La culture de l'avocat, gourmande en eau, se développe fortement au Maroc

La culture de l’avocatier se développe à grande vitesse au Maroc, pour répondre à une demande croissante à l’international. Ce fruit est toutefois gourmand en eau. Est-il pertinent d’accroitre sa production alors que le pays est fortement exposé à un risque de stress hydrique ? Avis d’experts.

La culture de l'avocat, gourmande en eau, se développe fortement au Maroc

Le 17 février 2021 à 19h20

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

La culture de l’avocatier se développe à grande vitesse au Maroc, pour répondre à une demande croissante à l’international. Ce fruit est toutefois gourmand en eau. Est-il pertinent d’accroitre sa production alors que le pays est fortement exposé à un risque de stress hydrique ? Avis d’experts.

"L’or vert", c’est comme cela que les agriculteurs appellent ce fruit de luxe, très demandé à l’international, mais aussi au Maroc ces dernières années.

La production continue d’augmenter

La superficie plantée au Royaume est estimée à plus de 7.000 ha. Ces plantations se situent principalement sur les côtes du pays, soit depuis Larache jusqu’à Rabat, des zones où il ne fait pas frais en hiver. Le Gharb représente à lui seul 86% de la superficie nationale, avec 5.840 ha plantés.

En effet, l’avocat ne supporte pas le froid. La température moyenne de croissance est comprise entre 12,8 et 28,3°C avec un optimum à 25°C pour les mois les plus chauds et 15°C pour lds mois les plus froids. "Des terres ont été plantées près de la ville d'El Jadida, mais les plantes n'ont pas résisté au climat de cette région", nous confie Kaabouchi Khettab, technicien agronome et agriculteur dans la région du Gharb.  

"Plus de 40.000 tonnes d’avocat sont produites chaque année au Maroc, dont environ 20.000 tonnes exportées principalement vers les pays d'Europe", apprend Médias 24 auprès d'Ahmed Oukabli, directeur de la Fédération interprofetionnelle de la filière de l’arboriculture fruitière au Maroc (Fedam).

Avec une demande qui ne cesse de croitre, tant à l’intérieur du pays qu’à l’international, cette production risque d’augmenter. "L’avocat est un fruit très demandé". Pour répondre à ce besoin, "plusieurs centaines d'hectares ont été plantés ces dernières années. De nombreux agriculteurs vont donc bientôt entrer en production. Cette phase intervient 3 à 4 ans après la plantation". 

"La production risque ainsi de doubler, pour atteindre 80.000, voire 100.000 tonnes par an". Pour la saison 2020-2021, la région de Rabat-Salé-Kénitra prévoit, à elle seule, une production prévisionnelle de 60.000 tonnes.

Pratiques déloyales en Espagne

"La hausse de la production sera accompagnée par une augmentation des exportations, l'avocat marocain étant très apprécié à l’international pour sa qualité sanitaire et gustative, sa coloration et son calibre. C’est un produit attrayant", souligne M. Oukabli.

Selon une source du secteur, pour 2020-2021, les exportations devraient augmenter de 31% par rapport à la campagne précédente.

Les principaux pays importateurs sont la France et l’Espagne. D’autres, comme la Russie, les pays du Golfe et d’Asie sont également intéressés par ce fruit, mais à faibles quantités.

Le directeur de la Fedam et M. Khettab tiennent toutefois à dénoncer des pratiques déloyales exercées par les importateurs espagnols. Ceux-ci "achètent le produit sur pied, depuis les vergers au Maroc, changent le pays d'origine au niveau de leurs stations de conditionnement, pour l'exporter en tant que produit espagnol aux Anglais, qui représentent un grand marché. Ce n'est pas normal, et c'est déloyal", déplorent-ils.  

La Hass, variété la plus demandée

Trois principales variétés d'avocats dominent au Maroc. Il s'agit de la Hass, la Fuerté et la Zunato, qui vient en deuxième position après les deux premières. 

"La Hass, connue pour sa peau épaisse, est la variété exportée, puisqu'elle tient longtemps sur les étalages", souligne M. Oukabli. La Zunato et la Fuerté, avec des peaux fines, sont celles qu'on retrouve le plus sur le marché national. 

La récolte au Maroc se fait entre les mois de septembre et mai, période durant laquelle l'avocat n'est pas disponible dans d'autres pays. La Zunato est la plus précoce, étant récoltée de la mi-octobre à la mi-décembre, tandis que la Hass est la plus tardive, car récoltée de début mars à la mi-mai. Elle peut donc rester plus longtemps dans l'arbre.  

Le prix moyen de départ (du verger) toutes variétés confondues est d'environ 7 DH/Kg. A l'exportation, ce prix peut atteindre jusqu'à 20 DH/Kg, si l'on rajoute toutes les charges relatives à la main d'oeuvre, le transport, et l'emballage. 

Une culture consommatrice d'eau

La culture de l'avocatier consomme énormément d'eau, à l'instar de la tomate et des agrumes, que le Royaume continue de développer.

D'après M. Khettab, "les arbres d'avocat sont irrigués deux fois par jour, pendant une demi-heure à une heure par hectare, selon la nature du sol (drainant ou pas)".

Est-il pertinent de continuer à développer ces cultures gourmandes en eau au Maroc, alors que le pays est fortement exposé à un risque de stress hydrique? Pour répondre à cette question, Abdelaziz Rhezali, ingénieur agronome et PhD en fertilisation et fertilité des sols, nous explique qu'il y a deux philosophies au Royaume. 

"La première est la philosophie capitaliste. Une partie des professionnels du secteur pense que puisque cette culture se trouve dans des régions où le problème de l'eau ne se pose pas pour l'instant, on peut exploiter cette ressource pour produire l'avocat, et l'exporter afin d'apporter des devises".

"L'autre partie, avec une philosophie environnementale, estime que la nappe phréatique sera épuisée avec le temps dans ces régions et à un certain moment, nous n'aurons même plus le minimum des ressources qu'on a actuellement". 

Toutefois, "on peut trouver des consensus entre ces deux courants. On peut par exemple stresser la plante, ou développer un système racinaire pour optimiser l'utilisation de l'eau, et continuer à développer la culture de l'avocatier". 

"Pour l'instant, personne ne peut prédire ce qui va se passer d'ici une dizaine d'années, puisqu'il n'existe aucune étude scientifique prospective. Mais pour ma part, je pense qu'on va revivre le même scénario qu'avec les bananes. Le prix de l'avocat va finir par dégringoler lorsque la production va augmenter au Maroc".

Un autre expert agronome joint par nos soins pense quant à lui qu'"on ne devrait pas cultiver un certain nombre de fruits gourmands en eau. Mais il s'agit de décisions politiques qu'on ne peut pas remettre en question". 

Ahmed Oukabli nous confie pour sa part que l'exportation de ce fruit rapporte beaucoup de devises, qui permettent aux agriculteurs de maintenir la main-d'oeuvre. Sur un tel point, "on doit aussi penser à la stabilité sociale et au monde rural"

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