Craintes pour la zone humide de la Moulouya à cause d'un projet de barrage

Le projet de construction du barrage Machraa Safsaf, dans la région de l’Oriental, menace la disponibilité des dernières eaux qui jaillissent des sources situées après le barrage Mechra Homadi. Si ces eaux viennent à être entièrement stockées par le barrage Machraa Safsaf, la zone humide du fleuve de la Moulouya sera complètement asséchée.

Craintes pour la zone humide de la Moulouya à cause d'un projet de barrage

Le 30 novembre 2020 à 16h27

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Le projet de construction du barrage Machraa Safsaf, dans la région de l’Oriental, menace la disponibilité des dernières eaux qui jaillissent des sources situées après le barrage Mechra Homadi. Si ces eaux viennent à être entièrement stockées par le barrage Machraa Safsaf, la zone humide du fleuve de la Moulouya sera complètement asséchée.

La zone humide du fleuve de la Moulouya pourrait bientôt être complètement asséchée. C’est ce qui inquiète les associations affiliées au collectif de lEcolo Plateforme du Maroc du Nord, dont le siège est à BerkaneDes craintes fondées sur le projet de construction d’un barrage d’une capacité de 600 millions m³ à Machraa Safsaf, dans la province de Berkane. Il s’inscrit dans le cadre du Plan national d’approvisionnement en eau potable et en eau d’irrigation 2020-2027, dont la convention cadre a été signée le 13 janvier.

Quatre barrages jalonnent déjà le fleuve de la Moulouya : le barrage Mohammed Vle barrage Hassan II, le barrage Laghrass et le barrage Mechra Homadi''Le débit du fleuve est régulé par ces quatre barrages. Cela signifie que l’eau est stockée dans ces barrages et déviée vers les canaux d’irrigation pour irriguer l’agriculture et approvisionner la population en eau potable. L’Agence du bassin hydraulique de la Moulouya ne laisse passer aucune goutte, sauf à l’occasion des grandes inondations qui risquent de faire exploser les barrages. Dans ce cas, des lâchers d’eau sont effectués pour protéger les barrages, non pas pour alimenter le débit écologique. Les sources situées après le barrage Mechra Homadi nous donnent un débit de 7 m³/seconde. Environ 80% de ce débit est drainé vers l’agriculture et l’eau potable'', explique à Médias24 Mohamed Benata, ingénieur agronome et président de l’Espace de solidarité et de coopération de l’oriental (ESCO), une association de défense de lenvironnement basée à Oujda.

Des installations individuelles qui menacent davantage le débit du fleuve

ce drainage conséquent s’ajoute celui généré par deux stations de pompage : celle de Moulay Ali dans la province de Berkane, qui pompe 3.9 m³/seconde, et celle de Ouled Setoute dans la province de Nador, qui pompe 1.5 m³/seconde. L’objectif est de transférer l’eau de ces sources vers l’irrigation agricole. Plus inquiétant encore : selon Mohamed Benata, une trentaine de stations de pompages individuelles ont été installées par des agriculteurs pour irriguer leurs parcelles agricoles, contournant ainsi le réseau d’irrigation. ''Au total, c’est donc 90% du débit de ces sources qui est orienté vers l’agriculture. La zone humide du bassin de la Moulouya ne recueille que les 10% restants, qui proviennent justement des petites sources en aval du barrage Mechra Homadi'', précise Mohamed Benata.

Ces sources, déjà bien amaigries, pourraient être réduites comme peau de chagrin à l’issue de la construction du barrage Machraa Safsaf. ''Il récoltera la totalité de ces eaux qui jaillissent encore de ces sourcesAutrement dit, toute l’eau des dernières sources de la Moulouya sera stockée au niveau de ce barrage. Il ne restera donc aucune goutte pour le débit écologique de la Moulouya, et la zone humide du fleuve sera complètement asséchée. C’est toute une biodiversité qui est menacée'', s’inquiète Mohamed Benata.

''Les zones humides jouent un rôle très important dans la préservation de la biodiversité et dans la lutte contre les changements climatiques. Leurs fonctions écologiques sont nombreuses, dont l’absorption des inondations des rivières, et elles constituent un milieu très important pour la migration de nombreuses espèces de poissons devenues rares ou menacées au Maroc, ainsi qu’un lieu de repos, de nidification ou d’hivernage pour de nombreuses espèces d’oiseaux d’intérêt mondial. Ce sont aussi des refuges pour un grand nombre d’espèces endémiques, menacées ou rares aux échelles internationales, nationales et régionales. Elles sont caractérisées par une grande diversité d’habitat. La faune et la flore y sont particulièrement riches'', soutient le militant écologiste.

Une zone qui abrite des espèces animales et végétales ''remarquables''

L’embouchure de la Moulouya est un site d’intérêt biologique et écologique (SIBE), classée depuis 2005 parmi les sites de la ''Convention relative aux zones humides d’importance internationale particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau'', dite Convention Ramsar, du nom de la ville iranienne où ce traité international a été adopté le 2 février 1971, et que le Maroc a ratifié le 20 octobre 1980.

Selon la fiche descriptive sur les zones humides Ramsar, l’embouchure de la Moulouya abrite ''trois espèces végétales remarquables'' : le Limonium cymuliferum, ''très rare au Maroc et assez bien représentée dans le site'' ; le Paspalum vaginatum, ''très rare dans le pays et dans le site'' ; le Ruppia maritima, ''vulnérable au Maroc et abondante dans le site''.

La fiche descriptive relève aussi ''deux formations végétales (sansouire à Arthrocnemum macrostachyum et forêt alluviale à Tamarix canariensis) présentant des étendues exceptionnelles (du moins à l’échelle du Maroc) ; elles jouent par là un rôle important dans le maintien de la biodiversité de l’avifaune nicheuse et migratrice''. Le site héberge également plusieurs espèces animales globalement menacées, rares ou vulnérables, notamment des oiseaux, des poissons et des mammifères. ''Un mammifère menacé au Maroc (la Loutre Lutra lutra) vit encore le long de la rivière'', mentionne la même source.

Mohamed Benata s’inquiète surtout de savoir si une étude d’impact sur l’environnement (EIE) a été réalisée concernant ce projet de barrage, conformément à la loi 12.03. ''Cette loi a jeté les bases de l’évaluation des impacts des projets de développement sur l’environnement naturel et social. Les études d’impact environnemental, sur lesquelles se situent les départements et communautés concernés, ont permis de réaliser des progrès significatifs en matière de protection de la biodiversité. Ces comités ont fourni une réelle opportunité de défendre les nombreux sites biologiques et sites Ramsar contre les impacts des projets environnementaux à fort impact''. C’est donc là toute l’importance de cette loi et de son application, estime Mohamed Benata.

Contacté par Médias24 pour savoir si une EIE a été réalisée dans le cadre de ce projet, le ministère de l’Equipement, du Transport, de la Logistique et de l’Eau n’avait pas encore répondu à nos sollicitations à l’heure où cet article a été publié.

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