne ne sait si la RAM sortira indemne de cette crise ou non. C’est cela aujourd’hui notre discours. Nous sommes prêts à consentir des efforts, mais dans le cadre d’un plan de restructuration qui donne de la visibilité sur l’avenir. Notre investissement et nos sacrifices ne doivent pas être vains ».

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