Nabila Rmili : 5% des cas quotidiens à Casablanca nécessitent des lits de réanimation

Pas encore saturée, la capacité sanitaire de Casablanca est sous pression. D'éminents professeurs, contre un confinement général, (r)appellent à l'application des mesures barrières, meilleur moyen pour freiner le virus.

Nabila Rmili : 5% des cas quotidiens à Casablanca nécessitent des lits de réanimation

Le 2 novembre 2020 à 13h14

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Pas encore saturée, la capacité sanitaire de Casablanca est sous pression. D'éminents professeurs, contre un confinement général, (r)appellent à l'application des mesures barrières, meilleur moyen pour freiner le virus.

Samedi 30 octobre, l'association Tariq Ibnou Ziyad Initiative (TIZI) a organisé un webinaire auquel ont participé d'éminents professeurs dans le but, entre autres, de répondre à la question suivante : Faut-il confiner à nouveau ? 

Après avoir fait état de la situation “inquiétante” de la ville de Casablanca chiffres et témoignages à l’appui, les quatre intervenants ont unanimement appelé à une mobilisation et responsabilité collective. 

Trois d'entre eux se sont clairement positionnés par rapport à l'option du confinement général à laquelle ils s'opposent. Le confinement partiel, ou ciblé n’est pas exclu.

Casablanca : Situation "sérieuse", "inquiétante"..."Sous pression", les médecins alertent !

"La situation épidémiologique est aujourd'hui inquiétante. Depuis le 2 mars et jusqu’à aujourd’hui (30 octobre, ndlr) il y a un cumul de 88.994 cas covid confirmés par tests PCR positifs, sachant qu'il y en a d'autres que nous traitons sur image scanographique, sur état clinique ou autre", déclare Dr Nabila Rmili, directrice régionale de la santé de la région Casablanca-Settat. 

"Aujourd'hui, nous sommes à la 44ème semaine avec 11.500 cas positifs hebdomadaires". Même avec un taux de guérison élevé et un taux de létalité (1,2%) inférieur à la moyenne nationale (1,7%), Dr Rmili indique que "Casablanca est arrivée au seuil critique".

Avec une densité populationnelle qui avoisine les 350 habitants par km², la ville de Casablanca, qui est la capitale économique du Royaume, connaît un grand mouvement de jour. “Nous sommes pratiquement 5 millions à nous déplacer au quotidien”, souligne-t-elle. 

Tout ceci mène à la situation inquiétante traduite par des chiffres très importants mentionnés par la directrice régionale de la santé. 

En effet, si le taux de guérison avoisine les 84%, ce qui est un chiffre rassurant, le taux de reproduction du virus (Rt) dans la région de Casa-Settat est plus qu'inquiétant. Il est de 2,5, ce qui constitue “un seuil critique selon l'OMS", indique Dr Rmili. 

La région de Casablanca-Settat représentait, au 25 octobre, 71,3% des patients admis en réanimation, 27,8% des décès cumulés depuis le début de la pandémie et 40% des cas cumulés à l'échelle nationale.

“Au début de la pandémie, nous étions à 2 cas par semaine. Aujourd’hui nous sommes arrivés à 12.000 cas. Ce chiffre est très important parce qu’il faut dépister les cas, traiter, isoler, trouver les cas contacts et les traiter également, trouver des lits hospitaliers et de réanimation etc. La vigilance doit être doublée car nous ne pouvons plus vivre normalement en pensant qu'il s'agit d'un virus anodin", insiste-t-elle.  

Dr Nabila Rmili explique que la capacité litière augmente au fur et à mesure mais elle rappelle aussi que "le système de santé a ses limites". C'est pourquoi, "il faut arrêter l'hémorragie tant qu'il est encore temps". 

Pour Pr Jaafar Heikel, spécialiste des maladies infectieuses, épidémiologiste et expert OMS, "la situation n'est pas aussi grave ou dramatique, mais elle est vraiment sérieuse". 

C'est ce que confirme Pr Chafik Kettani, spécialisé en réanimation et médecin d'urgence. Selon lui, c'est grâce à la collaboration entre le secteur public et le secteur privé que la ville de Casablanca n'est pas saturée ou dépassée. "Cela dit, nous sommes sous pression", indique-t-il. 

Pas encore saturés, mais à ce rythme, cela ne saurait tarder. 

En effet, Dr Rmili explique que, chaque jour, 5% du nombre de cas publié nécessite des lits de réanimation. 

Avec 2.000 cas par jour et donc 100 cas graves nécessitant un lit de réanimation au quotidien, “nous serons amenés à saturer nos lits de réanimation”, alerte-t-elle.

"Nous n'avons pas le droit à la baisse de vigilance"

Au sein du ministère de la Santé, deux scénarios ont été établis; "le premier est celui de ne rien faire. Dans ce cas, une estimation démontre que les chiffres dépasseront 20.000 cas par semaine. Avec un scénario de restrictions, nous sommes aujourd'hui entre 10.000 et 11.000 cas hebdomadaires et ce, dans un système de santé fatigué et fragile". 

En effet, le personnel de santé est mobilisé depuis le mois de mars, sachant que le congé annuel a été suspendu en août, sur décision du ministre de la Santé. Ajoutant à cela la hausse de cas positifs dans les rangs du personnel soignant, Dr Rmili rappelle que "nous n'avons pas le droit à une baisse de vigilance". 

"Aujourd'hui, nous sommes pratiquement à 600 membres du personnel de la direction régionale (de Casablanca-Settat, ndlr) qui sont atteints du Covid. Nous devons réfléchir à ce que nous voulons pour ce pays, à ce que nous voulons pour la ville de Casablanca", ajoute-t-elle. 

Dans le cadre de la sensibilisation des citoyens, Dr Nabila Rmili donne pour exemple des cas de tétraplégiques, âgés qui sont décédés après avoir été contaminés par le covid-19 et ce, sans quitter leur domicile. Comment ont-ils été atteints ? "On leur a ramené la pathologie chez eux", répond-t-elle. 

Pr Kettani appelle les citoyens "à ne plus se mélanger, à favoriser les contacts par téléphone et éviter de se déplacer lorsque la sortie n'est pas nécessaire".

Autre rappel: l'importance du diagnostic rapide. "Quand le patient vient vers nous au bout du 3ème ou 4ème jour, nous pouvons agir. Lorsqu'il ne se manifeste qu'après 9 jours, il est toujours possible d'agir mais difficilement. Par contre, quand il ne vient qu'au bout du 14ème jour, il n'y a plus rien à faire", souligne Pr Kettani. 

"Quand on sort dans la rue, on ne constate pas le respect de la distanciation physique, ni que le port du masque est généralisé. A mon avis, il faut plus de sévérité mais aussi plus de sensibilisation", déclare Amine Nejjar, vice-président de l'Alliance des économistes istiqlaliens et conseiller du président de l'Union générale des entreprises et des professions. 

Ces conseils ne sont pas nouveaux, mais les intervenants estiment que la sensibilisation des citoyens doit continuer et même augmenter et ce, car nous sommes à la veille d'un "hiver meurtrier"

Novembre et décembre: deux mois critiques

"Nous nous attendons à avoir deux mois critiques. Il s'agit des mois de novembre et de décembre", déclare Dr Rmili. 

Cette dernière rappelle que suite aux efforts fournis par le Maroc, "le vaccin sera bientôt là". Mais en attendant, "il faut être patient. Nous avons deux mois à tenir", martèle la même source. 

Patienter, oui. Mais comment ? La réponse, selon les professeurs intervenants, est simple: "les gestes barrières sont le meilleur moyen pour freiner la progression du virus", annonce Pr Heikel. 

Ce dernier estime qu'il est nécessaire de faire "un compromis entre le sanitaire, le social et l'économique" qui sont, selon lui, "intimement liés car la santé est déterminée par un certain nombre de critères socio-économiques et vice-versa". 

"Je suis le premier à dire qu'il est extrêmement important de redonner la vie sociale à nos concitoyens. Dans le cas de l'ouverture des mosquées par exemple, il faut que tous les pratiquants qui y vont respectent les mesures barrières", poursuit-il. 

“Le retour d'un confinement général serait une erreur”

"Ce n'est pas le confinement total qui va résoudre le problème", déclare professeur Jaafar Heikel. 

Un avis que partagent Pr Chafik Kettani et M. Nejjar. Selon ce dernier, “le retour d'un confinement général serait une erreur". 

Pour Dr Nabila Rmili, "l'équation est très difficile", mais "la balance est simple. Un confinement va certainement faire baisser le taux de contagion, mais pourquoi attendre que cette décision drastique soit prise par les autorités ?". Autrement dit, pourquoi ne pas limiter les déplacements aux plus nécessaires uniquement ? Pourquoi ne pas éviter les rassemblements, sans attendre que cela soit imposé par le gouvernement ?

Pr Heikel estime que le confinement général n'est pas la meilleure solution, car “ses conséquences pourraient être dramatiques et ce, sur le plan socio-économique d'une part et sanitaire d'autre part. Par contre, lorsqu'il faut des confinements restreints à une région, un quartier, pendant une durée limité dans le temps, dans le but de freiner la progression du virus, je peux y croire", ajoute la même source. 

Pour sa part, Pr Kettani estime que "l'économie ne doit pas s'arrêter". D'autant plus "qu'il ne peut y avoir de santé sans économie". 

"Tout le monde veut pouvoir travailler pour vivre et être soigné en cas de maladie. Dans ce cas, il n'y a pas 70 façons de faire: pour travailler, il ne doit pas y avoir un confinement total. C'est le citoyen qui doit comprendre qu'il n'a pas le choix que de vivre avec le virus. Les décisions gouvernementales doivent, quant à elle, se diriger vers des mesures restrictives", recommande-t-il.

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