Abdellatif Jouahri exprime sa colère contre Fitch Rating

Le Wali de Bank Al Maghrib considère la récente dégradation de la notation souveraine du Maroc par Fitch Rating comme « non professionnelle » et « non éthique ». Il a confié que le ministre des Finances a contacté officiellement les responsables de l’agence internationale pour demander des explications.

Abdellatif Jouahri exprime sa colère contre Fitch Rating

Le 15 décembre 2020 à 19h08

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

Le Wali de Bank Al Maghrib considère la récente dégradation de la notation souveraine du Maroc par Fitch Rating comme « non professionnelle » et « non éthique ». Il a confié que le ministre des Finances a contacté officiellement les responsables de l’agence internationale pour demander des explications.

S’exprimant à l’issue du Conseil de Bank Al Maghrib, tenu ce mardi 15 décembre, le Wali de Bank Al Maghrib a confié avoir été surpris par la récente note de Fitch Rating, qui a dégradé, le 23 octobre, le rating du Maroc lui faisant perdre son Invetsment Grade.

« On a été très surpris par la dégradation de la note du Maroc par Fitch Rating, qui avait pourtant maintenu l’Investment Grade du Maroc il n’y a même pas six mois. Sortir six mois plus tard, pour changer subitement de position, dans un contexte où le monde entier traverse une crise inédite et surtout à la veille d’une sortie du Maroc sur le marché financier international n’est ni professionnel ni éthique », a lancé Abdellatif Jouahri. « Même quand on veut dégrader une notation, on ne le fait pas à la veille de la sortie d’un pays à l’international », ajoute-t-il.  

Le Wali de Bank Al Maghrib a informé les journalistes conviés à sa traditionnelle conférence de presse post-conseil que le ministre des Finances a été lui-même surpris par cette volte-face et a contacté officiellement les responsables de l’agence internationale pour exprimer sa position et demander des explications.

Une dégradation qui n’a pas impacté la signature Maroc

Malgré la perte de l’Investment Grade, élément que les investisseurs internationaux prennent en compte pour pricer la dette d’un pays, Abdellatif Jouahri a affirmé que le Maroc a pu réussir sa dernière sortie dans de très bonnes conditions. Ce qui constitue pour lui un motif de satisfaction.

« Malgré cette dégradation de Fitch, le marché a réagi très positivement à la sortie du Maroc », a exprimé Abdellatif Jouahri.

Cette dernière sortie a été selon lui une réussite sur tous les plans et s’est faite dans des conditions bien meilleures que celles de septembre.

Pour rappel, en septembre, le Maroc a levé 1 milliard d’euros sur le marché international pour rembourser une tombée de dette. Avant de revenir sur le marché début décembre en levant un montant record de 3 milliards de dollars.

« Vous savez très bien que je n’utilise pas la langue de bois. La dernière sortie a été très bonne. Au départ, il était prévu qu’en 2020 le Trésor sortirait à 2 reprises. En septembre, il a levé 1 milliard d’euros sur deux maturités. Mais vu que les conditions n’étaient pas très favorables, on s’est dit au niveau de Bank Al Maghrib qu'il fallait peut-être reporter la deuxième sortie à 2021. Mais les conditions du marché se sont améliorées, en lien probablement avec l’annonce des opérations de vaccination. Il y avait une surliquidité sur les marchés et le Maroc a très bien saisi l’angle de tir pour sortir à ce moment-là, car il a bénéficié de conditions favorables au niveau des taux et des maturités qui ont atteint 30 ans pour la troisième tranche. Ce succès s’est vu aussi au niveau de la demande. Le volume demandé par les investisseurs internationaux était de 13 milliards. Le Maroc pouvait donc prendre plus de 3 milliards de dollars, mais le ministre des Finances a décidé de s’arrêter à 3 milliards », précise Jouahri.

Une dette qui aura des retombées positives sur le Trésor et les banques

Pour le Wali de Bank Al Maghrib, cette levée de 3 milliards de dollars aura des retombées positives aussi bien sur les finances publiques que sur le marché monétaire.

Elle vient d’abord renforcer les réserves en devises du pays, qui couvrent aujourd’hui plus de 7 mois d’importations. Mais surtout alimenter en dirhams le budget de l’Etat, contrairement à la LPL dont la contrepartie n’est pas allée au Trésor, souligne Jouahri.

« Cette sortie a été faite en décembre. Ses recettes doivent couvrir en principe les besoins de 2020 mais aussi ceux de 2021 », explique Jouahri. Ce qui donnera selon lui une certaine aisance à l’Etat mais aussi à la trésorerie des banques. Car le Trésor pourra selon le Wali de BAM placer une partie de ses liquidités sur le marché monétaire et soulager les besoins des banques en cette période qui a connu un fort resserrement des conditions de liquidité en raison des sorties massives de cash du circuit bancaire.

Ce qui vient appuyer l’action de BAM qui répond également à tous les besoins des banques. « Nous avons jusque-là répondu à tous les besoins des banques sur le marché monétaire. La part des facilités à un mois et trois mois prend de plus en plus d’importance par rapport aux avances classiques à 7 jours. Ce qui donne une meilleure visibilité aux banques. Maintenant, si demain d’autres besoins s’expriment, malgré l’impact que va avoir la contrepartie en dirhams de cette levée de 3 milliards de dollars, on répondra présent », signale Abdellatif Jouahri.

Cette levée de 3 milliards de dollars aura également selon lui un impact sur les taux obligataires, qui ont pris ces derniers temps un trend haussier. Avec cette sortie record, les besoins du Trésor vont s’amoindrir et il n’aura pas besoin de recourir au marché intérieur de la dette. Ce qui impactera les taux à la baisse.

Malgré sa hausse, l'endettement public reste soutenable

Jouahri qui est d’habitude contre toute montée spectaculaire de la dette publique semble s’être adapté dans son discours au contexte mondial du moment. Et considère que malgré les levées répétitives du Trésor, aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’international, le niveau d’endettement du Maroc reste soutenable.

Une assurance qu’il tient du changement de discours des institutions internationales qui recommandent, comme il l’a exprimé, aux gouvernements de ne pas brimer la dépense publique en ces temps de crise.

« C’est une crise inédite. Et toutes les institutions internationales, le FMI, la Banque mondiale, l’OCDE, recommandent aux Etats de continuer à soutenir l’économie par la dépense publique », dit-il.

En plus, le niveau de la dette du Maroc, monté à 79% du PIB reste loin de la moyenne internationale estimée par le FMI à 100% du PIB. Une moyenne qui inclut aussi bien les pays avancés que les émergents, souligne Jouahri. « La mission du FMI réalisée fin octobre au Maroc n’a pas d’ailleurs pointé du doigt le niveau de la dette. Elle a dit au contraire qu’on a réagi positivement face à la crise », confie Jouahri.

Le problème selon le Wali de Bank Al Maghrib n’est pas la montée de l’endettement du Trésor, mais la capacité de l’Etat à inverser la tendance au sortir de la crise, à partir de 2023.

Et pour cela, il insiste sur un point essentiel : cette dette levée actuellement ne doit pas aller au financement du train de vie de l’Etat, mais à l’investissement.

« Cette dette publique doit aller vers l’investissement public et favoriser en même temps l’investissement privé à travers des PPP. Il ne faut surtout pas augmenter un endettement public pour la consommation quotidienne. Il faut que cette dette alimente un investissement bien ciblé, qui créera de la richesse et permettra à l’Etat de rembourser la charge de la dette dans l’avenir. Car la crainte, c’est d’hypothéquer les générations futures en leur léguant le fardeau de la dette », alerte-t-il.

Le Wali de Bank Al Maghrib, qui est également conseiller économique du gouvernement, recommande au Trésor de recourir au maximum aux instruments de gestion active de la dette, pour remplacer des anciennes lignes par de nouvelles levées moins coûteuses.

« Le Trésor a déjà fait ça, notamment en septembre. Mais je l’encourage à aller encore plus loin dans la gestion active de la dette. Car cela nous permettra de réduire la charge d’intérêt de la dette et soulager le budget de l’Etat », souligne le Wali.

>>Lire aussi: Fouzia Zaâboul : "L'endettement extérieur du Maroc reste maîtrisé et soutenable"

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