Ce que coûte un jour de réanimation Covid en clinique privée (Etude)

Médias24 livre ici des données chiffrées sur ce que coûte un jour de réanimation Covid, sur la base d'une étude analytique faite sur un échantillon de 85 malades dans une clinique casablancaise. Détails et analyse.

Ce que coûte un jour de réanimation Covid en clinique privée (Etude)

Le 16 novembre 2020 à 20h30

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Médias24 livre ici des données chiffrées sur ce que coûte un jour de réanimation Covid, sur la base d'une étude analytique faite sur un échantillon de 85 malades dans une clinique casablancaise. Détails et analyse.

La polémique autour des tarifs pratiqués par les cliniques privées dans le cadre de la prise en charge des cas Covid sévères et critiques continuent de faire couler de l'encre. Plus récemment, ce sont les associations de protection des consommateurs qui sont montées au créneau pour demander une intervention du chef du gouvernement pour réglementer les prix. 

Médias24 a consacré une série d'articles pour expliquer et apporter des éclairages sur cette question complexe où ont été présentés les différents points de vue. 

Dans ce dossier, il y a lieu de distinguer le coût réel de prise en charge dans le privé (Covid et hors Covid) des tarifs nationaux de référence de l'AMO fixés il y a 15 ans et qui sont toujours en vigueur malgré la prise de conscience de la tutelle qu'ils sont dépassés, et cela de l'aveu même du ministre de la Santé et du directeur général de l'ANAM.

Il faut aussi distinguer le coût d'une réanimation normale de celui d'une réanimation Covid qui est plus élevé au regard de la nature de la maladie et du virus.

Il y a lieu aussi de préciser qu'en dehors de cette problématique, il y a des suspicions de cas de fraude et de surfacturation sur lesquelles l'ANAM et l'inspection générale du ministère de la Santé enquêtent. 

Ceci étant dit, tous les débats actuellement engagés à ce sujet se basent, à raison, sur les réclamations des populations qui estiment que le coût de prise en charge dans le privé est trop élevé. Cela, alors qu'une autre partie de la population bénéficie de la même prise en charge (au moins du côté médical) gratuitement dans les structures publiques.

Dans cet article, Médias24 donne la parole aux cliniques privées pour apporter leurs arguments. 

Médias24 dispose d'une étude faite sur la base des coûts réels engagés pour un échantillon de 85 patients dans une clinique privée à Casablanca. Cette analyse des coûts n'est pas forcément applicable à l'ensemble des structures privées. Voici ses principales données. 

Selon cette étude, "les coûts de la réanimation varient en fonction de la structure, de l’état des patients accueillis, de la disponibilité des ressources. La Covid engendre des surcoûts liés à la nature de la maladie". 

Dans cette analyse, les dépenses sont de deux natures : soit directes (les dépenses des personnels, les consommables, les médicaments) ou indirectes à savoir les dépenses de structure. 

Les plus importantes sont les dépenses directes composées des dépenses variables et des dépenses fixes. Ces dernières comprennent essentiellement le coût du personnel.

5.200 DH/jour pour la réanimation 

En ce qui concerne les dépenses variables, il y a d'un côté les coûts des consommables et des frais médicotechniques. C'est ce qui est généralement inclus dans le forfait de la réanimation au niveau du tarif nationale de référence.

On y inclut le linge par exemple ou le matériel de protection des équipes. "On a une équipe de 4 personnes qui doit changer toutes les 4 heures ne serait-ce que les masques FFP2 qui coûtent 25 DH/unité en plus des tenues qui coûtent 300 DH,... Cela c'est le minimum absolu. C'est un coût de 150 DH /lit /jour", nous explique l'un des auteurs de l'étude qui préfère garder l'anonymat. 

Il y a aussi l'oxygène, un des éléments majeur dans la réanimation Covid. "En réanimation classique on utilise 5 à 6 litres d'oxygène par minute. En soins intensifs Covid on monte à 15 ou 20 litres par minute. On a des patients qui vont atteindre jusqu'à 850 DH d'oxygène/jour", ajoute-t-il. 

Quand on regroupe les estimations du consommable, le coût quotidien atteint 805 DH pour les soins intensifs et 1.200 pour la réanimation. 

Si on additionne à ce montant le coût des équipements et de la restauration, le coût moyen pour ce poste est de 1.304 DH pour les soins intensifs et 2.400 DH pour la réanimation, à en croire cette étude. 

Viennent ensuite les dépenses liées à la pharmacie et aux examens complémentaires. Ces dépenses peuvent extrêmement varier, d'après les professionnels interrogés à ce sujet. "On peut passer d'une facture à 1.000 DH/ à une autre à 3.000 DH/ jour. C'est très variable car cela dépend de l'état du patient. C'est la même chose pour les examens biologiques. Par exemple, le suivi de l'état d'un patient qui désature peut nécessiter de mesurer la gazométrie trois fois par jour au lieu d'une seule fois". 

En somme selon cette analyse, une journée en soins intensifs dans une clinique privée coûte au minimum 3.445 DH (ce qui correspond aux 1.500 de la TNR). Si on ajoute le poste médicament avec une moyenne de 1.700 DH (ce montant peut doubler ou tripler en fonction de l'état du malade) nous arrivons à un coût quotidien de 5.200 DH. Ce coût est de plus de 8000 DH pour la réanimation, à en croire cette étude. 

Ainsi un séjour de 6 jours coûte à la clinique dans les 31.000 DH. Pour la réanimation, ce montant monte à 48.500 DH les 6 jours. 

Il y a lieu de préciser que ces montants n'ont pas été analysés sous le prisme des étapes du protocole thérapeutique (un cas critique nécessite en moyenne 10 jours en réanimation) et ne comprennent pas la marge bénéficiaire de la clinique.

Toutes les cliniques n'ont pas la même structure de coûts

Ces données se rapprochent-elles de la réalité de la pratique chez toutes les cliniques ? Interrogé, Dr Rochdi Talib, directeur général du Groupe Akdital explique que "le coût de la réanimation d'une structure à Casablanca n'est pas le même que celui d'une structure à El Jadida par exemple. C'est un point important qu'on a tendance à ignorer. L'état du patient est également un facteur impactant, si ce n'est le plus impactant, car certains patients peuvent arriver dans un état avancé nécessitant beaucoup plus de temps, de matériels et de médicaments. J'évoque là des facteurs qui impactent la réanimation de manière générale, hors Covid. En plus au niveau de la Covid, la nature de la maladie est très consommatrice de ressources et de médicaments".

"Il faut aussi noter que la réanimation nécessite plus d'effectifs que les soins intensifs. Une équipe pour les soins intensifs est composée d'un infirmier, d’un aide-soignant et d’un anesthésiste-réanimateur. Un pneumologue peut être appelé en renfort. Pour la réanimation, c'est généralement 2 infirmiers et deux aides-soignants en plus des médecins. Néanmoins, ce point est un facteur variable selon les structures. Une petite clinique pourra éventuellement consacrer une infirmière à la réanimation qui devra jongler entre plusieurs lits afin de rentrer dans l'exigence des tarifs de référence", indique notre interlocuteur qui confirme par ailleurs, que les données de cette analyse se rapprochent de la réalité du terrain.

D'après les cliniques privées sondées, les coûts sont loin d'être ceux annoncés comme la référence à savoir les 35.000 DH. 

Le PPP, l'ultime solution ?

"Idéalement, nous aimerions ne plus avoir cette relation financière directe avec les patients. Et cela passe par un système de couverture médicale et du tiers payant qui couvre l'ensemble de la population avec des tarifs qui correspondent à la réalité de la pratique médicale. Ce qui n'est pas le cas aujourd'hui", nous déclare Mohamed Elmandjra, PDG du réseau Oncologie et Diagnostic du Maroc (ODM).

"L'existence de cette problématique, même en dehors du Covid avec les patients nous met dans une position inconfortable dans le sens où nous sommes obligés de nous assurer de la solvabilité des patients et nous prémunir contre certains comportements comme le manque de couverture ou même les refus de paiement… surtout que nous n'avons aucun recours contre ces comportements. Les impacts financiers peuvent être significatifs", avance-t-il. 

"La clinique est vue par l'administration fiscale comme un contribuable qui doit s'acquitter de ses taxes. Elle est vue par la banque comme une entreprise comme les autres et doit donc respecter ses échéances. Elle est vue par l'Etat comme un acteur qui doit respecter les textes de lois et la réglementation aussi caduque soit-elle. Et elle est vue par le citoyen comme une institution qui doit assurer un service public. C'est une équation qu'il faut résoudre".

"C'est aussi pour éviter ce genre de polémique et mettre fin à ce problème que nous demandons l'activation du partenariat public-privé. On peut fournir le service public dans le cadre d'une contractualisation avec l'Etat. Mais on ne peut pas demander à une institution privée qui à la fin du mois doit payer ses charges, ses échéances bancaires, ses taxes... de se substituer à l'Etat gratuitement", propose le PDG du groupe ODM. 

Selon lui, les possibilités sont nombreuses. "Mettez en place des vouchers. Normalement la Covid doit être traitée dans le public, si un patient part dans une structure publique et ne trouve pas de place, celle-ci doit lui fournir un voucher correspondant à un montant donné qu'il peut utiliser dans le privé par exemple. Soyons plus réalistes, pourquoi ne pas mettre à la disposition des cliniques une caisse de recours ? Cette caisse entre en jeu pour couvrir les factures impayées ou les chèques en bois", ajoute-t-il. 

Mais comme il existe des citoyens qui se défilent des paiements, il existe aussi des cliniques peu scrupuleuses qui profitent de la détresse des gens pour surfacturer les gens.

Sur ce point Mohamed Elmandjra répond que "si le ministère communique que le coût moyen réel d'une réanimation Covid, (pas le tarif de référence), tourne autour de 10.000 DH/jour et que le patient reçoit une facture avec 20.000 DH/ jour, ce dernier va s'étonner. Ce qui permettra de combattre les abus." "Mais quand les gens font le compte sur la base de 1500 DH/jour et reçoivent une facture à 5.000 DH ils crient à l’arnaque, et ça dessert tout le monde."

"Il faut communiquer aux populations les estimations réelles des coûts, ce n'est qu'à partir de là que l'on peut démasquer et distinguer les abus et fraudes du reste. L’écrasante majorité des médecins que je connais et des professionnels du secteur sont des gens mobilisés, dévoués et compétents, il est bien dommage de les accuser à tort dans un discours populiste qui ne mène à rien", conclut Elmandjra.

C'est au ministère donc d'intervenir pour mettre fin à cette polémique, d'abord en menant les enquêtes, sévir en cas d'abus ou de fraude avérés et ensuite en communiquant sur les coûts réels liés au Covid. 

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