Liste grise de l’UE : voici ce que pense l’unité fiscale de l’OCDE du régime de CFC

EXCLUSIF. Melissa Dejong et Paul Hondius travaillent dans l’unité des travaux de l’OCDE sur l’harmonisation des pratiques fiscales. Le dossier de Casablanca Finance City, c’est eux qui le traitent. Ils nous parlent des causes du retard de l’évaluation du cas de CFC, de leur opinion sur la nouvelle loi sur CFC et des étapes qui attendent le Maroc pour sortir de la liste grise de l’UE sur les paradis fiscaux.

Liste grise de l’UE : voici ce que pense l’unité fiscale de l’OCDE du régime de CFC

Le 13 octobre 2020 à 14h02

Modifié 10 avril 2021 à 22h57

EXCLUSIF. Melissa Dejong et Paul Hondius travaillent dans l’unité des travaux de l’OCDE sur l’harmonisation des pratiques fiscales. Le dossier de Casablanca Finance City, c’est eux qui le traitent. Ils nous parlent des causes du retard de l’évaluation du cas de CFC, de leur opinion sur la nouvelle loi sur CFC et des étapes qui attendent le Maroc pour sortir de la liste grise de l’UE sur les paradis fiscaux.

Réuni le 6 octobre, le Conseil de l’UE a maintenu encore une fois le Maroc dans la liste grise des paradis fiscaux. Le Maroc satisfait pourtant, selon les différents rapports du conseil, tous les critères pour sortir de cette lise grise. Mais la sortie officielle de cette liste ne peut se faire, selon le Conseil de l’UE, qu’après l’examen par l’OCDE du cas de Casablanca Finance City.

Pour des responsables marocains contactés par Médias24, ce retard dans l’examen du régime CFC par l’OCDE est dû simplement à une question de calendrier, puisque les réunions qui devaient trancher sur le sujet ont été reportées à cause du Covid-19.

Nous avons contacté Melissa Dejong, chef de l’unité de l’harmonisation des politiques fiscales et des crimes fiscaux (Harmful Tax Practices and Tax & Crime) au niveau de l’OCDE pour avoir son son de cloche sur la question, les raisons de ce retard et les chances pour le Maroc de sortir de la liste grise de l’UE.

Elle a accepté de répondre à nos questions en compagnie de Paul Hondius, policy analyst dans l’unité qu’elle dirige.

Les deux cadres de l’OCDE connaissent bien le dossier Maroc, notamment celui de CFC qui relève de leur juridiction. C’est eux qui suivent le dossier, depuis l’intégration du Maroc dans le cadre inclusif de l’OCDE en 2019.

Pour eux, s’il y a eu retard dans l’évaluation du cas de CFC, ce n’est pas à cause d’un quelconque report de réunions qui étaient programmées, mais pour la simple raison que leur service n’a reçu la loi réformant le régime de cette place financière qu’il y a deux semaines. Celle-ci, passée sous forme de décret-loi, n’a été publiée en effet dans le bulletin officiel que le 1er octobre.

Nos deux interlocuteurs estiment, par ailleurs, qu’après examen de cette loi et des changements qu’elle apporte, le régime CFC est conforme désormais, d’un point vue technique, à tous les critères de l’OCDE et ne devrait plus être considéré comme un régime dommageable.

Mais cela ne reste, selon eux, qu’un point de vue technique du secrétariat de l’OCDE, car la décision sera prise au final par la réunion plénière des Etats membres du cadre inclusif de l’OCDE en matière de politique fiscale des entreprises, qui se tiendra la mi-novembre. Un groupe composé de plus de 130 pays et qui devra se baser sur les conclusions d’un sous-comité technique qui se réunira du 19 au 21 octobre.

C’est cette réunion qui se tiendra dans quelques jours qui sera décisive pour le Maroc. Car si ce sous-comité technique approuve les changements apportés par la nouvelle loi, la plénière devrait en principe aller dans le même sens. Ce qui appuiera le dossier Maroc auprès de l’UE, dont le conseil se réunira en février 2021 pour décider (ou non) de la sortie du Maroc de la liste grise.

Médias24 : le Maroc a été maintenu dans la liste grise des paradis fiscaux de l’UE lors de la dernière réunion du Conseil de l’UE tenue le 6 octobre. Une décision qui est due à l’évaluation du régime fiscal de Casablanca Finance City au niveau de l’OCDE. Pourquoi ce retard dans l’examen du cas CFC ?

Melissa Dejong et Paul Hondius : On voudrait d’abord rappeler l’histoire de cette procédure pour contextualiser les différentes étapes parcourues durant ces trois dernières années.

Le Maroc s’est retrouvé sur la liste grise de l’UE en 2017, par rapport à plusieurs régimes. Des changements ont été apportés dans certains régimes, mais le dernier régime qui devait être changé, c’était celui de Casablanca Finance City.

Initialement, la revue de ce régime a été commencée par le groupe de conduite de l’UE, mais vu que le Maroc a rejoint en 2019 le cadre inclusif de l’OCDE et est devenu ainsi partie prenante des travaux sur la fiscalité des entreprises, il a été décidé que c’est l’OCDE qui devait poursuivre la revue de ce dossier et évaluer si ce régime était dommageable ou non.

Ceci étant dit, le point qui peut déclencher à notre niveau la revue d’un régime, en vue d’établir si les changements qui y ont été apportés sont suffisants pour ne plus le considérer comme dommageable, c’est soit un projet de loi, soit une loi qui est entrée en vigueur et qui est soumise à notre groupe pour revue.

Par rapport au régime de CFC, nous avons reçu du Maroc, il y a deux semaines, la législation qui vise à changer ce régime. Cette loi a été publiée au journal officiel et est désormais entrée en vigueur.

Factuellement, ce n’est qu’à partir de ce moment-là que l’on peut démarrer la revue du régime CFC. Ce n’est donc pas lié à des retards ou des reports de réunions au niveau de l’OCDE. On aurait bien voulu aller plus rapidement si le texte était prêt avant.

- Quelle est donc la prochaine étape ?

La prochaine étape, c’est la réunion du FHTP (Forum sur les Pratiques fiscales dommageables) qui se tiendra du 19 au 21 octobre. Vu qu’on a maintenant reçu la nouvelle loi sur cette CFC, la revue du régime devra être examinée par ce groupe.

D’un point de vue technique, les changements apportés sont suffisants pour ne plus considérer le régime CFC comme dommageable

- Quelle est votre appréciation préliminaire des changements apportés par cette loi ?

Le point de vue du secrétariat de l’OCDE ne peut pas remplacer celui que nos délégués peuvent avoir. Mais à notre niveau, les signes sont plutôt favorables.

Nous pensons, d’un point de vue technique, que les changements apportés sont suffisants pour ne plus considérer le régime CFC comme dommageable. Et donc, partant de l’hypothèse que ce point de vue sera aussi partagé par le FHTP et puis par tous les membre du cadre inclusif de l’OCDE, nous espérons que nous pouvons arriver à une conclusion que le régime CFC n’est plus dommageable d’ici la mi-novembre.

A partir de ce moment-là, il y a bien évidemment toujours la procédure à suivre au niveau de l’UE pour retirer le Maroc de la liste grise. Mais pour cela, il faudra attendre la réunion du Conseil de l’UE qui se tiendra en février 2021, les mises à jour des listes étant faites deux fois par an.

Ceci dit, le Conseil de l’UE pourrait aussi tirer d’autres conclusions que celles de l’OCDE. Cela arrive très rarement, mais la décision sur la liste grise appartient au Conseil de l’UE.

- Qui décidera au niveau de l’OCDE si le régime de CFC est désormais en harmonie avec les standards internationaux et ne comporte plus de pratiques dommageables ? Qui va prendre cette décision ?

Au niveau de l’OCDE, c’est le cadre inclusif sur le BEPS. C’est un comité qui est composé de plus de 130 juridictions qui participent à nos initiatives contre l’érosion de la base fiscale. Le Maroc en fait partie, puisqu’il a rejoint ce groupe en 2019.
Le cadre inclusif est ceci dit, composé de plusieurs groupes de travail. Et le groupe qui s’occupe des régimes comme CFC, c’est le FHTP. Et ce sous-groupe technique du cadre inclusif va tenir sa réunion du 19 au 21 pour donner un avis sur le sujet. Mais au final, c’est le cadre inclusif sur le BEPS qui doit reprendre la décision. Et en général, ce groupe suit les conclusions du sous-comité technique.

- La décision passe-t-elle par un vote ?

Au niveau du sous-comité qui se réunira la semaine prochaine, la décision est prise sur la base du consensus moins 1. C’est-à-dire que l’Etat qui est revu, le Maroc, ne peut pas se prononcer sur sa propre revue.

Ce n’est pas un vote pays par pays, mais on pose des questions pour savoir s’il y a des objections à ce qu’une conclusion soit adoptée. S’il n’y a aucune objection, la décision est adoptée.

- Techniquement, qu’est-ce qui était considéré comme dommageable dans le régime CFC ?

Il y avait principalement deux principaux points.

Le premier, c’est la règle du cantonnement. Le régime qui est accordé aux entreprises qui se trouvent à CFC accorde des conditions qui ne sont pas applicables aux transactions qui sont faites sur le marché local. Il y a donc une différence de traitement fiscal entre les activités liées aux marchés étrangers et celles conduites sur le marché local.

Le deuxième point est que nos critères contiennent des exigences en matière de substance par rapport aux activités exercées dans la zone CFC. Ces exigences couvrent notamment le nombre d’employés, ainsi que les dépenses d’exploitation attribuées à la zone CFC. 

- Est-ce qu’il s’agissait également d’une question de taux d’imposition ou des exonérations dont bénéficient les entreprises de CFC ?

En vérité, nous n’avons pas de problème avec une politique fiscale adoptée dans un pays, s’il n’y a pas de distinction entre les types d’entreprises ou d’activités.

Si le Maroc a une règle fiscale qui dit par exemple que les premiers 10.000 euros de revenus sont exonérés et que cette règle est générale, cela ne pose pas de problème à notre niveau.

Le seul fait qu’il existe une exonération de tout impôt ou un taux d’imposition faible est une condition préalable pour la revue, mais ne pose pas un problème en tant que tel. Le problème commence quand le régime a des caractéristiques qui sont potentiellement dommageables, comme le cantonnement ou une absence d’activités réelles.

- La nouvelle loi régissant CFC a résolu cette problématique du cantonnement. Considérez-vous que ce changement apporté par la loi est désormais conforme à vos exigences ?

Sur le plan technique, notre point de vue est qu’il n’y a plus aujourd’hui de différence de traitement entre le marché local et étranger. Et que les revenus générés aussi bien par les clients locaux qu’étrangers sont traités de la même manière. Ce problème de cantonnement est donc résolu de notre point de vue. Il faut voir maintenant si le comité technique qui se réunira la semaine prochaine va évaluer les choses de la même manière.

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Attijariwafa Bank: ASSEMBLÉE GÉNÉRALE ORDINAIRE DES OBLIGATAIRES MARDI 7 MAI 2024

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.