Contribution de solidarité: les partis invitent le gouvernement à revoir sa copie

Aucun groupe parlementaire ne soutient à 100% la formule proposée par le gouvernement, et tous les partis proposent des amendements pour rectifier le tir, y compris dans les rangs de la majorité. Les propositions sont différentes d’un parti à l’autre mais vont toutes dans le même sens : relever le seuil de taxation des personnes physiques, avec une progressivité dans les taux, ainsi qu’une taxation plus large des entreprises.

Contribution de solidarité: les partis invitent le gouvernement à revoir sa copie

Le 10 novembre 2020 à 20h17

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Aucun groupe parlementaire ne soutient à 100% la formule proposée par le gouvernement, et tous les partis proposent des amendements pour rectifier le tir, y compris dans les rangs de la majorité. Les propositions sont différentes d’un parti à l’autre mais vont toutes dans le même sens : relever le seuil de taxation des personnes physiques, avec une progressivité dans les taux, ainsi qu’une taxation plus large des entreprises.

Médias 24 a consulté les propositions d'amendements déposés par les principaux groupes parlementaires autour de la disposition du projet de loi de finances 2021 instituant une nouvelle contribution de solidarité. Cette mesure a créé un grand clivage politique et a été critiquée par la majorité des députés de la commission des finances.

Répondant aux critiques des députés, le ministre des Finances avait défendu sa mesure mais a laissé une brèche ouverte en assurant que « le gouvernement est prêt à interagir avec les propositions des parlementaires, en ce qui concerne la contribution de solidarité pour les personnes physiques ». Une manière d’exclure tout débat ou changement qui viserait la contribution fixée pour les sociétés.

Cette brèche, tous les groupes parlementaires de la première chambre veulent non seulement s’en saisir mais proposent aussi de grands aménagements sur la contribution de solidarité des sociétés. Et ce, y compris dans les rangs de la majorité dont est issue l’argentier du Royaume.

La majorité n’est pas alignée sur la position du gouvernement !

La formule actuelle contenue dans le PLF 2021 institue trois taux : 1,5% pour les personnes physiques touchant des revenus de plus de 10 000 DH mensuels net, 2,5% pour toute entreprise qui réalise un bénéfice net compris entre 5 et 40 MDH et 3,5% pour les sociétés qui dégagent des bénéfices supérieurs à 40 MDH. Les groupes de la majorité (PJD, RNI, USFP et MP) se sont ligués pour faire changer cette formule.

Dans une proposition d'amendement commun, ils proposent deux modifications majeures :

Relever le seuil de taxation des personnes physiques à 20 000 dirhams (au lieu de 10 000 DH), avec l'institution de taux progressifs pour deux tranches de revenus :

- 1% pour les revenus compris entre 20 000 et 35 000 dirhams net,

- Et 2% pour les revenus dépassant les 35 000 dirhams net.

Objectif selon eux : « épargner une bonne partie de la classe moyenne et des retraités ».

Deuxième changement, inattendu il faut l’avouer : baisser le seuil de taxation des sociétés de 5 à 1 MDH, avec l’institution d’une progressivité de taux sur 4 tranches :

- 1% pour les sociétés qui font entre 1 et 5 MDH de bénéfices,

- 2% pour celles qui dégagent entre 5 et 20 MDH de bénéfices,

- 3% pour les bénéfices compris entre 20 et 40 MDH,

- et un dernier taux de 4% pour les firmes qui font plus de 40 MDH de résultat net annuel.

Pour les groupes de la majorité, cette proposition vise à « faire participer toutes les catégories d’entreprises à l’effort de solidarité, chacune selon sa capacité. Ce qui permettra d’élargir l'assiette de cette contribution qui servira à financer une partie du chantier de l'élargissement de la couverture sociale ».

Le PAM, l’Istiqlal et le PPS révisent les seuils et visent les oligopoles

Les partis de l’opposition ne disent pas autre chose, mais sont allés encore plus loin que les formations de la coalition gouvernementale.

Pour les personnes physiques, le PAM propose par exemple d’exempter tout simplement les revenus salariaux, tout en gardant cette contribution sur les autres types de revenus notamment ceux issus des opérations de boursicotage.

Sans agir sur le seuil de taxation qui reste de 10 000 DH, mais qui n'inclut pas, du coup, la catégorie des salariés, des fonctionnaires et des retraités, le PAM propose trois différentes tranches :  

- Un taux de 1,50% pour les revenus situés entre 120 000 et 240 000 DH net l’année (10 000 à 20 000 DH par mois),

- 2,5% entre 240 000 et 360 000 DH de revenus (20 000 et 30 000 DH mensuels),

- Et un dernier taux de 3,5% pour les revenus de plus de 360 000 DH l’année (30 000 DH le mois).

Toutefois, si le groupe du PAM veut exonérer les salariés, les fonctionnaires et les retraités de cette contribution, il considère que les primes ou toute forme d’indemnité qu’ils perçoivent doivent être soumises à cette taxe de solidarité. Et ce, au taux supérieur de 3,5%, comme pour les plus-values sur les opérations mobilières (achat et vente d’actions ou de titres financiers).

Pour les sociétés, le PAM garde toutefois le seuil des 5 MDH mais propose de nouveaux taux, plus élevés, suivant trois tranches de bénéfices :

- 2,50% sur les bénéfices de 5 à 40 MDH,

- 3,50% pour les sociétés qui font plus de 40 MDH de bénéfices,

- et 5% pour les banques, assurances, établissements financiers, Bank Al Maghrib, la CDG, les opérateurs télécoms, les pétroliers et les cimentiers.

Au-delà de la contribution de solidarité, le parti du tracteur estime que les pétroliers et les opérateurs télécoms doivent désormais être soumis à un taux de l’IS de 37% (contre 30% actuellement) du fait de leur position oligopolistique. Ce taux de 37% est déjà appliqué pour rappel aux établissements financiers (banques et compagnies d’assurances).

Même proposition déposée par le groupe de l’Istiqlal, qui veut taxer ces mêmes opérateurs à 37% dans le cadre de l’IS dans l‘objectif d’augmenter les recettes de l’Etat.

Mais sur le chapitre de la contribution de solidarité, il propose pour les personnes physiques de revenir à la formule de 2013 : un seuil de taxation qui démarre à partir d’un revenu mensuel net de 30 000 DH le mois pour un taux de 2%.

L’Istiqlal propose également une revue à la baisse du seuil de taxation des sociétés à 2 MDH, en deux tranches : une première entre 2 et 40 MDH de bénéfices pour un taux de 2,5% et une seconde appliquée aux sociétés qui font plus de plus de 40 MDH de bénéfices pour un taux de 3,5%.

Le PPS suit la même ligne. Il propose de baisser le seuil de taxation des sociétés à 1 MDH, en instaurant une progressivité dans les taux de contribution selon les niveaux de bénéfices réalisés : 2% entre 1 et 5 MDH, 3% entre 5 et 20 MDH, 3,5% entre 20 et 40 MDH et un dernier taux de 4% pour les bénéfices dépassant les 40 MDH. Objectif affiché : faire participer le maximum de sociétés dans l’effort de solidarité nationale.

Quant aux personnes physiques, le parti du Livre propose le relèvement du seuil à 20 000 DH, en instituant également une progressivité de taux selon les tranches de revenus :

- 1% pour les revenus situés entre 20 000 à 33 333,33 DH (240 000 et 400 000 dhs annuels),

- 1,5% entre 33 333,33 et 41 666,66 DH (400 001 et 500 000 annuels),

- 3% entre 41 666,66 et 83 333,33 DH (500 007 dhs et 1 MDH),

- et un taux de 4% au-delà des 83 333,33 DH (ou 1 MDH annuels).

 La FGD : la fortune avant les revenus 

La FGD se distingue dans ses propositions d’amendements par l’exclusion des revenus du champ d’application de la contribution de solidarité.

Son raisonnement est le suivant comme nous l’explique le député Omar Balafrej : « Nous pensons au niveau de la FGD qu’avant de demander aux salariés et aux fonctionnaires de contribuer à la solidarité, il faut commencer par taxer le capital et le patrimoine. Il est temps que les détenteurs de capitaux soient mis à contribution », nous explique-t-il.

La FGD propose ainsi la suppression de la formule proposée par le gouvernement et l’institution de taux progressifs sur les personnes physiques détentrices d’un patrimoine dont la valeur s’élève à partir de 5 MDH.

La contribution est à la fois symbolique et progressive :

- 0,1% pour les patrimoines d’une valeur de 5 à 10 MDH,

- 0,2% entre 10 et 20 MDH,

- et 0,5% pour les patrimoines valorisés à plus de 20 MDH.

Concernant les sociétés, la FGD exclut également toutes les entreprises du champ d’application de cette taxe de solidarité. Et se contente de proposer un taux de 5% sur le chiffre d’affaires du dernier exercice comptable des pétroliers (importateurs et distributeurs).

« Cet amendement vise à éviter d’ajouter une nouvelle pression fiscale sur les salariés, les fonctionnaires et les PME et à rétablir une justice fiscale », explique la FGD dans le document portant l’ensemble de ses amendements.

La FGD estime que ces contributions peuvent rapporter plus de 10 milliards de dirhams à l’Etat, contre les 5 milliards escomptés par le gouvernement. Elle propose d'affecter 60% de cette recette au financement de la généralisation de la protection sociale et d’utiliser le reste (40% ou 4 milliards) pour soutenir les efforts de généralisation de la scolarisation obligatoire et l’amélioration de la qualité de l’éducation. « On peut grâce à ce budget offrir des tablettes à tous les enfants des classes défavorisées », écrit à titre d’illustration la FGD.

Si leurs positions sont différentes, majorité et opposition semblent d’accord au moins sur une chose : épargner la classe moyenne, les salariés et les fonctionnaires.

La version Benchaâboun qui cible les revenus démarrant à 10 000 dirhams sera ainsi fort probablement retoquée au niveau de la Première chambre. Quant aux sociétés, le jeu politique et les négociations habituelles dans les coulisses de l’hémicycle pourront faire revenir plusieurs groupes parlementaires sur leurs positions, notamment ceux de la majorité. 

 

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