Les recrutements perturbés par la crise sanitaire et économique

La reprise des recrutements n’a globalement pas été cassée, mais les contaminations recensées dans les entreprises et l’absence de visibilité en ont chamboulé le processus. Les recruteurs, toujours frileux, tardent à prendre des décisions et les négociations semblent parfois s’éterniser.

Les recrutements perturbés par la crise sanitaire et économique

Le 2 décembre 2020 à 17h18

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

La reprise des recrutements n’a globalement pas été cassée, mais les contaminations recensées dans les entreprises et l’absence de visibilité en ont chamboulé le processus. Les recruteurs, toujours frileux, tardent à prendre des décisions et les négociations semblent parfois s’éterniser.

La détection des cas Covid en entreprise perturbe les recrutements ; les employeurs espèrent grandement que le vaccin dégagera l’horizon économique et, en attendant, sont nombreux à retarder les décisions de recrutements ; les exigences sur les profils recrutés ont parfois été revues à la baisse, même si les profils dirigeants et expérimentés restent très appréciés. Ce sont les trois principaux éléments qui ressortent de nos échanges avec les six cabinets de recrutement contactés par Médias24.

''On est actuellement sur du stop and go'', résume-t-on chez Pluriel RH. Les recrutements sont en effet soumis aux aléas des contaminations dans les entreprises. ''Dès que des cas positifs sont déclarés, les employeurs sont contraints de suspendre temporairement les recrutements, ce qui rallonge énormément les délais. Une société m’a récemment demandé de lui présenter plusieurs profils, mais elle a dû interrompre ses recrutements car plusieurs de ses salariés ont été testés positifs. Elle doit donc gérer ces contraintes avant de pouvoir à nouveau recevoir des candidats'', indique le cabinet Pluriel RH. Et d’ajouter : ''C’est la même chose pour les formations : elles ont repris mais dès qu’un cas positif est détecté, elles sont automatiquement interrompues. On peut dire que le Covid bouleverse complètement le processus de recrutement.''

Ces aléas n’empêchent pas pour autant la reprise des recrutements. ''On a senti un redémarrage il y a deux mois, début octobre. Du côté des candidats, il y a énormément de demandes mais les profils ne correspondent pas toujours aux besoins des entreprises, qui sont très focalisés sur le commercial, la finance et les nouvelles technologies. Ce sont vraiment les trois domaines phares. La crise, elle est donc surtout du côté des bons profils à trouver. Il est notamment très difficile de trouver des bons commerciaux, alors que ce sont des postes qui n’attendent pas pour les entreprises'', constate Pluriel RH.

Des délais de recrutements plus longs

La détection des cas Covid en entreprise n’explique pas à elle seule le rallongement des délais de recrutement. Romain Férier, directeur associé du cabinet H&F Associates, constate que ses clients ''mettent énormément de temps à prendre des décisions''. ''Avant, entre le moment où un candidat était présenté à l’employeur et le moment où la décision était prise, il s’écoulait en moyenne un mois. Actuellement, c’est deux, voire trois mois. Beaucoup de postes sont en cours de négociation mais les décisions tardent à être prises'', précise-t-il. Romain Férier suggère deux facteurs : ''D’une part, les entreprises n’ont aucune visibilité ; elles sont donc très soucieuses de ne pas sélectionner un candidat dont elles se rendraient compte plus tard qu’il ne répond pas à leurs attentes. D’autre part, elles ont passé une année 2020 extrêmement difficile et, pour ne pas l’abîmer davantage, préfèrent temporiser et reporter sur l’exercice 2021 les coûts d’un nouveau recrutement.''

Ses clients sont donc frileux, mais ils sont au rendez-vous : ''On a quasiment retrouvé le même nombre de missions que celui qu’on avait avant la crise sanitaire, c’est-à-dire une trentaine de missions à l’heure actuelle, contre une quarantaine en temps normal.''

Cette frilosité se retrouve également dans les profils recherchés par les entreprises : Romain Férier constate que ses clients ciblent des profils ''plus tendres''. ''Là où nos clients nous demandaient auparavant de rechercher un responsable financier, il se ravisent désormais et sollicitent plutôt un chef comptable, c’est-à-dire des postes dont les rémunérations et les responsabilités sont moins élevées. Les entreprises sont en train de se restructurer et de repenser leur organisation. La manière dont elles répartissent les postes et les responsabilités fait partie de cette réorganisation et, par voie de conséquence, elles recrutent des profils plus juniors sur des postes intermédiaires.''

Les profils dirigeants et expérimentés très demandés

Cette révision des responsabilités et des rémunérations à la baisse ne s’observe pas dans toutes les agences. Au sein du cabinet Diorh, spécialisé dans le recrutement des cadres et des postes affectés aux comités de direction, les missions ne s’essoufflent pas. ''Nous sommes régulièrement consultés pour des demandes très axées sur la partie middle et top management, pour recruter des membres de comité de direction. Le marché est très dynamique. Notre cabinet a repris sa vitesse de croisière en termes de chiffre d’affaires. En toute honnêteté, je ne me fais aucun souci pour les recrutements en 2021 dans les postes dirigeants'', réagit Marc Chalet, responsable de l’activité Executive Search. Les secteurs les plus sollicités sont l’agroalimentaire, l’industrie pharmaceutique, la distribution d’hydrocarbures et les services. ''Les recrutements dans le secteur automobile commencent aussi à bouger, que ce soit à Tanger ou Casablanca.''

Les postes dirigeants ont effectivement le vent en poupe, constate Amina Ghazi, directrice du recrutement au sein du cabinet ORH Assessment, filiale du groupe LMS Organisation & Ressources Humaines. ''Les clients nous contactent principalement pour des postes de cadres supérieurs et de cadres dirigeants dans le domaine du digital et de l’industrie'', nous dit-elle. Une observation que partage aussi Ali Serhani, directeur associé chez Gesper Services : ''Les cadres supérieurs et dirigeants sont très demandés, ainsi que les postes de responsable commercial. L’industrie en général recrute beaucoup, ainsi que le secteur des services et le digital. Mais cette préférence des recruteurs pour les profils très expérimentés a une conséquence : les jeunes salariés sont à la peine.''

Le cabinet Fortel RH Consulting, spécialisé dans le recrutement des téléopérateurs, confirme cette attention particulière accordée aux candidats expérimentés. Dans les centres d’appels, dont beaucoup ont poursuivi leurs activités en télétravail selon ce cabinet, les postes vacants sont réservés aux salariés qui cumulent les expériences. ''Les profils peu expérimentés doivent être formés. Or les boîtes ne sont pas préparées à les former à distance. Globalement, dans ce secteur, les recrutements sont encore à la traîne. Le télétravail a perturbé tout le processus'', nous dit ce cabinet.

Les multinationales plus dynamiques que les entreprises marocaines ?

Comme le cabinet Diorh, dont les clients sont des filiales de multinationales ''à hauteur de 60 à 75%'', selon Marc Chalet, le cabinet Gesper Services travaille beaucoup avec les groupes internationaux implantés au Maroc. ''Elles n’ont jamais interrompu les recrutements, même pendant les périodes particulièrement houleuses de la crise sanitaire, contrairement aux entreprises marocaines. Les multinationales maintiennent les recrutements, mais pour le premier trimestre 2021. Certaines se disent même prêtes à ajouter une clause de maintien de l’emploi pour une durée d’une année, voire de 16 mois, dans le but d’attirer des salariés qui, au vu du contexte actuel, sont très réticents à changer d’entreprise'', explique Ali Serhani.

Un constat qui tranche avec celui formulé par Romain Férier, qui remarque une baisse des missions confiées par des multinationales, au profit des entreprises maroco-marocaines : ''Environ 70% de nos missions sont déposées par des filiales de groupes internationaux, contre 30% pour les entreprises locales. Avant, c’était plutôt 90% de demandes émanant des multinationales, et 10% des sociétés marocaines.''

Le vaccin, une aubaine sur laquelle les employeurs misent beaucoup

Qu’elles soient marocaines ou internationales, les entreprises sont très nombreuses à s’en remettre à l’arrivée du vaccin, espérant que la campagne de vaccination contribuera à redresser la situation économique, et ainsi permettre aux entreprises de recruter davantage.

Ali Serhani parle d’un ''avant/après déclaration de vaccination''. Il s’en explique : ''Dès que les autorités sanitaires ont commencé à parler vaccination, l’attitude des employeurs a changé. Ils ont l’espoir que les recrutements qui se font à l’heure actuelle soient définitivement opérationnels au premier trimestre 2021, c’est-à-dire que toutes les étapes auront été achevées entre janvier et mars. Avant l’annonce de la vaccination, les employeurs misaient plutôt sur le deuxième trimestre, à partir d’avril. Ils espèrent en tout cas que le vaccin changera la donne.''

''L’économie mondiale est en attente d’une solution et le vaccin peut en être une. Les marchés et les clients détestent l’incertitude ; ils sont aujourd’hui dans l’attente de ce vaccin pour clarifier leur business, car pour l’instant, ils sont nombreux à dire que les scénarios qu’ils projettent sur 2021 sont tous bâtis sur des hypothèses moins tangibles quà laccoutumée'', conclut pour sa part Romain Férié.

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