Depuis 2019, le Maroc a gagné 4 places en 2020 et 3 en 2021 dans le classement annuel Global Firepower Index qui liste les plus grandes puissances militaires de la planète.

Sollicité par Médias24, l’expert militaire Abdelhamid Harifi ne se dit pas étonné au regard de la multiplication, ces deux dernières années, d'importantes commandes d’armements pour tous les corps d’armée.

Le classement Global Firepower Index entaché de lacunes

S’il attribue le progrès du Maroc à ses achats militaires, il ajoute qu’à l’instar d'autres experts, il ne croit pas vraiment en la crédibilité de ce classement qui ne reflèterait pas la réalité des choses.

« Ses rédacteurs ne prennent pas en considération plusieurs critères importants comme l'aspect logistique, entraînement, expérience sur le terrain et enfin opérationnel d'une armée.

« Ainsi, il est surprenant de découvrir que l'armée d'Algérie est mieux classée que celle du Maroc sous prétexte qu’elle disposerait de plus de matériels que les FAR.

La puissance militaire d’un pays ne se mesure pas au nombre de matériels détenus

« Faut-il rappeler que la Lybie qui s'est écroulée en quelques jours en 2011 disposait du plus grand parc mondial de chars (4000 tanks) et d'artillerie dépassant largement ceux des États-Unis, de la Russie ou même de la Chine.

« Ce n'est pas pour cela que l'armée libyenne était classée meilleure au monde. Idem pour celle d’Irak qui était plus aguerrie avec une expérience de terrain non négligeable après sa longue guerre contre l'Iran et qui malgré tout s'est effondrée en moins d'un mois devant la coalition internationale en 2003.

Les manœuvres algériennes ordinaires ne constituent pas un message pour le Maroc

« A ce propos, il faut également se montrer critique vis-à-vis des dernières manœuvres de l'armée algérienne qui ont été largement médiatisées par ses médias nationaux mais aussi par les nôtres.

« En effet, ces exercices de synthèse qui se sont déroulés à la frontière du Maroc n'avaient rien d'exceptionnel sachant que toutes les armées du monde se livrent aux mêmes manœuvres chaque année y compris le Maroc qui s'entraîne à la frontière algérienne.

« Contrairement à ce que prétendent certains, il ne faut donc pas les voir comme un message au Maroc même si les déclarations du chef d'état-major algérien le visaient insidieusement et indirectement.

Un manque de discrétion qui a souligné la déficience organisationnelle de l’armée du voisin

« Cette médiatisation a quand même permis de découvrir que leur matériel n'était pas bien entretenu, leur tactique dépassée avec une armée très lourde sans infanterie sur le terrain qui se contente de tirer à droite et à gauche avec des cris de victoire sur des cibles fixes qu'il est impossible de rater.

« Ainsi, tout observateur militaire averti n’a pas manqué de relever leurs lacunes organisationnelles et c'est d’ailleurs la raison pour laquelle, le Maroc ne médiatise jamais ses exercices.

« En effet, les FAR se contentent de publier des photos qui ne montrent ni les tactiques adoptées sur le terrain encore moins le niveau opérationnel des troupes et des différentes unités marocaines.

« En fait, la médiatisation de ces grands shows militaires est destinée à rassurer l'opinion publique algérienne en présentant les soldats comme les champions militaires de l'Afrique », explique notre expert peu convaincu.

La pandémie a annulé tous les exercices militaires communs avec les armées alliées

Selon lui, 2020 a été une année exceptionnelle pour les FAR qui n'ont pas organisé d’exercice militaire avec d'autres armées étrangères comme cela se fait d’habitude avec la France, les USA, l'Espagne …

« Après l’apparition de la pandémie du coronavirus, toutes les manœuvres communes comme celles de l'African Lion ont été annulées hormis quelques exercices des unités stationnées au sud pour maintenir leur niveau de préparation.

2020, une année de profil bas en termes de commandes d’armement

« Cela n'a cependant pas empêché le Maroc d’annoncer le lancement de plusieurs achats à la France comme les systèmes de défense antiaérienne, de l'artillerie Caesar et enfin des blindés Vab MK3.

« Côté américain, Il n'y a pas eu autant de commandes qu’en 2019 où le département d’Etat américain avait approuvé 3 commandes portant sur l’achat de 25 avions F16 type V, 36 hélicoptères Apache et 23 kits Viper F16 de modernisation pour un coût total de 9 milliards de $ soit respectivement 3,778 milliards de $, 4,25 MM$ et 985 M$ », résume Harrifi.

Notre interlocuteur poursuit en précisant que si cette énorme commande a été maintenue l’année dernière, les FAR se sont contentés de commander en avril 2020 10 missiles air-mer Harpoon pour un coût de 62 millions de dollars.

« Hormis ces missiles, c’est en 2020 qu’a été concrétisé l'achat d'avions Gulfstream 550 destinés à la reconnaissance et la guerre électronique donc ne connaît pas encore le nombre d’unités commandées.

En fait, au regard de la conjoncture marquée par une crise sanitaire mondiale, l'armée se serait plutôt concentrée sur des missions humanitaires et de maintien de l'ordre avec la police et la gendarmerie.

L’avenir de la commande du système Patriot dépendra du feu vert du Congrès américain

« Cela explique le fait que le Maroc a limité ses achats durant l’année écoulée avant de lancer une commande de missiles Patriot qui n'a cependant pas encore été validée par le Congrès américain.

« En effet, si le document de l'agence américaine pour le commerce international daté du 10 décembre 2020 parle d'achat, rien ne se fera avant le feu vert de la nouvelle représentation nationale américaine qui devra se prononcer à la majorité.

« On ne connaît pas encore le montant de la commande marocaine mais elle devrait coûter au moins 2 milliards de dollars même si tout dépendra de la configuration du matériel acheté.

En cas de validation, le Maroc disposera d’une défense aérienne de longue portée

« Quoiqu’il advienne, c’est un événement car pour la première fois, le Maroc disposera d’une défense antiaérienne de longue portée (+ de 120 km) avec un système qui fait aussi de la défense antimissile.

« En effet, les Patriot permettront de contrer les attaques aériennes mais également les missiles balistiques de type Iskander russe (successeur du Scud) détenus par notre voisin qui peut viser des installations stratégiques du Maroc.

« Le but de cette commande est d'avoir un système de défense anti-aérienne multicouche à courte, moyenne et longue portées pour optimiser la défense de l'espace aérien qui s’ajoutera au système chinois déjà commandé qui permettra d'avoir plus de fiabilité et ne plus dépendre d’un seul fournisseur.

En fonction des liens avec l’administration Biden, d’autres commandes seront annoncées en 2021

Hormis les Patriot, il y aura en 2021 des commandes de drones Reaper et d’un système de lance-roquettes multiple qui devront aussi être validées par le Congrès américain”, conclut Harrifi qui ajoute que si le Maroc arrive à sortir rapidement de la crise sanitaire, il devrait y avoir beaucoup d'annonces d’achats qui dépendront cependant des liens du Maroc avec la nouvelle administration américaine …