Ce que gagne réellement le Maroc en sortant de la liste grise des paradis fiscaux

Tombée hier, la décision du Conseil de l’UE de retirer le Maroc de sa liste grise des paradis fiscaux a été saluée par tout le monde, pouvoirs publics comme opérateurs privés. Mais qu’apporte concrètement cette nouvelle au Maroc ? Réponses.

Ce que gagne réellement le Maroc en sortant de la liste grise des paradis fiscaux

Le 23 février 2021 à 17h40

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

Tombée hier, la décision du Conseil de l’UE de retirer le Maroc de sa liste grise des paradis fiscaux a été saluée par tout le monde, pouvoirs publics comme opérateurs privés. Mais qu’apporte concrètement cette nouvelle au Maroc ? Réponses.

En 2017, le Conseil de l’UE a pris la décision d’inclure le Maroc dans la liste grise des paradis fiscaux. Au Maroc, cette décision est tombée comme un couperet, au vu de ses éventuelles conséquences sur tout ce qu’entreprend le Maroc pour attirer des IDE et entretenir de bonnes relations économiques avec son premier partenaire commercial, l’UE.

Depuis l’éclatement de la crise de 2008, ainsi que les scandales à répétition révélés par des consortiums de journalistes indépendants (Swissleaks, Panama Papers…), les Européens se sont lancés dans une guerre contre l’évasion et la fraude fiscale. Ou ce que les experts comptables appellent de manière très froide « l’optimisation fiscale ».

En partenariat avec l’OCDE, la machine du Conseil de l’UE s’est mise en branle pour lister les paradis fiscaux dans le monde, dans l’objectif, d’abord, d’engager des discussions avec eux pour corriger leurs régimes fiscaux. Faute de quoi, les pays concernés étaient bannis, listés comme des paradis fiscaux et étiquetés comme « États non coopératifs ».

Le Maroc a évité le scénario catastrophe

Le Maroc a répondu à l’appel de l’UE, en engageant, dès la tombée de la décision européenne, des discussions pour corriger les régimes fiscaux pointés par l’UE. Les Européens reprochaient au Maroc trois choses : les avantages accordés aux entreprises étrangères dans les zones franches d'exportation, le régime préférentiel des zones d’accélération industrielle, ainsi que les largesses fiscales de Casablanca Finance City.

Trois régimes que les Européens ont considérés comme « dommageables », créant « une concurrence déloyale par le biais de l’impôt ». Et qui devaient être rectifiés dans les plus brefs délais pour que le Maroc puisse sortir de cette liste grise et éviter de tomber dans la liste noire… Un scénario catastrophe pour le Maroc. Car une fois listé comme paradis fiscal ou Etat non coopératif, le pays risquait de voir tous ses atouts en tant que terre d’investissement s’envoler.

En engageant les réformes nécessaires, qui ont abouti après trois années à cet « exit » de la liste grise, « le Maroc sauve quelque part sa peau », comme nous dit un fiscaliste marocain. 

« Les Européens mettent une pression énorme sur les entreprises qui s’installent ou achètent des actifs dans les pays considérés comme paradis fiscaux. Ces entreprises s’exposent à de grandes amendes fiscales, à une double taxation, voire à la suppression de tous les avantages que leur États leur accordent. Si le Maroc était tombé dans la liste noire, aucune entreprise européenne n’oserait venir s’installer au Maroc, car elle serait exposée à de gros risques juridiques et financiers », explique notre source. Et ces risques sont nombreux.

Ce que le Maroc gagne avec cet exit

Exemple de la France, un des principaux investisseurs étrangers au Maroc. « Une société française peut avoir une participation dans une entreprise située dans un paradis fiscal, mais elle prend des risques. Si votre société, dont le siège est en France, contrôle une société située dans un paradis fiscal, vous risquez de voir les bénéfices de la filiale taxés par le fisc français au niveau de votre société française, en application de l’article 209 B du code général des impôts », comme l’explique Laurent Gourlay, juriste, ancien inspecteur des impôts dans l’administration française.

Une disposition assez lourde qui concerne les personnes morales domiciliées en France, soumises à l'impôt sur les sociétés et qui contrôlent directement ou indirectement une entreprise établie à l’étranger, quand elle est soumise dans ce pays à un régime fiscal privilégié ou quand elle est située dans un Etat non coopératif.

Si le Maroc était tombé dans la liste des paradis fiscaux, toutes les filiales de groupes français actives au Maroc, dans les zones franches, les zones industrielles ou à CFC, auraient été taxées par le fisc français, même si elles payent déjà de l’impôt au Maroc. Ce qui équivaut à une double taxation qui ferait fuir tout investisseur raisonnable.

Et ce qui s’applique en France est valable pour tous les pays de l’UE, engagés dans cette lutte contre l’évasion fiscale.

Et cela ne concerne pas que les investissements directs réalisés par des entreprises, comme ceux de Renault ou de PSA, mais aussi l’investissement ou le placement dans des titres financiers, y compris ceux effectués par des personnes physiques.

« Une personne physique domiciliée en France peut avoir une participation dans une entreprise située dans un paradis fiscal, mais elle risque de se compliquer la vie. Si vous détenez une participation d’au moins 10% dans une structure dont le siège se trouve dans un paradis fiscal, le fisc français risque de vous taxer au titre de l’impôt sur le revenu sur la quote-part des bénéfices de la structure étrangère vous revenant (article 123 bis du CGI). Et vous êtes alors imposable en France sur les bénéfices de cette structure à hauteur de votre participation, même si vous n’avez perçu aucun dividende. Ces bénéfices seront imposés comme des revenus de capitaux mobiliers sur 125 % de leur montant », explique l’expert Laurent Gourlay pour montrer l’étendue des risques que prend une personne physique française ou européenne (homme d’affaires, investisseur, business angel ou simple épargnant), quand il décide d’investir dans les titres dans une société située dans un paradis fiscal comme défini par les listes de l’UE.

Et la liste des risques est encore longue. Comme en France, pour rester dans un pays qu’on connait bien et dont toutes les entreprises du CAC 40 sont installées au Maroc, où le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a annoncé en avril 2020, en plein milieu de la pandémie du Covid-19, que l’Etat n'accorderait pas d'aides pour faire face à la crise du coronavirus aux entreprises basées ou ayant des filiales dans les paradis fiscaux.

En engageant les réformes qu’il fallait pour sortir de cette liste « maudite », le Maroc a donc échappé à tout cela. Et a maintenu à travers l’adéquation de son régime fiscal avec les nouvelles règles du jeu en UE, son attrait en tant que terre d’investissement, montrant également qu’il était coopératif et réactif. Ce qui, sur un autre registre, renforce sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires européens. Et rassure toutes les entreprises européennes basées sur son sol. 

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