Surinfections, inconfort corporel… L’impact hygiénique de la fermeture des hammams

L’impact sur la peau du manque d’hygiène n’est pas grave, rassurent trois dermatologues, mais très inconfortable. En revanche, certaines infections déjà présentes peuvent être aggravées par un lavage insuffisant et irrégulier du corps, donnant lieu à des surinfections.

Surinfections, inconfort corporel… L’impact hygiénique de la fermeture des hammams

Le 18 janvier 2021 à 15h05

Modifié 11 avril 2021 à 2h49

L’impact sur la peau du manque d’hygiène n’est pas grave, rassurent trois dermatologues, mais très inconfortable. En revanche, certaines infections déjà présentes peuvent être aggravées par un lavage insuffisant et irrégulier du corps, donnant lieu à des surinfections.

La fermeture des hammams donne du fil à retordre à de nombreuses familles marocaines, d’autant plus dans un pays où le bain traditionnel fait partie intégrante de la culture et des habitudes de la vie quotidienne.

Fermés le 20 mars 2020 lors de l’annonce du confinement, puis rouverts le 25 juin, quelques jours après le déconfinement, les hammams ont à nouveau fermé deux mois plus tard, le 20 août, à Casablanca, Marrakech et Beni Mellal, en raison de l’évolution négative de la situation épidémiologique dans ces villes. A l’heure actuelle, d’après Rabie Ouaacha, président de la Fédération nationale des associations de propriétaires et gérants de hammams traditionnels et douches publiques au Maroc, les hammams de la région du Grand Casablanca, de Kénitra et d’Agadir-Ida-Outanane sont tous fermés. "Ailleurs, ils sont ouverts", assure-t-il auprès de Médias24.

Compte tenu de l’ouverture des cafés, restaurants et centres commerciaux, entre autres, qui sont autant de lieux où les interactions sociales vont bon train, et du fait que les autorités n’ont jamais fait état de contaminations ou de risques de contamination dans les hammams, la question se pose de savoir si ces derniers sont plus propices à la transmission et à la propagation du virus. Sans conteste, oui, estime Dr Tayeb Hamdi, vice-président de la Fédération nationale de la santé, médecin et chercheur en politiques et systèmes de santé. "On ne peut ni respecter la distanciation, ni porter le masque. S’il est mouillé, ou ne serait-ce qu’humide, le masque devient inefficace car il n’est plus étanche ; il n’exerce plus son effet électrostatique qui empêche les virus de traverser ses fibres, et devient donc complètement perméable. L’humidité des hammams favorise également la stagnation et la propagation du virus, et par conséquent la contamination, sans compter que ces endroits ne peuvent être aérés", explique-t-il.

L’impact sur la peau n’est pas grave, mais très inconfortable

Autant dire que les hammams ne sont pas près de rouvrir leurs portes. Une situation particulièrement incommodante pour de nombreuses familles qui, à défaut de disposer d’une salle de bain à proprement parler dans leur foyer, comptent énormément sur ces lieux pour se laver. Une hygiène insuffisante peut en effet être très inconfortable, pointent trois dermatologues contactées par Médias24. "Pas grave, mais très pénible à supporter", souligne Imane Tirhazouine.

Les risques infectieux sont essentiellement mycosiques, aussi bien pour les adultes que pour les enfants, explique Nadia Ismaili, dermatologue et vice-présidente du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM) : "Le risque le plus important pour les personnes qui ne se lavent pas régulièrement, surtout lorsqu’elles sont obèses ou diabétiques, est de développer des mycoses au niveau des plis, car lhumidité génère de la macération. On en voit beaucoup. Ce n’est pas grave mais ça peut s’étendre. Cela pourrait – et je dis bien pourrait – devenir grave si ces personnes restent de longs mois sans se traiter, mais c’est rare. La plupart des gens parviennent toujours à se débrouiller pour pouvoir consulter."

Les infections cutanées peuvent s’aggraver, comme les impétigos, qui sont des infections staphylococciques dues à une bactérie qu’on appelle le staphylocoque. "Des gènes pathogènes se multiplient et restent sur la peau. La flore bactérienne nous protège, certes, mais les bactéries pathogènes peuvent s’accumuler de façon anormalement élevée si on ne prend pas de bain régulièrement", indique pour sa part Kawtar Janati.

En fait, la fréquence des infections peut augmenter, mais pas leur gravité : elles restent traitables et gérables, résume (et rassure) Imane Tirhazouine.

"On peut également rencontrer d’autres infections bactériennes, surtout lorsqu’une plaie ou des boutons n’ont pas été désinfectés ou lavés, ainsi que des folliculites, qui sont de petites infections du poil dues à un manque d’hygiène. A force de ne pas se laver, les cellules mortes de la couche cornée s’accumulent, et cette même couche superficielle, qui n’est constituée que de cellules mortes éliminées spontanément au fur et à mesure des bains, s’épaissit. Le gommage permet d’ailleurs d’éliminer ces débris cellulaires. Sans douche régulière, la peau devient craquelée, avec des dépôts de sébum et de petites saletés. L’épaississement de la couche cornée peut également provoquer un prurit, c’est-à-dire des démangeaisons, notamment chez les personnes âgées ou celles qui connaissent des perturbations en raison d’une pathologie déjà présente", explique encore Nadia Ismaili.

Un risque de surinfections

Sans surprise, un lavage insuffisamment régulier peut aussi favoriser les mauvaises odeurs. "L’accumulation des glandes apocrines, responsables de la sécrétion de la sueur au niveau des aisselles et des parties génitales, entre autres, génère de mauvaises odeurs, surtout chez les hommes et les personnes ayant la peau grasse", ajoute Nadia Ismaili. "Ce n’est pas la sueur en elle-même qui donne de mauvaises odeurs, mais le manque de douches qui favorise l’implantation de bactéries. C’est leur accumulation qui est à l’origine des mauvaises odeurs", abonde Kawtar Janati.

Quant au cuir chevelu, il peut développer un excès de sébum et un état pelliculaire. "On est constamment entourés de petits microbes mais une hygiène régulière permet de maintenir un certain équilibre. Or lorsque cet équilibre est rompu, principalement par manque d’hygiène, il y a un risque d’infections par de petits champignons", indique Nadia Ismaili.

Sa consœur Imane Tirhazouine dit constater une augmentation de plusieurs pathologies, capillaires notamment, indirectement liées à la fermeture des hammams : "Je vois des teignes surinfectées et purulentes, parce que les gens ne peuvent pas se laver les cheveux. Ce n’est pas grave, mais c’est très inconfortable. Un lavage régulier du cuir chevelu à hauteur d’une fois par semaine est suffisant pour la population marocaine, car la plupart ont les cheveux secs."

Enfin, certaines infections déjà présentes ont été renforcées par le manque d’hygiène, observe Imane Tirhazouine, qui pointe un risque de surinfections dermatologiques, c’est-à-dire des pathologies déjà présentes auxquelles de nouvelles infections viennent se greffer. Sans compter que certaines d’entre elles (comme la galle par exemple) requièrent un lavage du corps quotidien, faute de quoi elles s’aggravent.

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